Chaque samedi, du 30 mai 1631 au 10 août 1792, la Gazette de France donnait avant tout des nouvelles en provenance des grandes villes de l’Europe : Londres, Amsterdam, La Haye, Hambourg, Francfort, Lubeck, Dantzig, Varsovie, Vienne, Rome, Naples, Turin, Gènes, Venise, Lisbonne, Madrid, auxquels s’ajoutaient les nouvelles et les indiscrétions de Paris et de la Cour à Versailles.
A côté de ces informations essentiellement politiques, la Gazette se terminait parfois par l’annonce des décès de personnalités de l’époque, les Grands de ce monde ou de la Cour, ou par les décès de gens modestes devenus centenaires... peut-être l’un de vos ancêtres...
En voici quelques exemples trouvés au hasard de mes lectures de la Gazette de France des années 1700 et 1701 sur le site Gallica de la Bibliothèque Nationale de France :
- Les personnalités connues :
De Paris, le 15 janvier 1701
Le 7 de ce mois Monsieur Toussaint Rose marquis de Coye mourut âgé de 87 ans. Il était président en la Chyambre des comptes, secrétaire du Cabinet du Roy, et l’un des quarante de l’Académie Françoise.
Le 8, mourut aussi Monsieur Pierre Stoppa, lieutenant général des armées du Roy, colonel du régiment des Gardes suisses, et d’un autre régiment de la même nation, il estoit âgé de 77 ans.
De Versailles, le 18 février 1701
Dame Louise Catherine Fautereau de Meinières, veuve de Louis François de Brancas duc de Villars, mourut le 11 de ce mois, en cette ville, âgée de cinquante-un ans.
François de Clermont-Tonnerre, évêque-comte de Noyon, Pair de France, mourut le 15, âgé d’environ soixante et douze ans [1]. Il estoit Prélat, Commandeur de l’Ordre du St-Esprit ; conseiller d’Estat. Il estoit aussi de l’Académie Françoise.
De Paris, le 21 may 1701
- Un avis de décès avec de précieuses indications généalogiques.
De Paris, le 28 may 1701
Dame Charlotte Victoire d’Albert de Luyne, mourut en cette ville le 22 de ce mois âgée de trente-trois ans six mois. Elle avoit épousé le 29 d’avril 1682, Alexandre, Albert, François, Barthélémy Prince de Bournonville.
De Paris, le 11 juin 1701
Voici deux décès de personnalités : d’abord Madeleine de Scudéry, femme de lettres, qui connu un succès considérable avec son Cyrus ou sa Clélie, où elle peint la société précieuse du XVIIe siècle.
Ensuite, Monsieur, le duc d’Orléans, le frère du roi, mort d’une crise d’apoplexie après une dispute avec le roi au sujet du mariage de son fils Philippe d’Orléans (lire à ce sujet Saint-Simon).
De Paris, le 30 juillet 1701
Dame Marie de la Guiche duchesse douairière de Vantadour, mourut la nuit du 22 au 23, en son chasteau de Sainte Marie au Mont en Normandie ou elle s’estoit retirée depuis longtemps, âgée de soixante-dix huit ans. Elle demeura veuve à l’âge de 26, de Charles de Levy duc de Vantadour, Pair de France, chevalier des ordres du Roy, gouverneur du Limousin, mort en son gouvernement en may 1649.
A noter que parfois la Gazette précise la cause du décès comme dans l’exemple suivant :
De Paris, le 15 décembre 1786
Marie-Françoise de Charry des Gouttes, fille du chef-d’escadre de ce nom, épouse du comte du Myrat, colonel à la suite des troupes légères, est morte à Saint-Léger-en-Forès, le 19 du mois dernier, de la petite vérole.
- Les centenaires du royaume :
Selon les contemporains (voir le Dictionnaire de Furetière) et les historiens, au milieu du XVIIIe siècle, l’espérance de vie à la naissance était d’environ 25 ans. L’historien Daniel Roche précise qu’« entre vingt et trente ans les femmes meurent un peu plus souvent que les hommes, à cause des maternités répétées ; entre quarante et cinquante ans, les hommes meurent bien plus souvent que les femmes, à cause du travail et des accidents. Partout les vieillards sont rares avant le XVIIIe siècle, et parmi quelques septuagénaires ou octogénaires chenus (les centenaires se comptent sur les doigts des deux mains : 42 à Lyon au XVIIIe siècle si les curés ne se sont pas trompés, et à Paris, n’oublions pas Fontenelle), les femmes sont majoritaires. On a donc assez peu d’occasions de voir un vieillard quitter une bonne vie comme le veut le mythe des ancêtres » [2].
On comprend que la Gazette de France s’intéresse de près à ces miraculés !
De Paris, le 1er may 1700
Monsieur Michel Antoine Baudrand prieur de Rouvre, et de Neufmarché, qui avoit composé plusieurs ouvrages de géographie, mourut en cette ville le 29 de ce mois.
