A l’âge de 19 ans [2], il a déjà effectué deux campagnes pour le Roi dont la dernière sur la frégate L’Héroïne [3] comme matelot à 13 livres. Ensuite pendant plusieurs années, il se consacre à la pêche et ceci jusqu’en 1776. Pendant cette période, il épouse Florence Guzello - veuve de Guillaume Guénédal - le 14 novembre 1768 à Riantec. Le couple aura les 5 enfants suivants, déclarés à Riantec et Port-Louis dont seulement la fille Julie vivra jusqu’à l’âge adulte :
- Julien, le 12/08/1770 au bourg, décédé 15 jours après.
- Julie, le 19/12/1771 au bourg, décédée le 26/09/1821 à 50 ans.
- Marie Joseph, le 26/07/1774 au bourg, décédée 5 jours après.
- Yves, le 19/06/1775 aux Salles, décédé 5 semaines après sa naissance.
- Louis, le 15/01/1777 àPort-Louis, décédé le 23/01/1777 à l’âge de 8 jours.
A ces 5 enfants, il convient de rajouter les deux enfants du premier mariage de Florence Guzello qui vivaient très probablement avec le couple (Mathurin né le 20/06/1765 à Riantec et Jean-François né le 04/06/1766 à Riantec).
En janvier 1777, Jean embarque sur le vaisseau du Roi Le Bien Aimé [4] , il y reste 7 mois et 12 jours comme matelot à 14 livres. Puis, il embarque, en octobre 1778, sur la frégate du Roi La Consolante [5] pour l’île de France comme matelot à 16 livres [6] et passe quartier maître le 28 septembre 1782 à 22 livres puis à 24 livres [7]. Jusqu’en 1783, il est dit « aux Indes ». Pendant ces années, Jean Robelet participe à bord de La Consolante à une partie de la guerre d’Indépendance américaine dans la manoeuvre de diversion aux Indes sous le commandement de Suffren. Pour situer la participation de La Consolante, nous retraçons sommairement l’ensemble des actions de Suffren dans cette guerre contre les Anglais. C’est ainsi qu’en mars 1781, Suffren reçoit le commandement du Héros, et d’une division de cinq vaisseaux envoyés aux Indes. Le 16 avril 1781, il surprend à l’île du Cap Vert de la Praya, une escadre anglaise au mouillage. Lors de l’attaque, il lui inflige des avaries importantes se dégageant ainsi la route du Cap. Le 21 juin, il y débarque la garnison française. Ainsi, Suffren permet aux forces navales françaises de conserver le libre accès à l’océan Indien pendant toute la guerre des Indes. Après une escale à l’île de France, il part pour l’Inde et prend en route le vaisseau anglais l’Annibal (janvier 1782). Il est promu chef d’escadre et commence alors, dans des conditions difficiles, loin de ses bases, mal secondé par certains officiers qui jalousent sa progression de carrière rapide, une campagne remarquable. Il livre à l’escadre anglaise de Hughes les batailles de Sadras (17 février 1782), Provedien (12 avril), Negapatam (6 juillet) et Trincomalé (3 septembre). Après avoir hiverné à Achem (Sumatra), il prend au retour la frégate anglaise Conventry, détruit 50 navires marchands et bat l’escadre anglaise au large de Gondelour, le 20 juin 1783 [8].
La Consolante, qui est à l’île de France pendant les premiers combats, quitte Port-Louis de l’île de France, en milieu de l’année 1782, avec les vaisseaux L’Illustre et Le Saint-Michel et 9 flûtes portant huit cents hommes tirés des garnisons de l’île de France et de l’île de Bourbon pour renforcer l’escadre du Bailli de Suffren en Inde. Fin juillet, ces navires et six flûtes arrivent à la pointe de Galles au sud de l’île de Ceylan. Ces renforts rassurent le Nabab favorable aux troupes françaises.
Le 8 août, Suffren fait mouiller ses vaisseaux au N.N.E. de la baie de Vanloos. La Consolante qui avait quitté le mouillage de la pointe de Galles avec difficultés en perdant deux ancres, rallie l’escadre de Suffren. Le lendemain, l’ensemble des navires met sous voiles pour Batacalo ; en attendant la jonction des renforts, l’ensemble des navires fait de l’eau et du bois. Une fois le rassemblement réalisé, l’ensemble des navires, à l’exception de La Consolante, quitte le mouillage de Batacalo et fait route sur Trincomalé (Trinquemalay, au nord est de Ceylan - Sri Lanka depuis 1972). Trincomalé est considéré comme l’un des plus beaux ports de l’Inde. Il est entouré de terre et offre un abri contre tous les vents. Les fonds sont nets et de bonne tenue. Le port peut contenir de nombreux navires avec plusieurs points pour caréner. Suffren connaît bien les avantages de ce port et c’est pour ces raisons qu’il veut le reprendre aux Anglais. Fin août, le débarquement est décidé et la capitulation de la garnison anglaise est signée le 30 août.
