Orléans.
Nous n’allions pas à la messe de onze heures !
Mes parents considéraient que ceux qui y participaient avaient pour but de se "montrer" et d’étrenner les chapeaux et colporter les cancans du jour.
Celle de dix heures nous convenait parfaitement. Notre paroisse était Saint-Paterne, presque sur les lieux de l’ancien Saint-Pouair du temps de Jehanne d’Arc. Une grande église, presque une cathédrale, avec son autel monumental, et sa chaire de bois sculpté, de toute beauté.
Le sanctuaire s’élève toujours sur la place de l’Etape, au bout du faubourg Bannier, et à l’entrée de la rue Bannier, non loin de l’endroit où se dressait la porte du même nom en 1429.
A l’époque de mon enfance, le commissariat principal de police se trouvait juste en face, sur l’endroit où l’on a depuis édifié la Médiathèque.
C’était à dix heures qu’il y avait le plus de monde : l’église était bondée. Nous nous mettions quasiment toujours sur le côté gauche, non loin de la chaire du haut de laquelle monsieur le Curé déclamait des sermons solennels.
Les officiants arrivaient, du fond de l’église, précédés des enfants de choeur en aube rouge et surplis blanc. Le curé, personnage important, entouré de ses vicaires, dans leurs stalles.
Introïbo ad altare Dei... et la foule répondait : ad Deum qui laetificat juventutem meam... Toute la cérémonie et la majorité des chants étaient en latin, et nous savions tout par coeur. Que le culte en latin était beau ! Le rite se déroulait, émaillé de chants et de prières, jusqu’à la communion. Nous répondions et chantions avec ferveur jusqu’à l’ite missa est que l’officiant jetait à tous, les bras ouverts, et nous sortions de l’église suivis par la musique grégorienne que diffusait à tout va le grand orgue qui trônait majestueusement sur son grand balcon, au fond de l’église, face à l’autel. Nous nous sentions régénérés et forts, et sans doute l’étions-nous !
Venaient ensuite les congratulations habituelles entre nos parents et leurs amis et connaissances sur le parvis. Puis, à pied, nous rentrions à la maison, rue Pasteur, à cinq ou six cent mètres de là, en empruntant le faubourg Bannier.
A mi-distance, ma mère entrait "chez Panier" (ainsi se nommait le boulanger habituel de la famille) où il sentait si bon, pour y acheter les pains et les brioches du dimanche.
Ma grand-mère maternelle, que mes soeurs et mois appelions "mémère", restée à la maison, avait cuit le rôti de boeuf et préparé les frites, qui seraient suivis par son admirable et succulente tarte aux pommes.
Repas du dimanche, repas de fête !
Mais auparavant, il nous fallait retirer nos "habits du dimanche" que ma mère rangeait pour le reste de la semaine.
Une fois à table, c’était mon père qui coupait le pain, sans oublier au préalable d’y tracer en dessous, rapidement, une croix avec son couteau.
Après le repas, mon père sortait l’auto, et nous partions pour une balade en Sologne.
Que de suaves dimanches avons-nous ainsi passés !