De Paris, le 5 juin 1700
Antoine le Blanc maistre d’école du village d’Armantières, près d’Auchy, est mort au mois d’aoust de l’année dernière, âgé de cent hui ans.
Poncelet Noël, mort le mesme mois à Mainbressy, village du diocèse de Reims, âgé de cent quatre ans.
La veuve du sieur Romanet, bourgeois de Vienne en Dauphiné, y est morte en septembre, âgée de cent quatre ans.
Il est mort au village de Gahets, à une demie lieue de Bordeaus, un vigneron âgé de cent vingt-cinq ans, et au village de Génissac, à quatre lieues de la mesme ville, un habitant, âgé de cent sept ans et huit mois.
Antoinette de Labe est morte à Cassera, près de Leitoure, le 30 d’octobre, âgée de cent cinq ans.
Michel Saudrin du village de Bievre, près de Versailles, mort âgé de cent quatre ans.
Le sieur de la Valade prestre, est mort à Loudun, le 29 décembre, âgé de cent sept ans.
Le sieur de Sedre bourgeois de Saint-Bressou, à deux lieues de la ville de Ganges, mort dans le mesme mois, âgée de cent deux ans.
De Paris, le 9 octobre 1700
On a eu avis que Françoise Thierry femme de Nicolas d’Eriffay, vigneron, estoit morte dans la paroisse de Bellan à deux lieues de Chastillon sur Seine, âgée de cent trois ans et quelques mois, ayant travaillée à la dernière moisson avec beaucoup de force.
De Paris, le 13 novembre 1700
Françoise Bara, veuve de Rodolphe Rommet mourut à Bellesme au Perche, âgée de cent deux ans.
De Paris, le 29 octobre 1701
Voici la liste de quelques personnes qui sont mortes âgées de cent ans et plus, dont on a eu avis depuis quelques mois.
Le 1er octobre de l’année dernière le Père Paul Malherbe gardien des Cordeliers, mourut à Sezanne en Brie, âgé de cent ans.
Le 28, Antoine Huguier chanoine, mourut dans la même ville âgé de quatre vingt dix neuf ans.
Le 10, aussi du mois d’octobre, Jeanne Deflandesn, mourut à Savières, près de Chateauneuf en Thimarais, âgée de cent ans.
Le sieur de Laistre, mourut le 18 novembre, en cette ville, rue de la Ferronerie, âgé de cent deux ans.
Michelle Brehaude, mourut le 3 janvier dernier, dans la paroisse de St-Prix, près de cette ville, âgée de cent cinq ans
.
Jean Richart, mourut le 1er janvier dernier, à Savy, près de Chalons en Champagne, âgé de cent cinq ans.
Poncette Boniface veuve de Nicolas de la Croix, mourut le 12 mars à Reims, paroisse de Saint-Estienne, âgée de cent six ans.
Le 14 du mesme mois, Jean Davau mourut à Epeuille dans le Nivernois, âgé de cent deux ans, ayant veu trois siècles.
Le 28, Nicolas Flandre mourut à Esceuil la Montagne diocèse de Reims, âgé de près de cent un an.
Le 15, la dame de Tonancourt, mourut à trois lieues de Lisieux, âgée de cent huit ans.
Le 2 février, Jean Treny mourut à Lacharmie en Périgord, âgé de cent six ans.
Le 18 avril, dame Gabrielle Guillochon, veuve du sieur Pierre Brisson, seigneur de Champereau, mourut à Gemages près de Bellesme au Perche, âgé de cent & un an. Elle a laissé cent neveux ou nièces vivants.
Le 20 juin, Guillemette Dupré, mourut à Fecamp, âgée de cent trois ans et trois mois.
Le 15 août, Hubert Couture messager à pied de Lillers à Arras, mourut âgé de cent deux ans, ayant fait huit jours auparavant son voyage ordinaire [3].
Comment la rédaction de la Gazette de France avait-elle connaissance de ces décès de centenaires ?
On sait que la Gazette disposait d’un réseau de correspondants dans toutes les grandes villes de l’Europe. Pour le royaume de France, les nouvelles et les informations remontaient jusqu’à Paris par l’intermédiaire des gazetiers, des correspondants provinciaux, et probablement des curés lettrés, sans doute lecteurs assidus du périodique qui était vendu essentiellement par abonnement [4]. Chaque numéro de la Gazette se terminait par l’indication de l’adresse du journal à Paris.
On peut supposer que certains curés envoyaient occasionnellement à la Gazette les nouvelles insolites de leur paroisse. Une aubaine pour les généalogistes et les historiens locaux ! ... et une source documentaire à découvrir d’urgence sur Gallica [5].
- Registre paroissial de Nettancourt (Meuse), E dépôt 285 (21), 1693-1712, vue 95/286.
Il sera également bien difficile de retrouver les actes de baptême de ces centenaires. La tâche s’annonce ardue, nécessairement longue, et j’avoue que je n’ai eu ni la patience et ni la disponibilité de me lancer dans une telle épreuve... Mais si le cœur vous en dit... N’hésitez pas à me tenir informé de vos découvertes... Merci par avance...