C’est ainsi que nous apprenons que le capitaine de la Galatée, arrivée en vu de la côte de Champa, fait mettre à l’eau le canot avec deux officiers pour aller à terre demander aux habitants la possibilité de faire des provisions.
Ceux-ci sont accueillants et envoient une pirogue pour guider le canot dans la rivière pour accoster facilement. Les deux officiers mettent pied à terre tout en donnant l’ordre au patron du canot et à l’équipage de rester à l’entrée de la rivière.
Des habitants conduisent les officiers dans un village et une heure après, un grand nombre d’hommes viennent réclamer des armes au canot.
Le patron refuse et voit des chefs montrer, avec des exclamations de joie, les épées des officiers dont ils se sont emparés. Craignant d’être capturé, il décide de retourner à bord de la Galatée faire son rapport au capitaine. Deux navires armés sortent alors de la rivière pour lui couper le chemin mais il arrive à les éviter.
Le lendemain, le capitaine décide d’envoyer la chaloupe et le canot avec des troupes. Mais au moment où l’opération se met en place, deux navires approchent avec les deux officiers. Le canot est envoyé seul pour leur parler. Dès qu’ils sont à portée de voix, ces derniers précisent qu’il ne faut surtout pas attaquer car on menace de les tuer avec un couteau au moindre signe d’agressivité. Les deux officiers indiquent qu’ils ont été dépouillés, maltraités et qu’ils ont passé la nuit au "sep" (sorte de pilori).
Le surlendemain, ils reviennent et on apprend que le roi du pays allait faire venir un missionnaire pour s’informer de la situation. Deux jours plus tard, le sieur Gouge, Français et prêtre missionnaire, arrive. Ensuite, le fils du roi vient au village pour rendre justice aux deux officiers. Il exige que le capitaine du navire ou son second descende à terre. Monsieur Gravé de la Bellière, le second capitaine, débarque alors de la Galatée. Le prince (fils du roi) le reçoit honorablement et ils sont tous conduits chez un mandarin où on leur sert un dîner suivi d’un spectacle (une comédie à la manière du pays).
Le spectacle terminé les officiers vont à l’audience du prince pour être témoins du châtiment des personnes qui les ont maltraités. Les coupables sont amenés le sep au coup et on les fait s’assoir le dos tourné au prince. Ils sont condamnés à une amende et à cinquante coups de bambou.
Après ce châtiment, monsieur Gravé a la permission de retourner au bateau à condition de revenir le lendemain pour récupérer les deux officiers et des vivres. A ce moment, un message arrive du roi pour que les officiers soient conduits à sa résidence à Fenerie-Phanri. Après neuf jours de marche, ces derniers arrivent à Fenerie-Phanri où ils sont accueillis à la résidence du missionnaire.
Le lendemain, ils sont reçus en salle d’audience par le roi. A sa gauche quatre mandarins Loyes (Chams) et à sa droite un mandarin de la Cochinchine. Plusieurs autres mandarins sont présents placés selon leur rang et aussi environ 200 officiers.
Après un repas et un spectacle, l’un des principaux mandarins demande à monsieur Gravé 30 nécunes (420 piastres d’Espagne) en donnant comme argument que c’était pour fournir des vivres au vaisseau. Monsieur Gravé discute la somme et la fait descendre à 5 nécunes (70 piastres).
Pendant ce temps plusieurs mandarins tiennent conseil et font venir un mandarin de guerre afin qu’il commande plusieurs galères pour attaquer la Galatée.
Apprenant cette nouvelle, monsieur Le Gac, le capitaine de la Galatée pense à lever l’ancre mais change d’avis car il ne veut pas abandonner ses officiers.
Le missionnaire français reçut alors l’ordre du premier mandarin d’aller demander au navire la somme qu’il avait réclamée en premier. Monsieur Le Gac propose au sieur Gouge de dire au mandarin qu’il accepte de verser cette somme en échange de la libération de ses officiers. Il laisse quatre jours au roi pour réfléchir et au-delà de ce délai il mettra à la voile.
Le marché est conclu et les 420 piastres sont remis au missionnaire qui quitte la Galatée. Le vaisseau appareille alors pour Poulo-Condore. Il est resté trente jours à la côte de Champa pour cette histoire de capture de ses deux officiers et de cette négociation qui s’est en fait terminée par un rançonnement.
Après son séjour à Poulo-Condore, le navire navigue sur Canton. Il est de retour en France et désarmé à Lorient le 1er juillet 1722. Pendant la campagne, vingt-quatre hommes meurent (25 % de l’équipage) : un à la côte de Cochinchine, sept à Poulo-Condore, sept à Canton et neuf en mer. Pour les personnes intéressées pour retrouver le décès d’un ancêtre, je donne la transcription du rôle d’équipage au désarmement avec surligné en jaune les décès. Ce document d’archive est conservé au Service historique de la Défense à Lorient à la cote 2P 20-IV.6.
Bibliographie : Taboulet, Georges, La Geste Française en Indochine, Paris, Adrien - Maisonneuve, 1955.