Seconde partie : Renaissance de l’armée
Le sursaut tant espéré se produit lors de l’installation du « Grand Comité de Salut public de l’An II », le 10 juillet 1793.
Mais correspondait-il vraiment à ce qu’une grande partie de la population attendait ?
La Nation qui, au nom de la Liberté, ne tolérait depuis quatre ans aucune autorité, voit s’installer la Terreur qui la contraint à l’obéissance. Avec elle, « l’enthousiasme, la fièvre révolutionnaire, la crainte, tous les moyens possibles d’exciter la fibre nationale sont mis en jeu » [3].
Constitué de 11 membres avec, entre autres, Robespierre et Saint-Just, « les gens de la haute main », comme ils se nommaient eux-mêmes, principaux instigateurs de l’action politique qui conduira à la Terreur, ce comité voit également, le 14 août 1793, l’entrée de Lazare Carnot, Claude-Antoine Prieur, député de la Côte-d’Or et Robert Lindet, « les gens d’examen ». [4].
Il va leur être attribué un rôle moins politique et plus technique, tourné vers les nécessités du moment : « l’ensemble de la direction de la guerre » pour Carnot, l’approvisionnement et la subsistance des armées pour Lindet et la fabrication et l’approvisionnement en armes et poudre pour C-A Prieur.
Malgré la haine que lui vouait Robespierre « qui ne craignait pas de dire hautement que si on le tolérait au comité, c’est qu’on avait besoin de lui ; mais qu’au premier revers de nos armées sa tête tomberait » [5], Carnot, fort de son expérience, sera l’élément moteur à l’origine de la plupart des décisions.
Ces « trois travailleurs » [6], comme les nommaient ironiquement leurs collègues du Comité, œuvreront de concert, chacun dans son domaine respectif, mais avec des méthodes similaires. Remarquable est le fait qu’au lieu de vouloir tour à tour réorganiser l’armée, puis assurer son armement et enfin son approvisionnement, ils s’attaqueront tout à la fois au rétablissement de la discipline et de l’autorité afin de mettre fin aux désordres, au gaspillage et aux dilapidations, à la restructuration et la rationalisation de l’armée et à son armement avec la création d’établissements de production aux techniques nouvelles, fruit d’une active collaboration avec les scientifiques, car le temps était compté.
(Cependant par la suite, pour faciliter la compréhension de leur action respective, je développerai, à tour de rôle, l’activité de chacun à partir de son entrée en fonction, le 14 août 1793.)
Ils feront alors appel à l’ensemble de la population, qui, par son patriotisme, ses dons et ses sacrifices, vont non seulement soutenir mais aussi s’impliquer directement, certes avec plus ou moins de bonne volonté, dans le redressement de la Nation.
Par leur engagement et leur acharnement, mais aussi avec beaucoup de pragmatisme et de bon sens, ces « trois travailleurs » vont transformer le visage de la France, n’hésitant pas, au besoin, à avoir recours aux méthodes expéditives que le Comité de Salut public mettait à leur disposition ! Et ainsi, en un an, ils restructurèrent et organisèrent tout l’appareil administratif. Ils sauront imposer d’abord à ce même Comité, puis à la Convention et enfin à l’ensemble de la nation jusque dans les petites communes les mesures indispensables au sauvetage de la République : l’État jacobin était né, adulé par les uns et craint par les autres.
Si les établissements de production sont au début très centralisés au cœur de Paris et sous l’autorité directe du pouvoir, ils seront par la suite progressivement libérés de cette tutelle quelque peu aliénante et repartis de manière très rationnelle et très pragmatique sur l’ensemble du territoire, le but à atteindre étant un approvisionnement suffisant et régulier afin de répondre aux besoins de la guerre. En fait, c’est à la naissance d’une industrie aux caractéristiques modernes à laquelle nous assistons. Cependant, les décisions et le contrôle des différents organismes ‘décentralisés’ restent exclusivement du domaine de ces trois commissaires qui, depuis Paris, veillent méticuleusement à l’exacte application de leurs décisions.
Première étape : prise en compte des réalités du terrain :
Conscient que le nouvel ordre politique voulu par la Révolution, renfermait en lui-même les principes de sa ruine, Billaud-Varenne, rapporteur du Comité de Salut public (son porte-parole, dirait-on aujourd’hui), tente, en des termes d’une extrême gravité, de mettre la Convention face à ses responsabilités : « Oui, sans doute. (…) Il faut déchirer le voile ; car le comité, malgré son énergie et sa vigueur, ne peut se charger seul d’une si terrible responsabilité. Il faut enfin que la Convention sauve la patrie, elle en a les moyens. (…) Le comité de salut public est prêt » [7].
