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Journal de guerre de Georges Grousilleau (1876-1924)

Retranscrit et illustré par Ludovic Fournier

Le vendredi 1er juin 2001, par Ludovic Fournier

La grande guerre fut un effroyable enchaînement de massacres inutiles, la campagne de Verdun ne fit pas gagner un mètre de terrain à aucune des 2 parties mais tua 600000 hommes. Pour ne pas oublier ces soldats, je vous propose un témoignage, celui d’un simple sergent de l’artillerie, qui vous explique comment, souvent à des fins personnelles, des généraux envoyèrent ces poilus au massacre...

C’est à l’âge de 37 ans que mon Arrière Grand-père Georges Grousilleau alors commerçant à Paris est appelé à rejoindre son unité militaire juste avant la déclaration de guerre de 1914, dés son départ il décide de relater les événements qu’il allait vivre dans cette grande guerre.

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Sous l’uniforme
Georges est le 5e en partant de la gauche

Il est alors incorporé au 49e régiment d’artillerie, sa mission étant de ravitailler, juste à l’arrière du front, l’artillerie lourde en obus et matériel.

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Le début du journal

4 Août 1914
Parti de Paris au train de 8h04 du soir nous arrivons à Poitiers à 8 heures ½ du matin faisant un très long détour et adoptant dès maintenant la marche du 33 Km/h. J’ai la bonne fortune de faire ce long trajet en 1re classe dans un compartiment peu encombré de voyageurs. Je me rendis directement à Croutelle (banlieue de Poitiers) y retrouver de nombreux camarades de régiment. Nous allons rester là jusqu’au 14 août jour de l’embarquement. Nous ne sommes pas inoccupés ; il nous faut effectuer les opérations d’une unité se formant : réception des hommes, habillement, campement, armes, matériel, réception des chevaux, harnachement, effilage des armes etc...

5 Août 1914
Nous apprenons par le journal la déclaration de guerre par l’Allemagne à la France.
Rien de particulier sauf que pendant cette période la chaleur est accablante.
A partir de 2 heures du matin le 26 août 1914 jusqu’au 29 au matin canonnades ininterrompues des plus violentes qui paraît être dans la région de Lunéville (Meurthe et Moselle). Depuis nous avons su qu’il s’agissait de la forêt de Larroy, région où à cette époque le 9e corps de couvrit de gloire.

11 Septembre 1914
Au quartier des centaines de chevaux revenant de la ligne de feu attendent et reçoivent les soins que nécessite leur état, la plupart ont des plaies hideuses, des blessures horribles à voir. Beaucoup sont dans un état de faiblesse prononcé leur maigreur est extrême, et la vue d’un tel spectacle nous impressionne. Nous échangeons nos 4 chevaux fourbus contre 4 rescapés dont 2 chevaux allemands. Nous partons à midi pour Fère-Champenoise : quantité de pantalons rouges sont là sur le terrain par paquets de quelques hommes, patrouilles qui, sans doute ont été surprises. A ce qui fût la gare de Fère-Champenoise il ne reste que quelques murs calcinés, le spectacle est terrifiant. Deux trains sont là emplis de grands blessés Allemands. Les quais, salle d’attente, gare de marchandises, hall des messageries, dehors sur un peu de paille un millier au moins de grands blessés boches attendent d’être dirigés sur l’intérieur. Beaucoup trouveront ici leur dernière demeure. Ils agonisent sous nos yeux. Quelques milliers déjà ont été évacués, 800 nous dit un major, sont encore à venir et le cortège de charrettes les amenant ne cesse pas de la fère à Chaintrix (Marne) par Morain le petit (Marne), nous traversons une partie du champ de bataille de la Marne. Le spectacle est terrifiant sur notre parcours nous ne comptons plus les morts. Quelques un des notre et des quantités d’Allemands sont sur le sol, des tumulus en quantité des cadavres de chevaux à profusion tout cela dégage une odeur insupportable.

15 Septembre 1914
Départ de Chaintrix (Marne) à midi pour Thibie 8 Km village complètement brûlé, nous trouvons sur le parcours quantité de cadavres de chevaux et un défilé incessant de pauvres femmes et enfants errant cherchant un abri c’est lamentable. Dans des cours de ferme se dégage une odeur abominable. Nous constatons que les Allemands dans leur rage destructrice ont tué et laissé dans les cours tout le bétail et basse-cour qu’ils ont trouvé et tout est là dans une putréfaction complète. Notre groupe fait prisonnier 4 Allemands de la garde prussienne. _ D’autres sont encore perdus dans les bois ceux là seront laissés aux mains des gendarmes quand nous traverserons Chalons sur Marne. Cette soirée et vers 3 heures du matin le 16 canonnade violente paraissant provenir de la région de Vouziers (Ardennes).
 
