1 – La carte postale
L’acquisition récente d’une carte postale m’interpelle… Oui, pour d’autres raisons, j’ai récemment fait l’achat d’une carte postale [1] et celle-ci m’a conduit à quelques réflexions que j’étale ci-dessous.
1.1 - Le recto
C’est une carte postale [2] représentant la route menant à l’entrée du cimetière d’Hanoï, au Tonkin. Ce territoire était une partie de l’Indochine (alors sous Protectorat Français). Aujourd’hui cette région fait partie du Viêt-Nam, dont la capitale est Hanoï.
1.2 - Le verso
Globalement, c’est une carte postale ordinaire… que nous allons détailler.
1.3 - Le timbre
L’oblitération ne permet pas de dater cet envoi. Par contre ce timbre (Jeune femme annamite – 5 c vert – Centre et valeur en noir) a été mis en circulation en juillet 1907 [3]
Quand a-t-il été retiré de la circulation ? Question posée à Yvert et Tellier [4] et demeurée sans réponse !
De le savoir aurai permi d’estimer quand, au plus tard, cette Carte Postale est partie d’Indo-Chine.
1.4 - L’inscription
Je ne m’attends pas à une révélation lorsque l’un de vous, nous aura traduit la teneur de ces idéogrammes. Elle nous évitera de mourir idiots ! Et puis, je trouve cela amusant de pousser notre connaissance jusqu’à ce détail sans importance.
2 – La destinatrice
2.1 - Adresse
Ce courrier est destiné à une demoiselle qui demeure en France, à Remiremont (88) exactement. Rue et maison (N°32, Rue du Canton) existent toujours [5] :
- Avec ces 3 indices, tout est dit sur le N°, la plaque de rue et la maison !
2.2 - Recherche identité
Elle se nomme Victorine MARIEZ. Mon réflexe fut de chercher sur Généanet … Là, il y a plusieurs "possibles" mais aucune ne satisfait aux éléments que nous savons car :
- Trop âgées pour prétendre au titre de Demoiselle,
- Trop jeunes, donc pas encore une Demoiselle bonne à marier,
- N’habitent pas les Vosges,
- Déjà mariées,
- Décédées,
…
2.3 - Tables décennales
Il me faut, c’est évident, chercher ailleurs. Et Remiremont parait tout indiqué pour cela. J’opte pour un balayage des tables décennales. Et là, je trouve LA perle :
- MARIÉ Marie Victorine est native de Remiremont ; elle y nait le 23 mars 1890 (donc, en 1907, elle a 17 ans. C’est la Demoiselle recherchée. La confirmation vient du recensement de 1906 [6]. Elle habite avec ses parents au 32, rue du Canton. Elle a 16 ans lors du passage du préposé.
2.4 - Recensements
C’est bien la même jeune fille car l’adresse de la carte postale et celle relevée sur la feuille de recensement sont identiques. Au recensement de 1911 [7], elle habite encore avec ses parents malgré ses 20 ans. Mais en 1921 [8], seul son père Etienne MARIÉ demeure rue du Canton, son épouse est surement décédée ; quant à Victorine elle a convolé l’année précédente : le 10 juillet 1920.
En dernier lieu, on la trouve à Damelevières (54) en 1936 [9]. Elle vit là avec ses 7 enfants et son mari qui décédera la même année.
2.5 - Ascendants
Ces premières informations trouvées permettent de construire la généalogie de Marie Victorine MARIÉ.
Afin de faciliter le repérage de notre héroïne dans l’arbre qui précède, je l’ai mise en valeur par une représentation d’Edouard MANET, intitulée : Portait de Victorine MEURENT [10] -.
2.6 - Orthographe et Identification
J’ai trouvé, au cours de ces recherches, deux orthographes pour son nom de famille (ce qui est courant) : MARIÉ [12] et MARIEZ. Cela ne remet pas en cause le fait que nous soyons devant la même personne.
