Le 1er août 1785, La Boussole et L’Astrolabe, respectivement commandées par Jean-François Galaup de La Pérouse et Paul-Antoine Fleuriot de Langle, quittent la rade de Brest pour un voyage de circumnavigation sans retour. Les navires sont retrouvés dans la faille de Vanikoro.
L’association Salomon, aidée de la Marine Nationale s’est fixé un objectif démesuré : retrouver la trace des membres de l’équipage (marins et savants).
En 2003 un squelette est découvert, lors des fouilles de La Boussole. Depuis cette date, scientifiques et généalogistes s’efforcent de l’identifier.
Premières investigations menées sur le squelette
Il s’agit d’un homme âgé de 30 à 35 ans avec une incertitude de 5 à 6 années, qui mesure environ 1,68 mètre avec une incertitude de 4 centimètres. Sa dentition est bien entretenue, ce qui est inhabituel à l’époque et exclut la possibilité qu’il s’agisse d’un marin. Ses dents sont abrasées comme par un effet de mastication et il est légèrement prognathe. Le péroné droit présente une fracture diaphysaire nette, transversale, sans que l’on puisse déterminer si cette fracture est ou non post-mortem. Il a été victime dans l’enfance ou l’adolescence d’une fracture de l’humérus gauche et de la clavicule droite. Il doit être gaucher, possède une musculature peu à moyennement développée, ce qui semble exclure encore les marins astreints de longues années aux manœuvres. D’autre part, il a été découvert dans le gaillard arrière de la Boussole où résidaient les officiers et les savants.
Des indices supplémentaires : les objets trouvés à proximité du squelette
Près du corps sont retrouvés : cinq boutons d’habit en laiton dont l’un porte, gravées, une couronne et les initiales RV, quatre autres en laiton sans marque distinctive, trois boucles de soulier en argent, un crucifix, une boîte en bois qui avait contenu un missel, un pistolet aux initiales GJC ou GH, d’autres objets aux initiales RV, une canule, un nombre très important de pièces de vaisselle aux armes ecclésiastiques (chapeau, cordon à douze houppes, six de chaque côté, posées sur trois rangs, et sur l’écu un cœur percé d’une flèche, indiquant une appartenance aux génovéfains, ordre religieux auquel appartient l’abbé Mongez aumônier de l’expédition et scientifique reconnu dans la minéralogie et la physique).
Deux portraits robots
Deux portraits robots de l’inconnu de Vanikoro sont réalisés à partir du crâne du squelette :
- l’un d’eux par ordinateur par les services de l’IRCGN (Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale),
- l’autre en collaboration avec le docteur Jean-Noël Vignal, anthropologue médico-légal de cet institut par la sculptrice Elisabeth Daynes.
Qui est donc l’inconnu de Vanikoro ? Généalogie et recherche ADN au service de son identification
Peu d’hommes embarqués sur la Boussole peuvent correspondre au portrait de l’inconnu. Après consultation du rôle de l’équipage, quelques scientifiques ou certains officiers, tout au plus, répondent aux caractéristiques du squelette.
Voici ce qu’en dit l’Association Salomon : « si l’on répertoriait les nombreux objets retrouvés dans la Faille depuis le passage de la Marine nationale en 1964, en fonction de leur appartenance, tous les faisceaux nous dirigent vers Mongez ou Lepaute d’Agelet : le crucifix, la petite boîte aux huile saintes frappée des armes du roi de France, la vaisselle de Mongez, la pierre d’autel. Il y a aussi ceux qui pourraient appartenir à Lepaute d’Agelet : lunette astronomique, quart de cercle et autres instruments d’observation. »
L’enquête s’oriente de plus en plus vers l’abbé Mongez. Détail troublant, Mongez avait publié une étude sur l’appareil d’Albert Pieropan destiné à réduire les fractures des jambes, prouvant ainsi qu’il était concerné par le sujet. Rappelons que le squelette trouvé avait eu une fracture du péroné.
L’Association Sine Dolo, dont les membres fondateurs descendent de cette famille remettent à l’association Salomon qui pilote les recherches, deux portraits de Jean-André Mongez, l’un de face, l’autre de profil ainsi qu’un portrait d’Antoine Mongez, son frère. Les deux frères présentent tous deux, un léger prognathisme comme le squelette.
La ressemblance entre les portraits robots et ceux de l’Abbé sont certes troublants mais, seule une étude comparative de l’ADN du squelette et d’un porteur d’ADN mitochondrial (transmissible uniquement par les femmes) d’un descendant Mongez est susceptible de confirmer l’hypothèse qu’il s’agit bien de l’Abbé.
Sine Dolo établit alors un arbre généalogique exhaustif (plus de cinq cents descendants de la famille Mongez). Restait à retrouver parmi eux, un descendant porteur de ce fameux ADN. Pour cela, il fallut partir de la sœur de l’Abbé Mongez et descendre de femme en femme jusqu’à nos contemporains.