D’où, le 9 juillet 1793, ses préconisations sur les mesures à prendre :
« Les unes doivent tendre au rétablissement accéléré de l’ordre dans l’intérieur ; les autres doivent concourir à mettre la République dans un état de défense si imposant qu’elle ne puisse être entamée par ses ennemis. (...) Mais, je vous le répète, prenez-y garde ; vous n’avez pas un instant à perdre ; chaque moment de retard, dans votre position, est une défaite. Craignez d’ailleurs, de laisser la nation se décourager ou se lasser des maux qui suscitent l’intrigue et la trahison. En un mot, songez que depuis quatre ans, on crie au peuple que la patrie est en danger, et qu’il est temps sans doute de lui annoncer bientôt que la patrie est enfin sauvée » [8].
Maintenant que les objectifs sont définis, les décrets vont se succéder à un rythme accéléré, on pourrait même dire qu’ils vont se bousculer, chacun développant une mesure qui complète la précédente de sorte que finalement est progressivement mis en place un système très élaboré, résultat d’un objectif à finalité lointaine. Car toutes vont avoir le même but : permettre aux armées révolutionnaires de reprendre le plus rapidement possible le chemin de la victoire.
Le 1er août 1793, après la capitulation de Valenciennes, la Convention adopte à l’unanimité un premier décret afin de rétablir la situation à l’intérieur : « C’était une conclusion générale dictée par les désastres de toute espèce dont la France venait d’être accablée pendant le mois de juillet. »
Il concernait aussi bien la famille de « Louis Capet » dont on voulait effacer jusqu’au moindre souvenir, que les rebelles vendéens et les généraux et officiers des armées en déroute.
La première série de mesures à caractère militaire s’appliquait directement à l’Armée des Côtes de la Rochelle : elles concernaient tour à tour « l’épurement de l’état-major et des commissaires des guerres , (…) l’exécution rigoureuse des lois rendues contre les déserteurs, les fuyards, les traîtres, et ceux qui jettent les armes et vendent leurs habits » , les généraux qui n’emploieront désormais « pour mots d’ordre que des expressions patriotiques » et enfin les femmes au sein des armées : celles inutiles seront expulsées, « c’est-à-dire celles qui ne seraient pas employées au blanchissage et à la vente des vivres et des boissons » [9].
Il semblerait que l’Armée des Côtes de la Rochelle serve à expérimenter les mesures attendues depuis longtemps pour une reprise en main des troupes. Comme elles obtiennent les résultats escomptés, elles vont progressivement s’appliquer à l’ensemble des troupes. Ultime mesure concernant les femmes, une loi va les exclure définitivement de l’armée, la Convention assurant leurs moyens de retour et ainsi les « armées ne seront formées que de citoyens zélés et vraiment utiles » ! [10].
Second objectif dans cette entreprise de rénovation : lutter contre la désorganisation.
« Il est encore une lèpre à guérir, c’est celle du vol, des dilapidations effroyables qui se commettent impunément sous nos yeux. Il faut faire en sorte que les chefs soient responsables des effets de leurs compagnies et leur donner une autorité suffisante pour que cette responsabilité ne soit pas injuste » [11].
La Convention répondra favorablement à cette demande de Carnot en faisant adopter par le Comité de Salut public un règlement réprimant ces exactions.
Les décisions mises en œuvre par Dumouriez en sont un exemple. Il veut insuffler un nouveau sens de l’honneur à ses troupes : « L’indiscipline et le brigandage étant les principales causes de la défaite, tout officier qui s’écartera de ses troupes en présence de l’ennemi aura les cheveux rasés, sera chassé, (…) tout fuyard criant qu’on est trahi ou coupé, sera puni de mort ; il en sera de même de tout soldat ou volontaire convaincu de vol ou de meurtre » [12].
Cette reprise en main préfigurait ce qui allait bientôt se généraliser dans tous les bataillons. Pour expliquer et mettre en action sa nouvelle politique militaire, la Convention envoie dans les différents corps d’armée des membres du Comité de Salut public et des représentants du peuple « pour se concerter avec les généraux sur toutes les mesures nécessaires dans les circonstances actuelles » [13]. C’est cet état des lieux qui sera à l’origine de l’immense entreprise de réorganisation de l’armée.
La France n’a plus d’armée ?
Il faut reconstituer une armée nouvelle :
Patriote sincère désirant par-dessus tout l’indépendance de la France, Carnot s’attellera à cette tâche de si belle manière qu’il sera dit de lui : « Carnot (qui) a organisé la victoire, restera dans l’histoire » [14]. Il va consacrer toute son énergie et ses talents aux moyens d’éteindre la guerre civile et de repousser les ennemis de l’extérieur.
C’est Dubois-Crancé, lui, qui aurait aimé en être l’instigateur, qui va le mieux définir la mission qui attend Carnot : « Cet ordre de choses, ou plutôt cette anarchie, ne peut subsister plus longtemps sans entraîner la perte de la République. Il était donc du devoir d’un représentant de la nation de s’occuper d’y apporter le remède le plus prompt et le plus efficace, celui d’organiser tant de corps épars et de réunir sous une même discipline, sous une même administration, sous un même régime, tout ce qui doit composer nos armées » [15].
