Montants de la solde
Le montant des salaires, intitulés soldes à l’époque, était fixé au mois d’embarquement pour la durée de la campagne suivant le grade du membre de l’équipage.
En fin d’année1761, le Massiac est armé à destination de l’île de France. Nous nous baserons sur le registre d’armement de ce navire [1] pour relevé la solde mensuelle par grade qui est donc pour :
- un capitaine de 200 Livres,
- un 1er lieutenant de 120 Livres,
- un 2e lieutenant de 90 Livres,
- un 1er enseigne de 60 Livres,
- un 2e enseigne de 50 Livres,
- un écrivain de 50 Livres,
- un aumônier de 40 Livres,
- un chirurgien major de 60 Livres,
- un officier marinier de 30 à 60 Livres,
- un officier non marinier de 25 à 40 Livres,
- un volontaire et un pilotin de 15 à 25 Livres,
- un matelot de 18 à 45 Livres,
- un novice de 12 à 25 Livres,
- un domestique de 15 à 20 Livres,
- un mousse de 6 Livres,
- un soldat de 7 à 19 Livres.
Périodicité des versements de la solde
La périodicité de versement de la solde était identique pour l’ensemble de l’équipage. La solde était donc versée de la manière suivante :
- six mois d’avance à l’armement après la sortie du navire du port de Lorient,
- des acomptes versés à la famille pendant la campagne sur présentation d’un billet signé du prêtre de la paroisse certifiant le lien familial,
- une somme versée au désarmement correspondant à deux mois de solde,
- le reste dû après le désarmement remis au département d’appartenance du marin.
Les services de la solde de la Compagnie [3].
Les services administratifs de la Compagnie et tout particulièrement ceux chargés de la solde se situaient à différents endroits.
Tout d’abord à Paris dans un hôtel situé à l’angle de la rue Vivienne et de la rue Neuve-des-Petits-Champs. Dans cet immeuble, au rez-de-chaussée, se trouvaient les caisses accessibles aux publics ; à l’entresol, il y avait des bureaux, et en particulier, celui des livres qui recevait et vérifiait la comptabilité de tous les services de Paris, de Lorient, et des comptoirs ; au premier étage les bureaux "d’Armements " contrôlaient le personnel embarqué, les armements et les désarmements à Lorient ; les archives étaient conservées dans les combles. Dans ces bureaux s’activaient soixante-dix à quatre-vingts personnes.
A Lorient, un bureau avec un effectif de quelques personnes gérait le personnel embarqué. Ce bureau tenait à jour les rôles d’équipage en notant l’état civil du matelot et son signalement. Ce bureau assurait les ordres de versement aux familles pendant les campagnes et établissait les passeports pour le retour des hommes dans leur département d’origine.
A bord du navire, c’était l’écrivain qui assurait la gestion des vivres et du matériel nécessaire au fonctionnement du navire et qui tenait à jour le rôle d’équipage en y inscrivant les débarquements et embarquements ainsi que les décès pour permettre le décompte des soldes. Il procédait aussi à l’inventaire des biens des morts et en assurait éventuellement la vente.
Dans les comptoirs, il y avait aussi des bureaux administratifs gréés par du personnel colonial qui devait en général effectuer un "noviciat " dans les bureaux de Paris.
La méthode de calcul
Les calculs de la solde étaient réalisés par le personnel administratif sur un grand registre préimprimé [4]. La monnaie de l’époque était la Livre valant 20 Sous et un Sou équivalait à 12 deniers rendant les calculs un peu plus compliqués qu’avec le système décimal.
Le personnel des bureaux reportait donc à la plume l’identité du marin, son temps de service en mois et en jour, et sa solde mensuelle. Le mois était compté de 30 jours et ainsi la solde totale était calculée de la façon suivante :
Solde totale = solde mensuelle/30 x (nombre de mois x 30 + nombre de jours)
A cette somme globale, étaient ensuite déduits les montants ci-après :
- la somme, correspondant au six mois d’avance, versée à la famille à l’armement,
- le montant correspondant au prélèvement de six deniers par livre, pour la caisse des Invalides, sur la somme restant après déduction des six mois d’avance,
- les acomptes versés à la famille pendant la campagne,
- et éventuellement, l’argent reçu à bord par le marin, les dépenses d’achat de vêtements (hardes) à la Compagnie, le dû pour l’acquisition de biens d’un compagnon décédé,
- la somme éventuelle versée au désarmement.
Une fois ces retraits effectués, la somme restante était déterminée et versée au département d’appartenance du marin pour qu’elle lui soit remise quelques mois après le désarmement.
Exemple de calcul de solde
Pour illustrer la méthode de calcul, nous allons réaliser le calcul de la solde du novice François Thoumelin pour son embarquement sur le Massiac.
Sa solde mensuelle est fixée à 15 Livres. Le Massiac part de Lorient pour l’île de France, le 2 février 1762. François Thoumelin débarque malade le 29 juin de la même année et est admis à l’hôpital de Port-Louis de l’île de France. Il a donc effectué un temps de service de 4 mois 28 jours sur le Massiac. Il est ensuite considéré, du 30 juin 1762 au 15 avril 1763 sur la Pénélope soit une durée de 9 mois 16 jours. Le décompte de sa solde est donc établi comme suit :
Gains :
- le gain sur le Massiac : 15/30 x (4x30 + 28) = 74 Livres.
- le gain sur la Pénélope : 15/30 x (9x30 + 16) = 143 Livres
Total des gains = 217 Livres.
Déductions :
- les six mois d’avance à l’armement = 90 Livres.
- les six deniers par livre (217 - 90 = 127 Livres) = 3 L 3s 6d.
- les acomptes versés à la famille ( 30 + 60) = 90 Livres.
Total des déductions = 183 L 3s 6d.
Reste dû au département pour versement à François Thoumelin :
Reste dû : 217L - 183L 3s 6d = 33L 16s 6d
Ce reste dû est payé le 5 mars 1767, presque qu’une année après le retour de François Thoumelin à Lorient à bord du Bertin [5].
Conclusion
Pour les équipages de la Compagnie des Indes, une comptabilité très précise était tenue pour le calcul de leur solde. Le montant de la solde était variable suivant le grade à bord et des acomptes étaient versés au famille pour permettre à ces dernières de vivre pendant l’absence du mari. Pendant sont séjour à bord du navire le marin était pris en charge par la Compagnie pour la nourriture et pour les soins.