Le marin était alors dit " demi-soldier " et inscrit dans les registres de la matricule du hors-service. A partir de cet âge, il ne pouvait plus être appelé pour servir l’état. Sa veuve percevait aussi cette pension.
Cette pension était réglée d’après les tarifs définis par la loi du 13 mai 1791 bonifiée par la loi du 28 juin 1862.Un supplément spécial était accordé, depuis le décret du 11 juillet 1856, aux marins réunissant six ans de service sur les bâtiments de l’Etat ou aux équipages de la flotte. Les demi-soldiers et leurs veuves avaient droit, aussi, suivant la classe à laquelle appartenait le marin, à un traitement annuel de vingt-quatre ou de trente-six francs pour chacun de leurs enfants au-dessous de l’âge de dix ans. A soixante ans d’âge ou pour cause d’aggravation d’infirmités contractées anciennement au service de l’Etat les demi-soldiers obtenaient un supplément annuel de soixante-douze ou de cent huit francs, suivant la classe.
Une décision ministérielle était prononcée pour notifier que le marin avait droit à une pension et la publication du décret notifiant cette décision était faite dans le Bulletin des lois de la République Française. Le Bulletin des lois fut créé le 3 septembre 1792, par un décret de l’Assemblée législative, et destiné à être envoyé par le ministère de l’Intérieur à tous les départements et districts pour être affiché dans toutes les communes de plus de 2.000 habitants, ainsi qu’à tous les bataillons de l’armée.
Pour le généalogiste, la consultation du Bulletin des lois n’est pas dénouée d’intérêt. En effet pour chaque marin, il est indiqué les éléments suivants après un numéro d’ordre :
- Le nom et le prénom,
- La qualité, le grade et l’emploi,
- La date et lieu de naissance,
- Le montant de la pension appelée " concession ",
- Le motif d’obtention de la concession,
- La date de la décision.
- Les noms et prénoms des enfants ayant moins de dix ans, avec leurs dates et lieux de naissance, le montant de la concession pour les enfants.
Pour illustrer les renseignements qu’il est possible de trouver dans les Bulletins des lois sur ce sujet, nous allons examiner le cas de Jean-Marie Lescoët, marin pêcheur de Riantec dans le Morbihan. C’est ainsi que Jean-Marie Lescoët, né le 15 décembre 1826, a 50 ans en 1876 et remplit bien la condition de 25 ans de service car il a été nommé matelot le 16 décembre 1844, à 18 ans, après avoir été novice et mousse.
Sur le registre de la matricule (Service Historique de la Marine de Lorient - 9 P³ 52 F° 9585 N° 585) du hors-service, il est consigné qu’il était demi-soldier le 16 avril 1877 avec le N° 1913.
La date du 16 avril 1877 correspond à la date de la décision ministérielle qui est prononcée quelques mois après sa cinquantième année. La publication du décret notifiant cette décision est en général effectuée l’année suivante dans le Bulletin des lois, soit en 1878. Le décret porte le N° 11044 et est intitulé " Décret portant approbation des pensions allouées sur les fonds de la Caisse des Invalides de la Marine " et est daté du 13 décembre 1877. Il est signé par le vice-amiral, Ministre de la marine et des colonies, Roussin et le Maréchal de Mac Mahon. Nous retrouvons bien trace de Jean-Marie Lescoët aux pages 896 et 897 de la partie supplémentaire (985 à 1019) du Bulletin des lois de l’année1878 - N° 1010.
Au numéro d’ordre 49, dans les différentes colonnes, nous lisons :
- Noms et prénoms des pensionnaires : Lescoët (Jean-Marie)
- Qualités, grades ou emplois : Idem (c’est-à-dire : matelot à 33 fr)
- Naissance : dates : 15 décembre 1826, lieux : Riantec
- Quotité de la concession : 168
- Motif de la concession : Idem (c’est-à-dire : ancienneté de service)
- Observations : idem (c’est-à-dire : Décision du 16 avril 1877)
- Et au numéro d’ordre 50, toujours dans les mêmes colonnes :
- Noms et prénoms des pensionnaires : 1 enfant : Anne-marie
- Qualités, grades ou emplois :
- Naissance : dates : 12 septembre 1873 lieux : Riantec
- Quotité de la concession : 24
- Motif de la concession :
- Observations : idem (c’est-à-dire : Décision du 16 avril 1877).
Nous relevons donc que Jean-Marie Lescoët a touché une pension annuelle de 168 francs augmentée de 24 francs pour son enfant, Anne-Marie. Nous pouvons aussi noter qu’il était considéré pour l’état comme matelot à 33 francs mensuel et que la date et le lieu de naissance de sa fille étaient le 12 septembre 1873 à Riantec (Cette date est erronée car Anne-Marie est née le 2 août 1866 à Riantec). Cette pension annuelle, correspondant à un montant légèrement inférieur à la moitié de sa solde annuelle par l’Etat [(12 x 33)/2 = 198 fr], n’était pas suffisante pour vivre car Jean-Marie Lescoët a continuer la pêche pendant de nombreuses années.