Officier du génie, membre du Comité militaire puis commissaire auprès des armées d’août 1792 à août 1793, donc spécialiste des questions militaires, Carnot connaît, pour l’avoir directement vécu lors de ses missions dans les différentes armées les réalités du terrain. Car, il inspecta tour à tour l’Armée du Rhin, celle des Pyrénées, celle du Nord, n’hésitant pas lorsque le besoin s’en faisait sentir de se porter à la tête des troupes et d’y destituer les officiers qui s’opposaient à sa propre conception du ‘management’ des hommes, comme un certain Rouget de l’Isle lors de son passage à Strasbourg. Chacun de ses rapports ne se contentait pas d’énumérer les manquements à l’ordre et à la discipline et le dénuement matériel des troupes, il proposait également des solutions pour y remédier, solutions qui, à cette époque, restaient lettres mortes ! Mais, cela veut aussi dire, qu’au moment où il entre au Comité de Salut public, le 14 août 1793, il a non seulement une parfaite connaissance de la situation, mais également un véritable plan d’action pour y remédier.
De plus, il est convaincu qu’une population de 25 millions de citoyens actifs et énergiques, devait, en réunissant momentanément tous ses efforts, tous ses moyens et toutes ses richesses, triompher rapidement des puissances de la Coalition.
Acquis aux idéaux révolutionnaires, il restait fidèle au principe défini dans l’article 2 de la Déclaration des Droits de l’Homme : « la résistance à l’oppression » pour proposer, comme déjà vu, quelque temps avant Valmy « d’armer les citoyens, toute résistance à la force étant vaine sans armes et attendu l’urgence des circonstances, une partie du territoire étant envahie par les troupes étrangères, de les armer de piques, en attendant qu’on pût se procurer des meilleures armes. »
Cependant, armer toute la population ne se concevait pas chez lui sans le rétablissement de l’obéissance sous forme d’« obéissance passive », elle seule permettant le rétablissement de la discipline sans laquelle il ne peut pas exister d’armée, et lorsque la force armée était employée à l’intérieur comme « troupe de police », elle devait être assujettie à la plus stricte obéissance aux lois générales, tout manquement devant alors être sévèrement sanctionné : le soldat n’étant plus que « l’exécuteur » des lois [16].
D’où ses premières propositions faites le 1er août 1792, c’est-à-dire presque un an avant son entrée au Comité de Salut public qui esquissent les contours d’une armée de conscription : « Le danger de l’instant (…) le plus réel, le plus inévitable, est dans l’organisation même de la force armée, de cette force qui, créée pour la défense de la liberté, renferme en elle-même le vice radical qui doit infailliblement la détruire. (…) Il faut que tout citoyen soit soldat par devoir, et aucun par métier. Il faut donc qu’à la paix, au plus tard, tous les bataillons de la troupe de ligne deviennent bataillons de la garde nationale ; que les uns et les autres n’aient plus qu’un même régime, une même solde, un même habit ; (…) alors disparaîtra ce germe de division qu’on cherche à semer sans cesse entre les soldats citoyens et les citoyens soldats » [17], son armée idéale étant organisée sur le modèle de l’armée suisse.
Première mesure : un retour à la discipline :
Comme vu précédemment, Billaud-Varenne propose deux lignes directrices : « Les unes doivent tendre au rétablissement accéléré de l’ordre dans l’intérieur ; les autres doivent concourir à mettre la République dans un état de défense si imposant qu’elle ne puisse être entamée par ses ennemis » [18].
La première décision pour « le rétablissement de l’ordre à l’intérieur », peut-être la plus simple à appliquer, mais psychologiquement la plus marquante : « la punition sévère et rapide de tous les généraux coupables », c’est-à-dire responsables des défaites, tel les généraux Lamarlière, Custine, Brunet, Houchard, pour n’en citer que quelques-uns. Arrêtés, jugés par le tribunal révolutionnaire, condamnés à mort, ils seront guillotinés dès le lendemain, car « la difficulté de la situation commandait une vigilance continuelle » d’autant qu’il arrivait encore « de l’armée du nord et de celle de l’ouest des nouvelles de défaites » [19]. Au total, 45 généraux seront ainsi exécutés.
Billaud-Varenne ira même jusqu’à demander que ces condamnés à mort soient exécutés devant les troupes qu’ils avaient commandées dans le but « d’effrayer tous ceux qui auraient des desseins perfides et de montrer à l’armée que le temps est passé où l’on livrait impunément les défenseurs de la République » [20].
Discipline et obéissance que chaque général tentait de rétablir comme il pouvait. Dumouriez, par exemple, au soir de sa défaite à Neerwinden, demande à la Convention, le 21 mars 1793 : « Les soldats manquent d’officiers expérimentés. Je propose la suppression du mode d’élection ; l’élection ne donne pas le talent, ne commande pas la confiance et n’obtient pas la subordination » [21]. C’est-à-dire qu’il ne demande rien moins que l’abandon de l’amalgame et un retour aux seuls bataillons de ligne de l’Ancien régime pour constituer son armée.
