La recette de la prune du père Métais telle que je l’ai pratiquée en dernier il y a de çà deux ans.
Faut dire que l’année dernière, bernique, pas de prunes.
Je ne possède malheureusement qu’un Reine-Claudier en Auvergne, pas de Mirabellier ni de Questchier. J’ai laissé ces derniers, dans une vie précédente, dans une propriété de l’Yonne où parisien du dimanche j’allais humer le bon air de la campagne. C’est là que j’ai fait mes premières armes, essuyé les premières bourdes qui font l’expérience.
Bon je vous vois tous derrière vos écrans " Jeannot ! La recette ! Jeannot ! La recette !!!" Ne soyez pas impatients j’y viens, j’y viens.
Alors pour faire 20 litres de goutte ( soyons pas mesquins) il faut 200 kgs de prunes (si l’affaire est menée de main de maître) sinon plus, 4 ou 5 bidons en plastoc alimentaire de 50 litres avec couvercle qui visse, 5 kgs de sucre en poudre, de l’huile de coude et de la patience, beaucoup de patience, il faut la mériter la goutte.
Lorsque la prune bien mûre a décidé de tomber de l’arbre et décidé de s’écraser sur le gazon, chaque matin, dès potron minet, il faut se dépêcher de ramasser les dites prunes avant que les guêpes n’arrivent et les mettre dans un susnommé bidon, surtout avec leurs noyaux (c’est ça qui donnera un arrière goût de noisette à la prune), prendre ensuite bien soin de recouvrir le bidon d’un bout du voile de mariée de votre belle mère que vous aurez piqué dans un coffre du grenier. Car et c’est important, la mouche drosophile guette, avide de transformer votre futur nectar en vulgaire piquette.
Recommencer l’opération chaque jour jusqu’à ce que le bidon soit rempli à moitié (explication pour les techniciens puristes, la prune trop fraîche mélangée à la prune qui se décompose arrête la fermentation, d’où l’intérêt des 5 bidons) laisser le voile de mariée, mettre le bidon à l’ombre et recouvrir du couvercle sans le fermer.
Attaquer le bidon suivant et, etc... etc... jusqu’au dernier bidon, surtout ne pas secouer le prunier pour que çà aille plus vite, il faut laisser à la nature le temps de faire son oeuvre. Suivant l’état de la fermentation remuer régulièrement la décoction avec un grand bâton, si elle est terminée rajouter un kg de sucre en poudre et retouiller (jusqu’à ce que cela ne bouille plus).
A ce stade il ne doit pas être loin de la Toussaint , il est temps de rentrer les bidons au cellier (ou dans un endroit tempéré similaire) si la fermentation est vraiment terminée cela doit commencer a sentir bon, enlever le voile de mariée de belle-maman, le mettre de coté pour l’année prochaine et fermer à double tour le bidon. idem pour les autres.
Attendre sagement le passage de l’alambic, essayer de trouver un très vieux cousin (et c’est là qu’est la liaison avec la généalogie !!) qui vous permettra de frauder le fisc en utilisant son droit de bouilleur de cru qui partira avec lui.
Le grand jour venu, emmenez vos bidons et faites le pro, exigez que l’alambic soit rincé, nettoyé de ces vulgaires résidus de moults (dans lequel vous aurez néanmoins préalablement fait cuire votre saucisson, voir plus loin) , pour accueillir votre merveille.
Vous aurez préparé deux bonbonnes pour recueillir le précieux nectar une de 20 litres et une de 10 litres ( faut prévoir grand) deux belles bonbonnes paillées à l’ancienne, vous avez bien des portugais dans votre entourage et premier secret, vous aurez deux qualités :
La première, la meilleure, celle pour les bons copains ou copines et ceux que vous aimez bien, c’est le milieu le "coeur de chauffe" dans la grande bonbonne.
La deuxième, celle pour votre belle-mère ou votre percepteur ou vos gendarmes bref les soiffards de tout poil composée du 1er 1/6e de distillation le plus volatil auquel vous ajouterez le dernier 5/6e le plus lourd.
Pendant que les choses se font il est de bon ton de déguster son saucisson avec son Laguiole et son pain de campagne au levain et seigle et de payer le canon à la compagnie.
Bon c’est terminé, vous ramenez le matériel at home et deuxième secret :
Vous déposez délicatement vos bonbonnes au grenier ou durant plusieurs saisons elles vont prendre des sautes progressives de températures (cycles chaleur froid) qui vont donner a la goutte tout son parfum.
Vous pouvez aussi la garder dans un bousset en chêne ou châtaignier qui lui donnera une belle couleur ambrée, mais il faudra "ouiller" (comptez 10 % de perte par an) pour conserver le niveau.
Si vous êtes patient après quelques années vous pourrez mettre en bouteilles, celle de la bonbonne, à conserver debout, bouchons de qualité cachetés à la cire.
Goûtez, vous m’en direz des nouvelles.
@ la vôtre