Mais, le 2 septembre, l’escadre anglaise, absente de la rade de Trincomalé, apparaît à l’horizon. L’escadre française lève l’ancre pour aller livrer le combat qui a lieu le 3 septembre. Seuls quelques navires de l’escadre française vont au contact de l’ennemi, l’escadre anglaise est mise à mal mais pas achevée et rejoint Madras le 9 septembre. Suffren est convaincu que plusieurs des officiers, commandant de navire, ont voulu l’abandonner et le sacrifier à leur jalousie. Ils n’acceptent pas d’être commandés par un officier plus jeune qu’eux. Dans le combat, Le Vengeur et La Consolante - qui a rallié depuis la zone -, commandés par des officiers dévoués, ont reçu l’ordre de doubler par dessous le vent les vaisseaux de queue ennemis, afin de les prendre entre deux feux. La manœuvre est habilement prévenue par Le Worcester et Le Montmouth et l’action s’établit entre ces navires. Le capitaine Péan, commandant de La Consolante est tué par une grenade. Trois personnes sont tuées et huit blessées à bord de La Consolante lors des combats. Après le combat, l’escadre mouille à la Pointe-Sale à la sortie de la rade de Trincomalé pour remettre en état les avaries. La Consolante donne sa mâture au Bizarre et s’accommode de celle d’une grosse flûte hollandaise [9] .
Quelques mois plus tard, La Consolante est à nouveau engagée dans le combat qui a lieu le 20 juin 1783 devant Gondelour près de Pondichéry. Elle est alors commandée par le sieur de Costebelle. Pendant le combat, La Consolante est en queue d’arrière-garde, elle observe les mouvements des derniers vaisseaux de ligne ennemis, afin de les empêcher de doubler au vent l’escadre française. Suffren a l’avantage sur l’escadre anglaise mais la place de Gondelour tarde à être prise par l’armée française et la nouvelle de la paix signée le 9 janvier à Versailles est annoncée à Suffren par la frégate anglaise la Médée. Ceci met fin aux hostilités le 9 juillet 1783.
- Lieux des combats des Indes
Après ces combats, La Consolante rallie l’île de France et c’est en arrivant à Port-Louis que Jean Robelet est soit débarqué malade ou tombe malade quelques temps après et entre à l’hôpital.
En fait, deux de ses collègues embarqués sur La Consolante, Jacques Drian de Riantec et Jacques Génévisse de Groix, témoignent, longtemps après leur retour en France, devant notaire en précisant qu’ils ont vu mourir Jean Robelet à l’hôpital de Port-Louis de l’île de France dans le courant de l’année 1783. L’hôpital [10] était situé entre le bassin des Chaloupes et le trou Fanfaron dans le port de Port-Louis près du moulin et d’une poudrière. L’endroit de sa construction avait été choisi pour être très proche du lieu de mouillage des navires pour limiter les problèmes de transport des malades. Ce fut le premier ouvrage de terre que fit bâtir Mahé de La Bourdonnais. Il était conçu pour pouvoir être transformé éventuellement en magasin. L’eau potable, indispensable au rétablissement des malades, était obtenue de la Grande-Rivière au moyen d’un aqueduc connu depuis sous le nom de canal de La Bourdonnais [11] . Probablement qu’après son décès Jean Robelet fut inhumé au cimetière de l’enfoncement situé derrière l’hôtel du Gouvernement.
Jean Robelet est donc mort loin des siens, entouré toutefois de deux gars du pays, un Riantécois et un Groissillon. Il n’aura pas pu communiquer avec sa femme lors de sa maladie car cette dernière restera dans l’ignorance de son sort pendant de nombreuses années.
L’acte consignant les témoignages est rédigé, le 11 juin 1793, par le notaire Lestrohan de Port Liberté [12] dans le Morbihan [13], soit plus de dix ans après la date estimée du décès. Ce document a probablement été établi à la demande de la veuve de Jean Robelet pour pouvoir mettre au clair les formalités de succession.
Texte de l’acte (Avec quelques adaptations d’orthographe par rapport à l’original pour faciliter la lecture) 11 juin 1793
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En fait, plus de deux cents ans après ces évènements, nous avons réussi à confirmer que le décès de Jean Robelet a bien eu lieu à Port-Louis de l’île de France (île Maurice actuellement). En effet, dans les Archives Nationales de l’île Maurice, sur les registres de décès des années 1784 - 1786, il est noté que Jean Robelet est décédé le 20 janvier 1784 à Port-Louis [14] . L’époque du décès estimée dans l’acte de notoriété est donc erronée car, il s’est passé 9,5 années entre les deux évènements et non 10,5 années. Il est toutefois surprenant que cette information, connue par l’administration de la colonie, ne soit pas parvenue à l’administration de l’inscription maritime évitant ainsi à la veuve bien des tracas administratifs.
- Extraits du registre des Archives nationales de l’île Maurice
Nos remerciements à Satyendra Peerthum et à Christian Duic pour l’aide apportée dans la rédaction de cet article.