La seconde mesure : une nouvelle stratégie militaire :
Les habituels combats en ligne étant à l’origine des défaites, comme lors de la bataille de Dunkerque, où les Français étaient répartis sur une ligne « d’environ 30 lieues » (environ 120 km), pour s’opposer aux ennemis, Carnot propose une stratégie militaire du type de celle mise en œuvre par les Chouans : « Il faut suivre leur propre méthode, avoir des tirailleurs au lieu de corps d’armée ; et n’en déplaise aux généraux tacticiens, les localités nous font un devoir de réformer notre nombreux bagage, de nous porter sur plusieurs points à la fois et de leur opposer partout des forces supérieures. » Car, « le peuple ne veut plus d’une guerre de tactique, où des généraux traîtres et perfides sacrifient impunément le sang des citoyens » [22].
Dès le début de l’année 1793, un mémoire est remis au Comité de défense générale où y est exposée cette nouvelle conception du système de défense : « Le moyen le plus simple de suppléer autant que possible à l’art par le nombre est de faire une guerre de masses, c’est-à-dire de diriger toujours sur les points d’attaque le plus de troupes et d’artillerie qu’on pourra ; d’exiger que les généraux soient constamment à la tête des soldats pour leur donner l’exemple du dévouement et du courage, et d’habituer les uns et les autres à ne jamais calculer le nombre des ennemis, mais à se jeter brusquement dessus à coups de baïonnettes, sans songer ni à tirailler, ni à faire des manœuvres auxquelles les troupes françaises actuelles ne sont nullement exercées, ni même préparées. Cette manière de combattre (…) ne peut que lui donner la victoire en déroutant les armées étrangères » [23].
Et ainsi se dessine une nouvelle forme de l’engagement militaire que Barère expose le 23 août 1793 à la Convention : faire concourir à la défense du pays les bras et les intelligences de tous les citoyens : « Les généraux français ont méconnu jusqu’à présent le véritable tempérament national. L’irruption, l’attaque soudaine sont les moyens qui lui conviennent. Ce n’est point à des Français à aller, dans l’oisiveté des camps, attendre un assaillant qui réussit toujours. C’est à nous à déployer notre force, à attaquer et à foudroyer les troupes des tyrans » [24].
Le principe « d’opérer par masse et de ne pas diviser ses forces » deviendra alors la nouvelle stratégie imposée à l’armée : « Concentrer des forces supérieures sur un point pour s’y assurer un triomphe complet, et rendre insignifiant les avantages partiels obtenus ailleurs par l’adversaire » [25].
Mais en septembre 1793, l’état des armées révolutionnaires est encore si incertain que le ministre de la guerre, lui-même, limite au minimum les campagnes, réduisant la guerre non plus à une guerre de conquête, comme à l’époque de Valmy, mais seulement à une guerre de défense consistant à sauver les villes menacées et à reprendre celles occupées : « L’essentiel est de repousser l’ennemi du territoire, de faire de simples entreprises pour détruire les magasins, car c’est par la faim qu’il faut le tuer et non pas en commençant une opération dont personne ne pourrait prévoir l’issue » [26].
Maintenant qu’une nouvelle tactique militaire est définie et semble acceptée par l’ensemble des dirigeants, il faut transformer cette armée désorganisée en armée nationale et y faire renaître un nouvel élan patriotique, selon le principe défini par Carnot : « Il faut que tout citoyen soit soldat par devoir, et aucun par métier ».
« Il faut des soldats ! »
Telle est l’impérieuse nécessité pour refonder l’armée révolutionnaire.
Car, comme déjà vu, les soldats de la Liberté avaient, au sein des bataillons, multiplié les éléments de désorganisation, désorganisation encore accentuée par la théorie utopique propagée dès 1790 par Mirabeau : « Une faible armée suffit à un peuple qui ne songe pas à empiéter sur le territoire de ses voisins ; elle est bien puissante lorsqu’elle n’est composée que d’individus appelés sous les drapeaux par l’amour de la Patrie ou par vocation ; pour la défense du sol national, tout citoyen est prêt à se transformer en soldat » [27].
Ajoutées à cette conception démobilisatrice, les nombreuses réquisitions de Gardes nationales pour contrer l’invasion étrangère sur toutes les frontières et lutter contre la guerre civile à l’intérieur, celles-ci mettaient à mal toute l’économie et surtout les travaux des champs et expliquaient souvent la mauvaise volonté à y répondre. Mais ces réquisitions étaient cependant devenues indispensables depuis le démantèlement des troupes de ligne de l’Ancien régime qu’il s’agissait de remplacer.
