Voici l’étrange histoire qui est arrivée à ma famille en juin 1940. Depuis longtemps déjà, j’essaie de raviver mes souvenirs, mais je ne trouve aucun document ni commentaire sur l’épisode que vous allez découvrir...
En 1940, nous habitions Paris et papa travaillait à l’usine Citröen. Je n’ai pas connu l’exode de Paris car papa, peut être voyant arriver les choses, nous avait envoyés, maman et moi, vivre quelque temps avec mon grand-père et ma grand-mère à Nogent-sur-Marne.
Après un certain temps, probablement à cause des tensions liées aux événements des premiers mois de l’année 1940, nous sommes partis à La Baule quelques mois avant l’exode. J’avais 6 ans.
Papa continuait à travailler chez Citroën à Paris. C’est alors que le patron de Citröen choisit mon père pour emmener tous les ouvriers de la fabrique se cacher, afin d’échapper aux réquisitions au profit des usines d’armement en Allemagne.
Je ne sais pas pourquoi il a choisi mon père, qui n’avait aucun poste de direction. Il était peut-être chef de la ligne de montage, je ne sais pas. Où peut-être était-il un leader parmi les ouvriers.
Papa est alors venu nous chercher à La Baule, maman et moi, pour nous ramener à Paris.
Peu après, mon père est sorti de Paris à la tête de tout un convoi de camions Citröen emmenant tous les ouvriers et leurs familles, ainsi que maman et moi. Je ne sais pas le nombre de camions mais ils étaient nombreux, tous identiques. Mon père s’était vu confier une voiture prototype de sport (rouge, si je me souviens bien) pour qu’il accompagne le convoi en faisant des tas d’aller-retour tout au long, pour voir si tout allait bien.
Nous avons retrouvé le convoi à Niort. Je me souviens que nous avons couché dans cette ville. Pour maman et moi, papa avait trouvé une chambre chez l’habitant. Je me souviens que la dame avait un crapaud qui vivait dans un pot en terre avec une petite échelle. il lui montrait le temps qu’il allait faire en montant ou descendant l’échelle. Tous les autres ouvriers et leur famille étaient hébergés dans des écoles, la mairie ou d’autres bâtiments publics.
Puis le convoi est parti en direction des Landes. Tous les ouvriers de Citröen se sont alors installés dans la forêt landaise où ils ont monté des baraques de bois pour vivre au milieu des pins.
Papa nous a installés, maman et moi, dans une maison à la sortie de la petite ville du Taillan-Médoc, là où commençait la forêt des Landes.
- La maison au Taillan.
- Moi à 6 ans, devant cette maison au Taillan, où les propriétaires nous avaient cédé la partie arrière de leur maison.
Mon père était chargé du ravitaillement de tout ce monde. Le Taillan était le point final du tramway venant de Bordeaux.
Tout le monde, je l’ai su après, pensait que la guerre allait durer trois ou quatre mois !!!!
J’imagine que le directeur de Citroën pensait cacher ses ouvriers quelques mois avant de faire revenir son personnel à Paris.
Nous sommes restés au Taillan un an et trois mois, de juillet 1940 à septembre 1941. Puis toutes les familles se sont dispersées pour aller rejoindre d’autres parents.
Pendant tout ce temps-là, le patron de Citröen a pourvu à l’alimentation de tous ses ouvriers afin qu’ils ne partent pas travailler en Allemagne.
Après ce long épisode, mon père a trouvé un emploi dans une fabrique de Pontarlier Il y est resté jusqu’au jour où les Allemands, qui l’avaient cherché pendant toute la guerre, l’on retrouvé.
Informés par le patron de l’entreprise, nous sommes partis en pleine nuit et ainsi plusieurs fois pendant la guerre. J’ai changé d’écoles des tas de fois !
Peut-être que quelqu’un, dont le père était ouvrier chez Citröen, se rappelle aussi, quand il était gosse, de cette épopée dans les Landes avec sa famille ?
Pour ma part, je n’arrive pas à trouver la moindre information sur cet épisode Citroën au début de la guerre. Je ne l’ai pourtant pas rêvé !
J’espère que quelqu’un, en lisant ces lignes se rappellera de son enfance et de cette étrange histoire. J’espère que mon texte suscitera d’autres témoignages.
Aujourd’hui, j’habite au Brésil où nous avons émigré en 1948 alors que j’avais 14 ans.