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L’étrange naissance d’un enfant jumeau avec deux corps et une seule tête

Le jeudi 15 mars 2012, par Janick Noirot, Thierry Sabot

Les cas d’animaux présentant des malformations ou des anomalies physiques n’étaient pas rares dans les campagnes et nos ancêtres y étaient habitués. Mais lorsqu’il s’agit de la naissance d’un enfant formé d’un corps et de deux têtes, cela ne passe pas inaperçu ! Voici le récit du vicaire sur cette naissance insolite...

Un enfant ondoyé à la maison jumeau avec une tête

Le vingt quatrieme jour de juillet mil sept cent quatre vingt six est né un enfant du legitime mariage de René Laire et Perrinne Sonnet son epouse, mariés en cette église il y a environ quatorze ans demeurant au village des Gourfaux ondoyé à la maison par M[aî]tre Jean Baptiste Berthé maître chirurgien demeurant à Oisseau, au terme de sept mois ; jumeau, enfant double, ayant deux corps bien distincts, se tenant intimement unis à partir depuis l’implantation du cordon par la partie antérieure de leur poitrine, ayant leur col confondu absolument ensemble et ayant chacun leurs vertebres cervicales et se terminant par une tête seule, dont la figure est située sur le côté, c’est à dire sur l’épaule de l’un et sur celle de l’autre, la figure très bien formée excepté la levre inferieure adherente avec le bout de la langue qui contraint la levre inférieure de rentrer dans la bouche ; portant six dents très bien distinctes et compactes autant que l’âge peut le permettre ; tout le front jusques aux sourcils recouvert de poil extremement long, la fontanelle supérieure de la tête de la structure ordinaire, la fontanelle postérieure un peu plus elevée à raison de la grandeur de l’os occipital qui est beaucoup plus large et extremement plat aux deux angles superieurs de l’os occipital se trouvent deux grosseurs qui paroissent être le derrière de chaque tête, et à l’extrémité inferieure de l’os occipital, il y a deux petites appendices charnues qui paroissent être la reunion de deux oreilles, le sujet au surplus ayant chacun deux bras chacun deux jambes et deux cuisses on ne peut mieux conformés toutes les extremités tant superieures qu’inferieures sont absolument egales tant en longueur qu’en grosseur n’ayant qu’un même ombilic ; ainsi que chacun leur bassin qui se trouve pour lors divisé et ayant chacun leur sexe féminin bien distinct et les extremités inferieures on ne peut mieux conformées. A été inhumé dans le cimetière de ce lieu par nous vicaire soussigné en présence de maître Jean Garnier curé, de maître Julien Benoist Le Chat vicaire, de Julien Durand cordonier, de Pierre Nourry, de François Guiard, de Pierre Seigneur, et du pere qui tous ont signé avec nous excepté le père.

Julien Durand, Pierre Seigneur, P. Noury, F. Guiard, J. Garnier curé de Saint Mars, J.B. Le Chat vic[aire], B. Berthe, Benoist vic[aire]

Saint-Mars-sur-Colmont, registre BMS 1777-1787 (mairie), vue 150/156.

Notes : Le curé n’a pas été avare de détails. Nous pouvons plaindre la pauvre mère, l’accouchement a dû être très douloureux, et il n’est point cité de césarienne ! Ce couple était marié depuis 14 ans, cet enfant avait dû être très attendu. Quel désespoir pour eux. Nous ne leur avons pas trouvé d’autre enfant sur le registre.

