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La prolifération des loups sous l’Empire

Le jeudi 1er février 2007, par Thierry Sabot

Depuis les années 1990, la question du retour du loup en France suscite les controverses passionnées et les oppositions d’intérêts entre les éleveurs et les écologistes.

Les sources d’Ancien Régime, étudiées par l’historien Jean-Marc Moriceau, et les témoignages écrits des contemporains, nous renseignent sur les rapports entretenus autrefois entre l’homme et le loup.

A titre d’exemple, voici le témoignage, teinté d’ironie, de François-Auguste Fauveau de Frénilly, alors retiré dans son château de Bourneville, dans l’Oise, au début du XVIIIe siècle :

« Les loups foisonnaient dans la forêt. A la faveur de la Révolution, ils avaient prospéré dans les campagnes comme les tigres dans les villes. On avait soigneusement détruit les cerfs, les daims et les chevreuils, tous aristocrates qui se mangent ; mais quant aux loups, gibier révolutionnaire qui mange les autres, on les avait laissés croitre et multiplier en paix. L’abandon de l’immense forêt leur avait fait une patrie paisible où les cors ni les chiens ne les incommodaient jamais. Dans mon parc intérieur qui avait alors beaucoup de portes, mais peu de murailles, ils se promenaient familièrement la nuit : nous en entendions sous nos fenêtres, et le matin on voyait le long des perrons leurs larges pattes imprimées dans le sable. Les bergers n’osaient parquer qu’avec de bons chiens, un ou deux fusils chargés et des mèches enduites de poudre qui brûlaient toute la nuit et dont l’odeur écartait les loups. Mais le loup est l’animal le plus fin de la nature.
Mon premier berger, mon “majoral”, était un personnage important, décoré d’une médaille par la Société d’agriculture et renommé dans le pays comme le roi des mérinos ; avec cela mauvais sujet et ivrogne, qui comptait fort mal son peuple et se souciait peu que les loups mangeassent pour cinq ou six cents francs de côtelettes à son maitre.
Un soir, il avait rentré son troupeau en oubliant trois béliers dans le parc extérieur. Le matin, lorsqu’il fut dégrisé, il les chercha, et, auprès d’une des portes du petit parc, il trouva leurs cornes et leurs sabots au milieu d’un vrai champ de bataille, avec toutes les traces d’un combat à outrance et des empreintes qui prouvaient la présence de trois loups au moins. Je fis placer les débris aux environs ; on les entoura de pièges, et cette ruse de guerre se continua pendant huit jours ; pas un loup n’approcha. Qu’on juge tout ce que cela suppose en eux de calcul et de réflexion. Il fallut plusieurs années, la renaissance de l’ordre, les chasses multipliées et le règne de Bonaparte pour réduire cette peuplade à un petit nombre dont les louvetiers conservaient la graine afin d’avoir le plaisir de les chasser. »

Note : C’est en 1804 que le service de louveterie est fondé pour lutter contre la profusion des loups dans les campagnes. En effet, malgré les nombreuses battues organisées et l’augmentation de la prime distribuée aux chasseurs, les dégats humains et économiques causés par les loups sont énormes (A Varzy, dans la Nièvre, ils tuent sept enfants et blessent une vingtaine d’adultes). Les résultats des mesures prises ne se font pas attendre : Selon Boris Dänzer-Kantof, « en une dizaine d’années, c’est près de 15 000 animaux qui sont abattus. »

Sources :

  • François-Auguste Fauveau de Frénilly, Souvenirs du baron de Frénilly, pair de France (1768-1828), Paris, Plon-Nourrit, 1908. Ouvrage consultable sur Gallica.
  • Boris Dänzer-Kantof, La vie des Français au temps de Napoléon, Paris, Larousse, collection « L’histoire au quotidien », 2003.
  • Jean-Marc Moriceau, Mythe ou réalité ? Les loups mangeurs d’hommes, in L’Histoire, numéro 299, juin 2005, pages 64-69.