La population en était à ce point fatiguée que la Convention sentit la nécessité, lors d’une réunion à Paris des commissaires des Assemblées primaires représentant les différents départements, de leur demander « d’exciter l’énergie des citoyens pour la défense du territoire. »
Objets de toutes les attentions des conventionnels, ils avaient été habilement circonvenus à cet effet : Des embrassades fraternelles, des scènes d’attendrissement préparées d’avance, une place honorifique dans le cortège de la fête républicaine avaient entièrement mis ces délégués sous influence. Totalement subjugués par ce qu’ils vivaient, ils furent investis par la Convention des pouvoirs nécessaires pour faire d’eux, dans leurs départements respectifs, des partisans convaincus pour appliquer avec beaucoup de zèle ses volontés.
La finalité de cette mise en scène était de changer tous les citoyens français en soldats potentiels afin de pouvoir, si nécessaire, après un recrutement extraordinaire les envoyer contre les ennemis, conception qui va se concrétiser dans le décret du 16 août 1793 :
« Le Peuple Français déclare, par l’organe de ses Représentants, qu’il va se lever tout entier pour la défense de son indépendance, de sa liberté, de sa constitution et pour délivrer son territoire de la présence des despotes et de leurs satellites. »
Ainsi venait de naître le principe de la Levée en masse.
Confronté aux critiques et railleries de ses opposants qui imaginaient déjà les 25 millions de Français « se lever tout entier » le même jour pour affronter les ennemis, le Comité de Salut public va définir, le 20 août, ce que la Convention entendait par « Levée en masse » :
« Il n’est pas question de faire marcher à la fois vingt-cinq millions de Français ; mais on veut que tout soit soumis à la réquisition de la Liberté. (…) Le contingent de la France combattant pour sa liberté doit comprendre toute sa population, toute son industrie, tous ses travaux et tout son génie. Que voulez-vous enfin ? Une Levée en masse. La réquisition de toutes les forces est nécessaire sans doute, mais leur marche progressive et leur emploi graduel sont suffisants. C’est l’esprit et le sens de la levée du peuple entier. Tous sont requis, mais tous ne peuvent marcher ou remplir la même fonction. La Liberté est devenue créancière de tous les citoyens ; les uns lui doivent leur industrie, les autres leur fortune, ceux-ci leurs conseils, ceux-là leurs bras ; tous lui doivent le sang qui coule dans leurs veines. Ainsi donc, tous les Français, quels que soient leur sexe et leur âge, sont appelés par la Patrie pour défendre la Liberté » [28].
A la suite de ce discours, la Convention adopte, le 23 août 1793, un décret que l’on peut considérer, au vu des deux premiers articles, comme une véritable mobilisation générale du peuple français :
« Article 1 : Dès ce moment et jusqu’à celui où les ennemis auront été chassés du territoire de la république, tous les Français sont en réquisition permanente pour le service des armées. Les jeunes gens iront au combat, les hommes mariés forgeront des armes et transporteront les subsistances, les femmes feront des tentes et des habits et serviront dans les hôpitaux, les enfants mettront le vieux linge en charpie, les vieillards se feront porter sur les places publiques pour exciter le courage des guerriers, prêcher la haine des rois et l’unité de la République.
Article 2 : Les maisons nationales seront converties en casernes et les places publiques en ateliers d’armes ; le sol des caves sera lessivé pour en extraire le salpêtre » [29].
Aux premiers articles de portée théorique, suivent certains plus concrets qui laissent déjà entrevoir les contours de cette armée nouvelle : « La levée sera générale ; les citoyens de 18 à 25 ans, non mariés ou veuf sans enfants, marcheront les premiers ; ils se rendront sans délai au chef-lieu de leur district où ils s’exerceront tous les jours au maniement des armes, en attendant l’ordre de départ. (…) Le bataillon organisé dans chaque district sera réuni sous une bannière portant cette inscription : Le Peuple Français debout contre les tyrans. »
Et d’ajouter dans les décrets d’application : « Tous les réquisitionnaires seront autant que possible revêtus de l’uniforme nationa » [30].
Cependant, confronté au manque de soldats, la première levée sera peu à peu étendue aux citoyens âgés de 16 à 40 ans.
Le pragmatisme et le réalisme qui imprègnent les moindres décisions sont remarquables, le pouvoir n’hésitant pas, le cas échéant, à faire marche arrière si leur mise en œuvre se révèle problématique.
Ainsi, le rassemblement des nouvelles recrues, au lieu de se faire, comme dans un premier temps, dans les chefs-lieux des districts qui avaient été dans l’incapacité de maîtriser l’afflux de tant de personnes, de les héberger et de les nourrir, se fait maintenant dans les chefs-lieux des cantons et ce pour une double motivation : d’abord, matérielle : il était plus facile de pourvoir à leur subsistance et leur hébergement, mais surtout, politique : on évitait ainsi de concentrer des groupes armés trop importants toujours prompts à éprouver un sentiment de force et, au nom de la liberté, tenter des révoltes.