3 – L’expéditeur
3.1 - Texte de la carte
Bon souvenir, doux baisers. Ces mots nous font envisager ceux d’un jeune homme à sa bien-aimée, à sa promise, à sa fiancée, … : Mlle Victorine…
3.2 - Signature et Identification
- Signature apposée sur la carte Postale
Elle est définitivement illisible. A moins que nous la confondions avec celle de son époux !
A propos de mariage, Marie Victorine s’unira à Émile Joseph PIERRE. Cette union est célébrée à Remiremont le 10 juillet 1920 [13]. C’est l’occasion de comparer les signatures…
- Signature trouvée sur l’acte de mariage.
Bien qu’un peu différentes, il y a des analogies dans ces signatures, qu’environ 5/6 ans séparent :
- La boucle d’entrée pour le P de PIERRE,
- l’inclinaison générale,
- le point sur le I qui n’est pas oublié,
- la forme très pointue des deux R,
- la forme et la fin rageuse du E final, …
Tout nous pousse à croire qu’Expéditeur et Epoux sont la même personne.
3.3 - Recherche identité
C’est donc bien le futur mari qui écrit un mot gentil à sa fiancée. Il est ainsi établi qu’Expéditeur et Mari ne sont qu’une seule et même personne. A partir de cela, il devient aisé de retrouver les documents d’état-civil qui se rattachent à lui : naissance, mariage (vu plus haut) et décès….
3.4 - Ascendants
Rechercher un à un les ascendants d’Émile Joseph PIERRE puis, bâtir son arbre ne pose aucun problème majeur, juste un peu de temps et de perspicacité.
On déduit de cet arbre que les PIERRE sont de Saint-Nabord, alors que les JACQUOT sont de Vagney. 16Km séparent ces deux villages.
3.5 - Que fait Émile Joseph PIERRE au Tonkin ?
C’est sa Feuille Matricule [14] qui nous dévoile son parcours sous les Drapeaux :
- Il s’engage à Verdun le 6 juin 1900. Il renouvellera plusieurs fois ce genre de contrat.
- Il reçoit la Médaille Coloniale, avec agrafe "TONKIN" le 26 août 1912
- Après avoir passé les premiers grades, il devient adjudant le 1er octobre 1913.
- Puis le 1er août 1916, il est décoré de la Médaille Militaire.
- Il est démobilisé le 21 mars 1920.
- Et enfin, il est libéré de toutes obligations militaires le 11 avril 1928.
Durant ces années, il a guerroyé en Chine, au Tonkin [15], au Sénégal et contre l’Allemagne.
3.6 - Quels régiments l’ont hébergé ?
Il semble, selon sa Feuille Matricule, ne pas avoir trop bourlingué. En effet trois régiments seulement l’ont accueilli :
- 1er Régiment d’Artillerie de Marine [16]
- Les 3 trois insignes qu’il a successivement porté au cours de sa carrière militaire.
3.7 - Et par ailleurs, qu’a-t-il fait ?
En 1900, sur sa Feuille Matricule, il demeure à Joeuf (54) où il est Forgeron. Il sait lire, écrire et compter (Niveau 3).
De 1900 à 1920, il fait une carrière militaire que nous avons détaillée plus haut.
En 1920, il se marie, il est Comptable.
En 1924, il est toujours Comptable à Saint-Nicolas-de-Port (54).
Dès 1925, il est devenu Directeur d’Usine à Damelevières (54).
Il conservera ce dernier titre jusqu’à sa mort : 1936. Il n’a que 57 ans !
4 – Le Couple
4.1- Mariage
Il faut remarquer que Marie Victorine MARIÉ a 30 ans lorsque scelle son destin à celui d’Émile Joseph PIERRE. Elle a donc pu avoir un premier mari, qui aurait pu être le signataire de la carte postale partie du lointain Tonkin.
Mais non, Victorine a attendu patiemment son amoureux car il n’y a pas de trace d’une première noce dans son acte de mariage avec Émile Joseph PIERRE.