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  • > La Gazette Web 17 février 2007 09:55, par René Boiteau

    (à propos des loups...)
    extraits de "le Pin, lande bretonne et douceur angevine" René Boiteau http://perso.wanadoo.fr/r.boiteau/livre.htm

    1796 LES LOUPS DÉVORENT LES BERGERS PINOIS

    En 1792 la chasse aux loups avait été suspendue. Elle reprendra 5 ans plus tard : on donnera 40F pour un loup mâle abattu, il faut apporter la tête coupée ou au moins l’oreille gauche ! Entre temps les ravages affolent la population pinoise. Le 28 fructidor an IV depuis sa maison dans le bourg du Pin, le commissaire Terrier, conscient de ses responsabilités, lance un appel pathétique aux autorités pour organiser la chasse aux loups. Nous reproduisons son texte avec l’exactitude qui lui garde son piment.

    « Un agent du gouvernement doit sans relâche être en activité pour améliorer le sort de ces concitoyens et surtout ceux qui sont dans ces malheureux départements de l’Ouest doivent redoubler de zèle. Citoyen commissaire, ce n’est point des hommes rebelles que je veux vous entretenir, c’est des animaux malfaisans qui font un ravage terrible, ils détruisent journellement soit chevaux, bêtes à cornes ou brebis, il n’est pas que vous en ayiés entendu parler, mais mon devoir m’impose l’obligation de vous en instruire.

    Retiré comme vous le savés dans un pays de landes et de bois, à chaque instant j’entends dire le loup a tué mon cheval, mon poulin, l’autre ma vache, mon veau, mon taureau, et enfin tant de mes brebis, les gens de la campagne ne veulent plus laisser leurs bestiaux coucher dehors, puisque en jour ils sont tués ; vous ne sauriés vous faire d’idée combien le nombre de ces loups est grand, je mets un fait que dans les 4 lieues à la ronde de cette commune, il y en a plus de cent cinquante grands.

    Depuis trois ans on faisait malheureusement la chasse aux hommes, aujourd’hui ce doit être le tour à celle de ces animaux, si on laisse leurs petits prendre des forces, bientôt ils travailleront comme leurs pères et ce dernier nombre est grand, plus on tardera, plus les maux s’accroiteront ; faisons donc voir aux habitants des campagnes que les commissaires du gouvernement prennent en considération leurs sorts ; c’est le langage qu’ils entendent le mieux que celui de leur propre intérêt, et par la on contribura à leur faire cherir la revolution, tous ces motifs citoyen comissaire, méritent votre sollicitude, je vous engage donc au nom de l’intérêt général et des malheureux des campagnes qui sont bien épuisés, que vous provoquiés des mesures pour la destruction prompte de ces animaux ravageurs ; si l’hivert prochain était long surtout couvert de neige, comme cela peut arriver, ne serait-il pas à craindre que ces loups qui pendant la guerre ont surement trouvés des cadavres épars ça et la, ne continuassent à se nourrir de la chair humaine ; on peut donc présumer qu’ils attaqueraient les personnes, on m’a déjà dit que deux enfants bergers en avaient étés dévorés .

    N’ayant point d’armes à la campagne, ou s’il y en a elles sont cachées, d’ailleurs serait-il permis de les porter, on ne peut donc leur faire la chasse ; vu les circonstances passées et présentes qui exigent beaucoup de sagesse, ne serait-il pas prudent et bon que les militaires y fussent intéressés et autorisés par leur chef qui en donnerait l’ordre toutefois se concertant avec les hommes du pays connus qui pourraient même au besoin se servir des armes de quelques soldats qui ne savent guerre bien tirer ; citoyen commissaire, votre bienfaisance est connue aussi je m’adresse avec confiance à vous pour que vous avisiés aux moyens convenables de faire cesser ce fléau qui désole le laboureur des campagnes ; si vous me faite part de cette détermination je pourrai vous seconder dans les moyens d’exécution, je connais la localité et des hommes qui entenderont faire cette opération.

    La partie du département de Maine et Loire joignant ces cantons ci est beaucoup en bois tant futaye que taillis. Ne jugeriés vous pas à propos d’en faire part à votre collègue près cette administration afin qu’il prit de son costé des mesures semblable aux vôtres, car il faut de l’uniformité sans cela l’opération serait infructueuse.
    Salut et fraternité » Signé Terrier.

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