La rapide mise en application de ces mesures fut une réussite :
Alors qu’en février 1793, l’armée ne comptait que 200 000 soldats, en juillet, furent appelés sous les drapeaux environ 450 000 hommes, ce qui correspondait à 543 bataillons et en mars 1794 le contingent en comptait environ 800 000 répartis en 15 armées !
Cette levée en masse suscita parmi la population un enthousiasme, réel ou factice, que les Sociétés patriotiques exagérèrent dans des rapports dithyrambiques où elles se disaient contraintes de renvoyer les gens mariés parce que le nombre des enrôlés était trop important ; ce qui aura pour conséquence d’induire en erreur la Convention sur la force réelle des armées de la République.
Victime de ces exagérations, Barère annoncera rien moins que « les réquisitions ont produit dans la Vendée une armée fabuleuse à laquelle la postérité aura peine à croire ; elle est de 400 000 hommes et s’est formée en 24 heures. » De même Couthon écrit à l’Assemblée : « Le Puy-de-Dôme tout entier va marcher ; si je voulais, j’aurais plus de 200 000 hommes dans ce seul département ; mais par égard pour les besoins de l’agriculture, je n’en prendrai que 25 000 » [31].
Ainsi parla-t-on du million de défenseurs que possédait le pays, certains allant jusqu’à annoncer devant l’Assemblée 1 500 000 hommes sous les armes ! Le but politique de ces chiffres exagérés était de grandir la puissance de la République aux yeux de la Nation, mais aussi d’impressionner l’ennemi !
Tous les moyens étaient bons pour obtenir l’adhésion des citoyens. Ainsi, le Représentant chargé de la Levée en masse dans le Loiret et le Cher déclare au Comité de Salut public : « Je ne vous dissimulerai pas, citoyens collègues, que je répands beaucoup de largesses ; mais, si mes revues militaires sont un peu dispendieuses, je pense que c’est de l’argent bien placé puisqu’il vous captive tous les esprits et les cœurs » [32].
La réalité sur le terrain est cependant quelque peu différente :
Le recrutement qui devait s’appuyer sur le seul volontariat, est, dans les communes rurales en particulier, confronté à une réalité au combien différente !
La commune d’Aix-en-Othe dans l’Aube, 1463 habitants, en est l’exemple type. Révolutionnaires certes, mais juste ce qu’il faut pour échapper aux représailles du pouvoir, les citoyens aixois n’ont jusqu’alors pas été profondément perturbés dans leur quotidien par la Révolution si bien qu’ils développent une certaine inertie face aux différentes mesures prises à Paris. Comme nous le verrons à plusieurs reprises, ce n’est que contraints et forcés qu’ils s’exécutent tout en sachant préserver les apparences !
En février 1793, lors de la levée de 300 000 hommes, la commune est contrainte de lever un contingent de 21 soldats. Contrairement aux affirmations des Sociétés patriotiques, aucun volontaire ne se présente ! La commune a donc recours au tirage au sort parmi les 88 Aixois concernés. Selon le procureur, les 21 « qui sont tombés au sort » font « tous preuve de bonne volonté », mais 4 présentent en leurs lieux et places un volontaire « qui les remplace plus pour la rétribution que par amour de la patrie », toujours selon le procureur et d’ajouter sarcastique : « chacun de ces 4 s’est trouvé forcé contre son gré à se faire remplacer » ! Sensible au sort de ces 21 soldats qui « se sont dévoués pour le service de la Patrie », le maire propose une gratification « tant pour apprécier leur sacrifice que pour animer leur courage » [33] ! Le sentiment patriotique des Aixois restant aussi peu développé, chaque réquisition se déroulera selon le même processus.
Semblable mise en scène se produisait probablement dans de nombreuses communes, même à Paris où une gratification de 500 livres sera offerte aux volontaires pour atteindre le contingent imposé ! A Aix comme ailleurs, l’essentiel était de préserver les apparences mais elle contredisait quelque peu les rapports dithyrambiques relatant l’engouement des volontaires « pour le service de la Patrie ».
Outre les problèmes de recrutement, la levée en masse était fréquemment retardée par des questions matérielles. Les bataillons de volontaires constitués dans les districts ne partaient vers les frontières que lorsque leur équipement et leur approvisionnement étaient assurés : « Quant à la levée de la première classe, elle serait déjà faite (le 30 septembre 1793) si les subsistances ne m’eussent pas contrarié dans l’accélération de ces mesures ; mais je n’ai pas cru qu’il fut prudent d’assembler des hommes là où il n’y avait pas de quoi les nourrir » [34].
De plus, quelques tentatives de résistance apparurent ici et là. Les Strasbourgeois refusèrent d’abord de partir sous prétexte de garder eux-mêmes leur ville ; les campagnards des environs déclarèrent alors que, si les citadins ne marchaient pas, ils resteraient aussi pour défendre leurs foyers.