2 Décembre 1914
Le jour de l’an se passe, il nous est fait part des souhaits des généraux Joffre, De Castelneau. Ceux surtout de notre capitaine nous sont sensibles. Le 2 janvier nous nous trouvons à la position de la batterie de la 49e repérée par les Allemands, les marmites pleuvent l’une tombe à 150 m environ en avant de la batterie sans toutefois y faire aucun mal, l’effet est saisissant nous ne sommes pas habitués au feu. Certain hommes ont peur et jamais le déchargement des munitions ne fut si vite effectué. Le lendemain après vérification je sus que le projectile était tombé à 110 m, je rapportai deux gros éclats c’était du 240 il avait fait un beau trou.

28 Août 1915
Départ pour Herpont (Marne) , cantonnés tout d’abord au pays, il nous faut l’après-midi nous installer dans un bois de sapins entre Herpont et Herpine. Pour nous la guerre vraiment commence. De nombreux jour se passeront au bivouac sous bois.

1 Septembre 1915
Quittons Herpont pour le Mont Hyeron ( ?), point situé entre Valmy (Marne) et Hans (Marne).
Kallerman y possède sa statue qui fait assez bonne figure. Ici vont se commencer les combats de Champagne qui seront opiniâtres et nous vaudrons dans les premiers jours de l’attaque 30000 prisonniers et un butin considérable. Notre travail est intense, pénible et périlleux, nous ravitaillons l’arme lourde de tous calibres : 90, 95, 123, 195 Kg et 195 c . Les ravins de Minaucourt, du Marson, Massiges, Beauséjour sont on ne peut plus dangereux. Les travaux de défense sont inimaginables, la concentration des troupes poussée au maximum, la préparation inspire confiance à tout le monde.

20 Septembre 1915
Départ des bois du Mont Hyeron pour d’autres à Somme-Bionne (Marne), ravitaillements toujours ardus nous resterons là jusqu’au 8 janvier 1916. J’ai la satisfaction de me rendre plusieurs fois à Chalons/Marne, beaucoup moins triste que la première fois que je l’ai vue. Nous devenons à cette époque 120e Artillerie...Là se passe une période affreuse de mauvais temps, vent, tempête, pluie persistante, notre bivouac est un marécage. Nos chevaux se ressentent de cette mauvaise température et pour un certain nombre leur carrière militaire est terminée. Le 22 décembre je pars en permission de 6 jours (petit aparté : Ma grand-mère naîtra 9 mois après cette permission car durant ces 6 jours il mettra enceinte sa bonne alors que sa femme est elle-même déjà enceinte, l’enfant de sa femme mourra à la naissance, la bonne n’ayant que 17 ans abandonne son enfant au profit de ses employeurs, ils adoptent donc ce bébé. Par la suite cet enfant deviendra ma grand-mère. Je dit donc merci à son capitaine de lui avoir accordé cette permission sinon je ne serai pas là à vous retranscrire ce journal) rentre le 30 avec un cafard qui se prolongera quelques jours. Très fortement enrhumé.

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Une unité d’artillerie au combat

2 Mars 1916
Départ de Rampont (55) pour les positions de Batteries en avant du fort du Rozellier (forêt de Verdun) nous contournons cette ville affreusement marmitée et sommes étonnés du nombre incalculable d’obus ennemis tombés à proximité de la citadelle. Nous arrivons vers 11 heures du soir à notre point de terminus par un temps affreux, noir, pluvieux et froid. Nous passons la nuit blanche sur la route, nous sommes exténués. Au petit jour nous trouvons à quelque centaines de mètres en arrière une maison abandonnée dans laquelle nous nous installons. Nous restons là jusqu’au 8 avril et notre travail est intense. Nous ravitaillons continuellement soit nos batteries soit 3 batteries de 90 adjointes au groupe. D’autre part nous approvisionnons le fort d’Haudainville(55) en munitions de tous calibres. Celles ci sont prises soit à Lemmes (55) soit à Heippes(55). Notre séjour au cantonnement fut mouvementé, les avions ennemis viennent fréquemment bombarder les bivouacs et les pays environnants. C’est ainsi que quantité de bombes explosent sur Haudainville, Belrupt et sur quelques bivouacs, cela fait de nombreuses victimes, nous avons la bonne fortune de n’être pas atteints. A Dugny, centre de ravitaillement, une bombe ennemi d’un seul coup tue 43 hommes, ce doit être un record. Un autre pénible accident nous touchant de plus près devait nous atteindre le 18 Mars vers 9 heures du soir lors d’un ravitaillement à une de nos batteries en position près de la Madeleine (forêt de Verdun) l’explosion prématurée d’un obus de 155 de notre unité nous tua 3 hommes en blessa 2 dont 1 grièvement, tua les 3 chevaux de l’attelage et mit à mal la voiture. Ce fut notre premier accident sérieux de la campagne. Nous nous estimons heureux de ne pas avoir été marmités. Le brave homme mort sans souffrances classe 1899, père de 3 enfants, repose à coté de ses camarades en forêt de Verdun.