Nos anciens qualifiaient de "monstreuses" ou "d’étrangetés" les naissances d’enfants qui présentaient des malformations physiques. Les cas n’étaient pas rares et l’on en trouve de nombreux exemples dans les témoignages des contemporains ou dans les registres paroissiaux. Si les parents, honteux ou apeurés, on les comprend, préféraient assurer une certaine discrétion à ces naissances insolites, il arrivait souvent que le "monstre" fût exposé publiquement à la curiosité des badauds ou des fidèles venus prier pour le salut de "l’estrange créature". Certains témoignages nous révèlent aussi que quelques parents, peu scrupuleux ou trop miséreux, trouvaient leur compte dans l’exposition du fœtus monstrueux : celle-ci devenait alors une source d’un profit inattendu. Parfois, saisissant l’opportunité, et au nom de la médecine ou de la curiosité, le praticien local revendiquait le petit corps afin de procéder à une autopsie... où pour l’ajouter à la collection anatomique d’un cabinet de curiosités.

L’ondoiement est un baptême administré en urgence lorsqu’un nouveau-né risque de mourir avant d’avoir été porté à l’église. Ce "petit baptême" peut être donné par toute personne, clerc ou laïc, en versant de l’eau sur la tête de l’enfant et en prononçant la formule consacrée. Si l’enfant survit, il sera ensuite porté à l’église pour compléter la cérémonie.

Lire l’avis des premiers lecteurs

Cet ouvrage, étude inédite, se propose de vous faire découvrir quelques-unes de ces mentions insolites et de vous en montrer la richesse historique et généalogique. Il répond à bien des questions au sujet de ces textes insolites qui parsèment les registres paroissiaux : Pourquoi certains curés notent des mentions insolites ? Que nous apprennent-elles sur la vie quotidienne de nos ancêtres ? Comment repérer, déchiffrer, transcrire et commenter ces témoignages du passé ? Comment les utiliser pour compléter notre généalogie et l’histoire de notre famille ou de notre village ?

Il s’agit du premier numéro de Théma, la nouvelle collection d’histoire et de généalogie.

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17 Messages

  • Je me souviens du film "Freaks" qui faisait jouer les "monstres" du cirque Barnum, film tourné vers 1950.
    Egalement d’un vieux numéro du "Crapouillot" consacré aux "monstres", dans lequel figuraient, notamment deux frères siamois (italiens) avec 2 têtes, 2 torses, 4 bras, mais un seul bassin et deux jambes. Ils ont vécu adultes et se sont d’ailleurs mariés avec des femmes différentes.

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  • J’ai trouvé dans un village de la région de Vic sur Seille, un acte de baptême d’enfants siamois. Le problême que signalait le bon curé du lieu, était de savoir s’il devait donner un ou deux baptêmes à cette étrange créature. Dans le doute, et on peut l’en remercier, il apréféré donner deux baptêmes.En effet, s’il n’en avait donné qu’un alors qu’il en fallait deux, ce petit être, à l’époque, et jusqu’il y a encore peu, était condamné à attendre avec les âmes au purgatoire.
    Les lecteurs de plus de 50 ans se souviendront que l’on disait des messes et que l’on nous demandait de prier pour elles.

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  • Bonjour
    Je me mets à la place des parents car, c’est sur, ils ont "fauté" pour avoir un enfant si étrange ! C’est, du moins, ce qu’une partie des voisins a du penser, compte tenu des connaissances de l’époque ! L’église réglait, aussi, les relations entre époux.
    En temps que mère, je plains la pauvre femme ! Je ne sais pas si la césarienne était déjà pratiquée, bien qu’elle soit ancienne, mais en général la mère décédait car l’opération était faite "à vif", le but étant de pouvoir ondoyer l’enfant. Je me souviens d’avoir lu un compte-rendu d’une telle opération qui s’était terminée par une véritable "boucherie" à cause d’une opposition entre le chirurgien et le curé.

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  • Cas analogue sur le registre de l’église Notre-Dame-du-Lac à Puylaurens (Tarn) le 10 février 1739 : enfant mâle avec 1 tête, 4 bras et 4 jambes.

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  • Je connais le cas des frères ou soeurs siamois:enfants collés,lorsqu’il y avait un coeur pour chaque,la séparation était possible.
    Mais là la réalité dépasse parfois la fiction, comme pour "éléphantman"ou je ne sais quelles curiosités, faisant l’objet d’hexibition.