Ajouter à cela des subterfuges pour échapper à l’incorporation, certains (principalement de riches bourgeois) tentaient d’obtenir des emplois de fonctionnaires exemptés par la loi du service militaire ou s’engageaient dans « les charrois », administration qui nécessitait un nombreux personnel.
Mais, l’omniprésence « des moyens révolutionnaires », les arrestations et la guillotine, triomphèrent facilement des oppositions. Ceux qui se soustrayaient à la réquisition étaient déclarés suspects, déserteurs, infâmes et traîtres à la Patrie et étaient traduits devant le tribunal révolutionnaire ! Et pour faire taire tous murmures, la Convention promulgua, le 1er Nivôse an 2 (21 décembre 1793), un décret « en vertu duquel tout individu qui tiendrait quelque propos contre l’incorporation, serait jugé conspirateur et puni de mort » [35].
Rien de surprenant à ce que, avec tous ces moyens coercitifs, les autorités nationales, mais surtout locales, stimulent parmi la population un enthousiasme patriotique à la sincérité douteuse. Chacun voulait être plus patriote que son voisin, redoutant de ne pas manifester son adhésion aux idéaux révolutionnaires avec suffisamment de vigueur, soutenu en cela par les Sociétés populaires et les différentes sections des Comités révolutionnaires, tant à Paris que sur l’ensemble du territoire. Et ainsi naquit une rivalité entre les communes pour savoir qui était la plus patriotique !
Ce sont par exemple les représentants du peuple du département de la Seine inférieure qui informent la Convention le 22 Frimaire An II (12 novembre 1793) qu’il « part de Rouen deux bataillons complets, formés des citoyens de cette commune, bien armés et équipés et très disposés à seconder les républicains qui combattent les rebelles. (…) La levée, l’organisation en compagnies, la formation en bataillons, l’armement, l’équipement, tout a été terminé en deux jours. (…) Nous osons vous assurer (…) que la majeure partie des citoyens qui les composent manœuvrent on ne peut mieux » [36]. Quelle commune peut présenter un engagement supérieur de sa population ?
Réalisme oblige : pour faciliter la conscription et ne voulant pas accroître la désorganisation à la campagne, la Convention décide le 9 octobre 1793 que « chaque rassemblement de jeunes citoyens (…) formé dans chaque district (…) sera tenu de fournir pour l’ensemencement des terres et la mouture des grains, les jeunes citoyens des campagnes seulement qui seront jugés indispensablement nécessaires pour ce travail (…) pourvu que ce genre de service ne soit pas de plus longue durée que de trois semaines » [37]. Ainsi rassuré sur la bonne marche des travaux des champs malgré les réquisitions, le monde agricole acceptait d’autant mieux la Levée en masse.
Finalement, malgré tous ces obstacles et les fréquentes résistances, principalement dans les campagnes qui perdaient ainsi les bras indispensables aux travaux des champs et grâce à la pression de l’opinion générale, se propageait peu à peu l’idée parmi la population que tout citoyen devait le service militaire à la patrie, ce sentiment favorisant grandement l’exécution de la Levée en masse.
Levée en masse encore facilitée par le fait que nombre de citoyens n’hésitaient pas à s’engager comme Volontaire. Leur motivation était extrêmement variée : ces Volontaires rejoignaient l’armée, tout à la fois, poussés par l’enthousiasme pour la Liberté, l’amour de la patrie, la vocation militaire, l’obéissance aux décrets de la Convention, le désir d’obtenir pour sa famille un certificat de civisme, la crainte des mesures répressives contre les réfractaires ou le désir de trouver sous les drapeaux un abri contre la Terreur, pour ne citer que les mobiles les plus courants !
« Il faut des soldats ! », certes
… mais des soldats aptes au combat !
Maintenant que l’on avait les hommes, comment organiser leur rassemblement et leur apprendre le maniement des armes ?
Les bataillons issus de la Levée en masse, composés de soldats généralement animés d’un esprit patriotique, révélèrent toute l’improvisation et la précipitation de cette organisation comme le relate une nouvelle recrue : « On arma le bataillon avec des piques ; ces armes n’étaient pas maniables et notre courage était à faire ; quant à l’équipement et à l’habillement, on n’y songea pas. Il est vrai que les journaux de la république affirmaient qu’un seul coup de collier suffirait pour chasser les satellites des tyrans du territoire de la Patrie » [38].
En réalité, les bataillons de la Levée en masse, dénommés à tort volontaires, mais en réalité réquisitionnaires du fait de l’universalité du recrutement des jeunes citoyens, étaient plus à considérer comme des formations de jeunes citoyens « guère instruits du service des armées » [39] qu’à des troupes destinées à affronter l’ennemi, d’autant que leur organisation issue du principe de l’amalgame, s’opposait à celle des bataillons plus anciens parfaitement aguerris au combat, d’où la nécessité pour éviter les écueils apparus avec l’amalgame des deux types de bataillons de créer un nouveau système pour les incorporer : « l’embrigadement de l’infanterie de ligne » .