4 juin 1916
Le 4 juin 1916 un tir ennemi bien dirigé fit sauter le dépôt de munitions de Dombasle, les explosions se succèdent pendant environ 18 heures. Ce dépôt avait au minimum 600000 projectiles dont une très grosse quantité de munitions dont il ne reste plus que des débris de ferraille. La perte doit être énorme, le coup d’œil est féerique. Le 11 Juin cité à l’ordre du régiment n° 72 pour la croix de guerre : il a fait preuve de sang froid et à su assurer dans des circonstances particulièrement périlleuses le ravitaillement des Batteries qu’il desservait.

4 Août 1916
Nous avons pu constater pour la première fois depuis 2 ans le travail de notre artillerie, grande puissance qui fait là ses débuts. Elle s’en tire avec honneur : les Blockhaus ennemis ne résistent pas aux obus de ces grosses pièces, aussi sommes nous émerveillés de voir les fortifications ennemies entièrement bouleversées. Quantité de cadavres boches sont enfouis la dessous, on en retire tous les jours. On y voit des tumulus en renfermant des trentaines ensembles, le spectacle de ces lignes de tranchées est lugubre. Dans ces trous on y trouve armes, effets d’habillement, engins non éclatés, outils de travailleurs, tout y est pèle mêle. Des bois qui étaient dans cette région il ne reste que quelque troncs ressemblants à de gros bouts d’allumettes noircis. L’odeur est insupportable : odeur de cadavre et de poudre. Nos lignes à cette époque sont en avant de Beaches près Peronne(80).

6 Mars 1917
Quittons Louan à 8h30 matin pour Quenos puis pour Baunes et traversons Fère-Champenoise et une partie des marais où s’est fait la bataille de la Marne. L’armée Foch s’y couvrit de gloire, mais que de tombes.

21 Octobre 1917
A la date du 21 Octobre 1917 je prends au camp le service des paie et vais en permission de 24 heures le 26 Octobre puis une permission de détente du 3 au 14 Novembre 1917.
Ainsi finit notre vie active du métier militaire.
 
Mon arrière grand-père retourna alors à son commerce à Paris, c’est là qu’il finira ses jours à l’âge de 48 ans en 1924 d’une embolie pulmonaire foudroyante (due à son exposition aux Gaz ?).

Le site de Ludovic Fournier : L’épopée extraordinaire d’un sergent qui, ravitaillant ses camarades sur la ligne de front, raconte à travers son carnet de route sa grande guerre : L’histoire et la généalogie vous intéresse alors vous aimeriez sûrement savoir comment ont vécu vos ancêtres. C’est pourquoi je vous propose de venir sur mon site lire le témoignage de mon arrière grand père. Il a écrit un journal sur les événements qui l’ont marqué durant la première guerre. J’ai illustré ce carnet de route avec des cartes postales d’époque sur les lieux qu’il a visité tout au long de ce périple dévastateur. Vous pourrez aussi revivre les émotions de vos aïeuls en surfant dans l’univers qu’ils les ont entouré (photos d’objets anciens : TSF, publicités et plus encore). Sur mon site vous pourrez bien sur voir aussi ma généalogie ainsi que des pages pour amuser les enfants comme celle de starwars.


Voir en ligne : Le site de Ludovic Fournier

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2 Messages

  • Pour parler du 1° paragraphe,le fait est courant quant aux hauts gradés qui envoient des soldats se faire massacrer.
    Je me demande comment ces généraux ont acquis leurs grades ?

    Répondre à ce message

    • Journal de guerre de Georges Grousilleau (1876-1924) 20 février 2010 20:32, par Claire Moser-Gautrand

      On est en droit de se poser de telle question.
      J’ai la corespondance éloquente de mon grand-père soldat, sans tombe, mort (obus) le 4 juillet 1915 sur la qualité de l’encadrement des stratéges et autres décideurs. A se demander comment les propos tenus dans ses lettres ont pu transiter ...... Quant à l’autre grand-père, après avoir fait toute la guerre il a ét tué pour ainsi dire le dernier jour.
      Nous ne remercierons jamais l’incurie et la stupidité de certains ......
      Claire Moser-Gautrand

      Répondre à ce message

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