Elles m’ont été confiées avec le projet de faire revivre le souvenir de leurs auteurs. Triées, classées, lues et transcrites, les missives ont livré l’identité des rédacteurs : mon grand-oncle, « le Poilu » Gaspard Morel, son épouse Claudia Bigay et leur fille Célina.
Quelques exemplaires sont perdus, mais se sont greffés des envois des frères, sœurs, beaux-frères, belles-sœurs. L’ensemble offre un témoignage émouvant dans sa simplicité et spontanéité.
- Carte de correspondance adressée par Gaspard à Claudia.
Les Bicons
Le « nid » des Morel se situe au lieu-dit familial« Les Bicons ».
Implanté au Bois de Vialle, village de Lavoine, dans le département de l’Allier, il se trouve aux confins de la Loire et du Puy-de Dôme.
C’est dire que ces Morel sont au cœur de la France profonde, à l’écart des grandes cités et axes de circulation. Pour autant, ils n’échapperont pas à la tourmente.
Particularité administrative : depuis 1881, Lavoine est commune de plein droit créée aux dépens de Ferrières-sur-Sichon. Les liens avec cette dernière commune restent forts. En 1911, Lavoine comptait 629 habitants, Ferrières 1699. |
Les parents de Gaspard
- Les parents de Gaspard
Les parents, Gilbert Morel et Marie Vallas, sont de modestes cultivateurs propriétaires au Bois de Vialle.
A l’entrée en guerre, ils ont respectivement 71 et 61 ans, leurs huit enfants - quatre garçons, quatre filles - sont mariés et ont eux-mêmes des enfants, à l’exception de la benjamine.
Les hommes sont restés aux Bicons, sauf l’aîné Gaspard installé au bourg. Les femmes ont rejoint leur mari à La Chabanne et à Ferrières, communes proches.
- Les Bicons
- (Photo J.M.)
Les deux maisons mitoyennes ont été construites et sont habitées par les deux fils Claude, « le Dode » et « le Jeune ». En 1914, les parents demeurent chez ce dernier (maison à gauche sur la photo). |
La conscription ou service militaire obligatoire
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La fratrie MOREL
La fratrie Morel sur Geneanet (arbre de Jean Magnier) https://gw.geneanet.org/valdan?lang=fr&n=morel&oc=0&p=gilbert |
A l’exception du gendre Claudius qui a déjà servi en Crète, tous les hommes, à des degrés divers d’engagement, ont participé à la « Campagne contre l’Allemagne ».
Tous sont rentrés, plus ou moins gradés ou décorés, certains blessés, affaiblis, titulaires de pension, mais tous traumatisés par cette épreuve effroyable.
Leurs épouses auront été confrontées en permanence à l’inquiétude. En quête de ressources matérielles et financières, elles ont fait face, sans repos, à l’ensemble des lourdes tâches quotidiennes.
Presque toutes ont des enfants, voire des tout-petits, à charge.
Toutes doivent puiser l’eau au puits ou à la fontaine et se fournir en « bois de brûle » pour la toilette, cuisiner et se chauffer. Il faut entretenir le jardin et la basse-cour : l’autarcie est le plus souvent la règle. A la tête d’une ferme, même modeste, le poids est écrasant.
L’absence de l’homme-soutien, devenu lui-même une charge, rend la situation à la limite du supportable.
Les ressorts de l’humaine nature vont alors se mettre en jeu.
Si une chaleureuse et généreuse solidarité familiale va se manifester largement, elle rencontre parfois l’irruption d’une violente agressivité rancunière.
Les échos qui en parviennent au front amènent alternativement réconfort ou inquiétude.
- La famille de Gaspard Morel
A suivre le mois prochain...