Cet embrigadement s’effectua aux dépens des restes des bataillons de Volontaires décimés dans des combats trop inégaux pour eux, par les maladies et la désertion. Aucun Corps d’armée n’était au complet et certains étaient dans un tel état de délabrement qu’ils n’existaient plus que sur le papier : l’un d’eux, par exemple, ne comptait plus que 26 officiers et 13 soldats !
De plus, avec l’embrigadement on remédiait aux nombreux inconvénients qui résultaient de la présence de deux types de soldats différant par les conditions d’enrôlement, l’uniforme, l’esprit de corps, etc. On pouvait de cette manière adopter des dispositions communes à tous afin d’établir une homogénéité parfaite entre soldats et volontaires. Avec l’embrigadement des bataillons de ligne et des bataillons de volontaires, complétés au moyen des réquisitionnaires, on arrivait à l’unité tant désirée par Carnot.
Les jeunes recrues dénuées de toute instruction militaire en étant intégrées à des combattants aguerris augmentaient la force du bataillon. L’assimilation la plus complète était ainsi établie.
Cet embrigadement était symbolisé lors d’une cérémonie solennelle au son du tambour où les deux types de bataillons déposaient les armes et après avoir fait le serment d’obéir à la discipline et de maintenir la Liberté, l’Egalité et la République, le Corps ainsi amalgamé reprenait symboliquement les armes, le tout se terminant par un défilé du nouveau Corps chantant la Marseillaise [40] ! Fermé le ban !
L’embrigadement avait, comme à maintes reprises déjà, une double finalité. D’abord, en intégrant les nouvelles recrues dans les bataillons de combattants aguerris, on y comblait les vides, vides provoqués par les règles imposées aux bataillons de ligne s’opposant aux vœux et droits des citoyens. De plus, on permettait aux nouveaux soldats de bénéficier de l’expérience des anciens. Et du même coup, sans le moindre texte législatif qui aurait fait l’objet de vives discussions à la Convention, disparaissait également le droit accordé aux volontaires d’élire leurs officiers et sous-officiers.
Ultime précaution en cas d’opposition : le recours à l’intimidation : toute possibilité de manifestations de mécontentement avait été anticipée : « Si quelqu’un d’entre eux ne se conformait pas sur le champ à ces dispositions et tenait des propos tendant à exciter du trouble ou à élever des réclamations contre la dissolution des nouveaux bataillons, il sera réputé suspect et, comme tel, mis en état d’arrestation sans préjudice de plus fortes peines, s’il y a lieu. » Ajouté à cela le décret du 1er Nivôse An 2 (21 décembre 1793), déjà cité, qui ne prévoyait rien moins que « tout individu qui tiendrait quelque propos contre l’incorporation, serait jugé comme conspirateur et puni de mort » [41]. Dès lors, l’embrigadement des différents corps pouvait s’effectuer sans la moindre difficulté !
Contrairement à l’amalgame des armées imposé par le décret du 21 février 1793 et considéré comme terminé en octobre 1793, l’embrigadement de l’Infanterie de ligne, puis par la suite, des autres armées, se fit de manière très progressive. Les Comités de Salut public et de la guerre présentaient presque quotidiennement des mesures relatives à la réorganisation de l’armée, c’est la politique des petits pas que semble avoir privilégié par Carnot. Car, ne voulant pas affronter les protestations des Volontaires encore sous les armes et des représentants du peuple qui, fidèles aux principes de démocratie et de liberté, auraient pu freiner cette régénération de l’armée, le Comité employa la méthode douce en la laissant se dérouler sur plusieurs mois. La seule condition imposée par Carnot, était que cet embrigadement soit terminé pour le mois de Germinal An II (mars 1794), date prévue pour le début d’une nouvelle offensive !
Carnot avait, en seulement quelques mois, atteint son but : rétablir l’uniformité au sein de la force militaire de la République détruite par la Révolution et reconstituer une armée apte aux combats. « La plupart des armées sont commandées par des généraux remarquables, et la jeunesse Française, enlevée toute entière à ses foyers, a pris son parti de la situation exceptionnelle à laquelle nul n’a pu se soustraire » [42].
Fait est qu’au début de Germinal An 2 (mars 1794), la réorganisation de l’Armée basée sur l’embrigadement était terminée. Les principes de discipline et d’obéissance étaient rétablis, les réquisitionnaires exercés pendant l’hiver étaient même pleins d’enthousiasme. Des généraux éprouvés avaient été placés à la tête des armées. Des opérations stratégiques d’envergure semblaient maintenant possibles.
Et lorsqu’en Floréal An 2 (mai 1794), le Comité de Salut public annonçait les premiers succès militaires, Barère n’hésita pas à proclamer :