La paroisse correspond géographiquement à un territoire limité, parfois borné. Mais un village ne forme pas nécessairement une paroisse. Les divisions territoriales sont souvent plus compliquées et une paroisse peut regrouper plusieurs villages, hameaux et écarts. L’église-mère, c’est-à-dire celle où il y a les fonts baptismaux, est alors secondée par des succursales ou des annexes.
L’église paroissiale s’identifie aussi au vocable de son "saint-patron" dont elle conserve parfois quelques reliques, objets de vénérations.
La paroisse possède des biens de nature diverse, notamment meubles et immeubles : l’église, le cimetière, un presbytère avec un jardin, parfois un ossuaire, une école. Mais l’église compte aussi sur les fondations : il s’agit généralement de terres, de rentes ou de maisons données par testament ou par acte notarié par des fidèles "en crainte de l’enfer" ou qui désirent s’assurer des messes à date fixes (les messes d’obit) et à perpétuité.
L’ensemble des biens de l’église est géré par une assemblée de paroissiens : la fabrique. Les membres de cette fabrique, les marguilliers, s’occupent notamment de l’entretien des bâtiments, du luminaire, des vases, des linges sacrés, des sièges et des bancs, des locations des terres, de la perception des rentes, de l’aide aux nécessiteux, et versent au curé le casuel, c’est-à-dire l’argent rapportée par les messes (d’où parfois des rapports tendus entre les marguilliers et le desservant).
Ce dernier, élément primordial du paysage paroissial, est nommé le plus souvent par un "patron de commune", personnage influent, lointain descendant du "fondateur" matériel de la paroisse. Dans ce cas, l’évêque se contente de ratifier le choix en question.
C’est encore dans le cadre paroissial que le curé contrôle tous les actes importants de l’existence : depuis le concile de Trente (terminé en 1563), tous les baptêmes, mariages et extrêmes-onctions sont consignés dans un registre (puis un double à la suite de l’ordonnance civile de 1667).
Témoin privilégié de la vie intime de la paroisse (cf les confessions), le curé participe aussi à l’assemblée des habitants : outre ce dernier, on y rencontre le bailli du seigneur, quelques artisans et laboureurs aisés. La communauté est en principe représentée par un syndic, le plus souvent un paysan investi de la confiance de tous. Ces réunions ont parfois lieu à l’église, ou dans une chapelle, souvent à la sortie de la messe, sur la place, ou éventuellement au moulin ou au cabaret. On y débat d’administration locale : désignation du maître d’école, de la sage-femme, des bergers, des gardes-vignes, des administrateurs de la fabrique, des relations avec le seigneur, du budget, des procès, des règlements de culture et de pacage, de la répartition des eaux d’irrigation, des dates de vendanges et de la moisson, des prêts de bêtes de trait pour le labour ou le transport, "des prières pour obtenir la pluie ou la fin des gelées" (cf Mandrou). On y parle également de fiscalité, notamment la désignation des assesseurs collecteurs de l’impôt : la dîme prélevée sur le champ, la moisson en javelles encore à terre, les charges seigneuriales en nature au moulin ou au pressoir, les charges en espèces. Autant de sujets qui sont souvent le prétexte de querelles, d’autant plus que les paroissiens doivent également participer à l’entretien, à la réparation, à la décoration de l’église et de ses bâtiments annexes, mais aussi au paiement du maître d’école. Charges lourdes qui entraînent souvent l’endettement de la paroisse surtout que les gros décimateurs rechignent souvent à s’acquitter de leur part.
Par ailleurs, la paroisse constitue aussi un cadre de défense contre les menaces qui pèsent sur la population. Souvent "un paysan perché sur le clocher surveille les chemins, prêt à sonner le tocsin" (cf Mandrou). Au moindre danger (brigands, soldats, rouleurs de grands chemins), les paroissiens se précipitent dans l’église avec quelques coffres et un peu de bétail.
Enfin, l’appartenance à une paroisse s’exprime parfois à l’occasion de fêtes solennelles : processions, grandes ripailles de la moisson ou des vendanges, fête du saint-patron, ou encore lors des luttes individuelles ou collectives entre paroisses.
Bibliographie :
- Pierre Goubert : Les Français et l’Ancien Régime, tome 1, Paris, Armand Colin, 1991.
- Robert Mandrou : Introduction à la France moderne 1500-1640, Paris, A. Michel, 1961.
- Robert Muchembled : Société, culture et mentalités dans la France moderne, XVI-XVIII° siècle, Paris, Armand Colin, 1994.