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  • On touve dans les RP de Sonnay (38), le 13/07/1622 la description suivante :
    "un enfant à Anthoine Clavel et Clauda Duboys sa femme, lequel enfant avait partyes malle et femelle et quasy forme des deux teste aveugle et n’avait qu’un oreille bien faicte et austres difformités et néanmoing a receu la forme du baptéme en notre absence par honnête Heny Duboys voisin du dicts Clavel"

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  • naissance à Bouvignies (59) photo 520 en février 1678

    COUSIN fils et fille morts-nés
    enfants de Charles x Marguerite DESCARPENTERIES

    ayant 2 têtes et jambes et un seul corps, le fils ayant la tête plus grosse que la fille non baptisée en raison de l’inutilité de la chose

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  • J’ai trouvé le cas inverse d’un enfant né avec 1 corps et 2 têtes à Verneuil sur Avre dans l’Eure, le cas de conscience pour le prêtre était de savoir s’il devait déclarer 2 enfants sachant que pour lui le siège de l’âme et le cerveau, donc 2 enfants, et pour les chirurgiens que avaient constaté cette naissance, il n’y avait qu’un corps et un coeur donc un enfant. Le prêtre est resté sur sa position et a considéré qu’il y avait 2 enfants.
    Voir lien vers l’acte .
    Evelyne AGUTTE

    Voir en ligne : http://archives-viewer.cg27.fr/img-...

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    • Bonjour,
      Vous nous donnez l’endroit où trouver cette étrange naissance mais pourriez vous en préciser la date ?
      Bien cordialement
      Maryse

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      • Bonjour,
        Date de cette naissance : 19/04/1658 à Verneuil sur Avre (27) Registre 8Mi 4458 Vues 112/113
        Je peux vous donner la transcription que j’ai faite :
        TRANSCRIPTION D’UN ACTE DE NAISSANCE

        Du dixneufyesme avril mil six cents cinquante huit
        19/04/1658

        Le vendredi sainct environ deux heures apres midi, Marguerite Chanut femme de Jean Pelerin, laboureur, agée de vingneuf a trente ans demeurante toute proche le lieu presbyterial du dit Poiley, accoucha de deux filles qui quoiquelles eussent tous leurs membres comme deux testes, deux visages,deux cols, quattre pieds, quattre mains, deux « natures », et autres conduits, n’avaient neanmoins qu’un corps depuis le col jusques au bas des reins, elles se tenaient embrassees lunne l’autre, et leurs pieds etaient entrelasses confusement, leurs cotes etaient continuées en forme de demi cercle, et les mesmes servaient a touttes deux. Il n’y avait aucune division, ny interruption à l’os qui est immédiattement au dessous de la gorge, en sorte que par continuité, il passait dans sa figure ordinaire depuis la premiere epaule d’un de ces enfans, et allait rendre a la dernière epaule du second.

        Apres que cette rareté fut exposee a tous les habitants de Verneuil jusques au soir, Mes* Sebastien Michel, et Nicolas Buot Mes* chirurgiens y demeurant ouvrirent ce corps en ma présence , et dans mon presbytere sur les six heures du soir, et à la vue de quantité de personnes d’honneur,
        trouverent bien de la confusion dans les parties nobles. Ils ne rencontrerent qu’un cœur qui mesme n’etait pas dans sa : situation ordinaire : qu’un estomach peu de poulmons, aussi bien que d’intestins, un mesme ombilic leur avait fourni une assez bonne et ample nourriture parcequ’elles etaient parfaitement bien formees, et très belles jusques la mesme, que leurs testes etaient couvertes de cheveux fort espais, aussi longs que ceux des enfans de deux mois.