De son côté, Emile Joseph a 41 ans à ce moment-là. Il se marie célibataire !
4.2 - Descendance
C’est la Feuille Matricule d’Emile Joseph qui nous apprend qu’il a une famille nombreuse :
- Entre 1922 et 1928, il est vrai que Victorine a accouché 6 fois !
Mais cette famille trouve son apogée sur le recensement de Damelevières (54). En 1936, 7 enfants entourent Victorine et Émile.
5 – Décès
5.1 - PIERRE Emile Joseph
Émile meurt à Damelevières [19] le 3 octobre 1936. Donc peu après le recensement relaté ci-dessus.
Il n’a que 57 ans !
5.2 - MARIÉ Marie Victorine
Elle finit sa vie à Nice (06). Elle habite au 1, rue Catherine SEGURANE [20]. Elle s’éteint là, le 12 juin 1966 [21], elle a 76 ans.
- Vue de l’immeuble (N°1) et plaque de la rue SEGURANE (Google – Street View.)
Connaitre depuis quand Victorine est à Nice est impossible car les recensements de cette ville stoppent à 1911 ! Et pour le savoir il faudrait avoir connaissance des recensements relevés après 1936.
Elle est restée veuve 30 ans. Elle ne s’est pas remariée.
- Que fait-elle à Nice ?
- Quand s’est-elle installée là ?
- S’est-elle rapprochée de l’un de ses enfants ?
- Le déclarant : Albert BELLETTI [22], âgé de 40 ans (donc né vers 1926), reste et restera sûrement une énigme… D‘autant que les registres de la Mairie de Nice, ne le contiennent ni en naissance, ni en décès !
6 – Conclusions
Ces recherches démontrent simplement qu’à partir d’un court texte apposé sur une carte postale, il est possible de partir à la découverte d’une famille au départ totalement inconnue.
Que resterait-il à découvrir pour mettre un point final à ces pages :
- Nous ne savons rien à propos de la raison qui a poussé Victorine à finir ses jours à Nice.
- Nous ignorons où et quand ses parents sont morts.
- De quoi ,où, comment est décédé Emile ?
- Des interrogations mineures surgissent aussi lors de la lecture de ces quelques pages…
Mais d’autres questions se sont posées au cours de ces recherches. Les Annexes y répondent.
7 – Annexes
7.1 - A propos de la représentation des arbres généalogiques.
C’est la façon de présenter les personnages de cette histoire que je détaille dans ces pages.
7.2 - Lien ou pas entre MARIÉ Etienne et LÉONARD Marie Clarice.
Une accolade, sur une feuille de recensement, ouvre la porte à cette question.
7.3 - Qui est PIERRE Brice pour PIERRE Marie Virginie ?
Ici c’est la recherche d’une parenté qui est développée…
7.4 - Qui est PIERRE Emile Joseph pour PIERRE Marie Virginie ?
Cette annexe révèle un ancêtre commun entre ces deux personnes.
7.5 – PIERRE Emile Joseph (1879-1936).
Cette annexe reprend une partie du contenu de ces pages mais elle va bien plus loin dans la connaissance du parcours de cet Adjudant-Directeur d’Usine.
8 – Remerciements
La plupart des mairies vosgiennes ont répondu rapidement et favorablement à mes nombreuses demandes d’informations. Merci à ces Dames, Merci à ces Messieurs.
J’ai puisé pas mal de cartes postales dans la rubrique offerte par Généanet. Ces contributeurs sont tous cités dans l’Annexe A. A ces donnateurs, je dis : Merci à eux !
Pour avoir sollicité les Archives Départementales des Vosges, de la Meuse, de la Meurthe-et-Moselle, j’adresse un : Merci à ces Dames, Merci à ces Messieurs.
Je manifeste toute ma gratitude à Mesdames Gabrielle CHARRETIER, Danièle MICHEL et Dominique PIAUD pour leur aide : Merci à Elles.