        Neanmoins la teste de celle qui sortit la premiere etait bien plus grosse que celle qui la suivit, mais si ceux qui liront ces choses sont capables de surprise ; voicy la matiere du plus grand etonnement du monde.
        Leur mère ne mourrut point dans ses « tranchees » quoiquelle souffrait des douleurs indicibles depuis quattre heures du matin jusques a deux ou trois de l’apres disner , tant pour leur grosseur extraordinaire que parceque l’une des testes etait sortie de la matrice, l’autre s’etait courbee contre son epaule qu’on ne peut tirer qu’avec des violences epouvantables quoique trois sages femmes y employassent touttes leurs forces et toutte leur adresse durant le temps ci dessus marqué.

        J’affirme qu’elles étaient dans le sein de leur mere bouche a bouche, et nez a nez mais extremement a l’etroit attendu que leurs deux levres d’enhaut etaient fendues par le lieu ou elles se touchaient et leurs narines evasees les unes contre les autres. Quoy qu’on aye remarqué leur vie par leur mouvement en sorte que la premiere a esté baptizée sur la teste en ma présence et suivant mes ordres, l’autre avec condition sur une main qui paraissait. Neanmoins on a pu les voir vivantes apres leur sortie entière du ventre de leur mère.

        Pour ce qui regarde la question scavoir si dans ce corps il y avait deux ames, je m’y trouve fort embarassé, car si la difficulté se resout selon la pensee des medecins : il est sans doute que le cerveau estant le siege principal de l’ame, y ayant deux testes parfaitement formées et plus grosses que celle des enfans ordinaires, il faut conclure necessairement qu’il y avait aussi deux ames.

        Que si on se rapporte à la philisophie qui met l’ame principalement dans le cœur, il n’y avait qu’un mesme esprit qui animait ces deux testes, quattre
        « pieds » . quoiqu’il en soit, et quoiqu’en puissent dire nos chirurgiens, suivant les medecins et les philosophes, je croy que dans ce mesme corps il y avait deux ames, attendu qu’avec la partie quils affirmaient estre le cœur
        jen remarqué une autre qui avait les mesmes figure grosseur et proportion, et pour ce sujet, je me suis toujours comporté dans le bapteme et la sepulture de ce double corps comme s’il avait esté separé. En quoi je ne pouvais ( ce me semble !) estre blasmé, parce que j’ay toujours panché du costé de la faveur et de la plus grande apparence, tout ce que dessus est certifié comme tres « veritable » par moi soussigné Francois Legendre Ptre Curé de Notre dame de Poiley et bachelier en Théologie de la faculté de Paris pour avoir été present a toutte cette action.

        Fait ce dix huitiesme jour de may milsix cents cinquante huit.

        Signé : Legendre

        * Maîtres
        Les mots entre guillemets sont marqués sous réserves !!

        Restant à votre disposition, Evelyne AGUTTE

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  • Il est clair (pour moi !), que la rédaction de l’acte a été dictée par "Maître Jean Baptiste Berthé maître chirurgien". L’éducation des prêtres laissait à désirer, surtout en matière d’anatomie, puis les termes employés sont très professionnels.
    Un intervenant mentionne une césarienne … Je n’ai pas l’impression que cette opération, mortelle alors pour la mère se pratiquait à cette époque dans les campagnes. Ai-je raison ?

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  • C’est en effet un phénomène spectaculaire et rarissime. Je n’avais jusqu’à présent jamais vu de cas d’enfants à une tête et deux corps. Ces jumeaux siamois n’avaient alors aucune chance de survie. Il existe un cas similaire en 1772 dans les Hautes-Alpes (mais deux têtes et un corps). Même si le curé y est moins loquace, il précise que c’est « un véritable phénomène », ce qui témoigne de la publicité donnée localement à l’événement.
    Il existe aussi un cas de siamois à Mouriès (Bouches-du-Rhône) en 1783.
    Merci à Janick Noirot et Thierry Sabot d’avoir signalé ce cas particulièrement original.

    Voir en ligne : Un enfant à deux têtes (Sigottier, 17 décembre 1772)

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