Après un long travail de généalogie, Sine Dolo retrouva un descendant de la famille Diday qui a pu fournir des poils de barbe d’un individu décédé en 1924. L’ADN contenu dans ces poils a été comparé avec celui du squelette par des équipes scientifiques qui en ont déduit qu’« ’il n’y a pas incompatibilité » entre l’ADN de ce descendant Mongez et celui du squelette trouvé à Vanikoro. Cela est insuffisant pour apporter la preuve que le squelette et Mongez sont une seule personne.
Pourtant, au regard de tous les indices dont on dispose, les personnes impliquées dans la recherche de l’identification de l’inconnu penchent de plus en plus vers la piste de Jean André Mongez. L’association Salomon encourage vivement Sine Dolo à continuer sa recherche généalogique avec pour objectif de trouver d’autres porteurs de l’ADN mitochondrial de l’Abbé Mongez.
La chance de retrouver d’autres indices comme des poils de barbe étant minime, Sine Dolo reprend alors ses recherches généalogiques avec deux objectifs :
- tout d’abord retrouver d’autres personnes porteuses de ce fameux ADN. Après avoir épuisé les pistes des descendants d’une sœur de l’Abbé Mongez, il faut reprendre la recherche en descendant cette fois à partir de la mère de l’Abbé.
- ensuite, découvrir quel est leur lieu de sépulture pour envisager une éventuelle exhumation aux fins de comparaison d’ADN.
Sine Dolo est actuellement sur la piste de plusieurs descendants, décédés, de cette famille et répondant à ces exigences.
Mais avant d’envisager un prélèvement d’ossement, un certain nombre de conditions doivent être remplies. Il faut, en premier lieu, que les restes ne soient pas mélangés à d’autres corps ce qui se produit quand plusieurs personnes sont enterrées dans la même concession, en pleine terre. Cela suppose des archives funéraires bien tenues pour obtenir cette information.
Ensuite, avoir l’accord de descendants.
Dans bon nombre de cas, la première condition a été remplie. Pour la seconde, Sine Dolo se heurte à des difficultés juridiques ou administratives : accord des conservateurs, autorisation du Procureur.
Le squelette repose désormais à Brest
Malgré les fortes présomptions qu’il s’agisse de Mongez, la preuve formelle n’a pu être apportée à ce jour. Un lieu de sépulture devait pourtant être trouvé à celui qui est encore « l’inconnu de Vanikoro ».
Après avoir été exposé au Musée de la Marine à Paris, le squelette est oublié, pendant plusieurs années, dans les réserves d’un grand musée parisien. L’historien brestois Alain Boulaire sensibilise alors les autorités pour qu’il ait une sépulture à Brest, port de départ de l’expédition.
Le Ministère de la Marine inhume donc le corps, le 29 juin 2011, dans l’enceinte de la Préfecture Maritime, près du château-musée, sous une rose des vents, réalisée en plusieurs tons de marbre, par le sculpteur Joël Kerhervé. Il devient le symbole de tous les savants et marins morts en mer pour la France.
Sans troubler la quiétude des lieux, les visiteurs du musée peuvent apercevoir le monument, derrière une barrière métallique qui sépare le musée de la Préfecture Maritime.
- Le monument à la Préfecture Maritime de Brest
- (photo A.M. Guillot)
Sur la plaque de marbre du monument à la Préfecture Maritime de Brest, au milieu de la rose des vents, sont gravés ces mots :
MEMBRE DE L’EXPEDITION
DU CAPITAINE DE VAISSEAU
DE GALAUP DE LA PEROUSE
DECOUVERT A VANIKORO LE 22 NOVEMBRE 2003
EN HOMMAGE A TOUS LES MARINS ET SAVANTS
DES EXPEDITIONS SCIENTIFIQUES FRANCAISES
PERIS EN MER
INHUME SOLENNELLEMENT LE 29 JUIN 2011
REQUIESCAT IN PACE
- Au premier plan, dans l’enceinte du Musée, la plaque où figurent les noms des membres de l’expédition
Au second plan, dans l’enceinte de la Préfecture Maritime, derrière une barrière métallique,
la rose des vents sous laquelle ont été déposés les restes du mystérieux inconnu
(photo A.M. Guillot)
- Côté musée, le nom de l’Abbé Mongez figure parmi les disparus (Photo A.M. Guillot)
Alain Conan, président de l’association Salomon ainsi que le plongeur Jean-Pierre Folliard qui découvrit le squelette dans la faille de Vanikoro étaient présents à cette cérémonie, ainsi que le Préfet maritime, l’Amiral Anne-François de Saint-Salvy qui fit une allocution, l’amiral Jean-Louis Battet et le maire de Brest, François Cuillandre qui déposa une gerbe. Marc La Pérouse représentait la famille de l’illustre navigateur et Anne-Marie Guillot celle des descendants de Jean-André Mongez et l’association Sine Dolo.
Les honneurs militaires ont été rendus avec des délégations des bâtiments La Pérouse, Monge, Borda et Laplace. L’aumônier de la Marine se recueillit devant la pierre tombale et prononça un discours mais aucune bénédiction ne fut donnée.
Hervé Bédri, responsable de la gestion du patrimoine auprès de la Préfecture Maritime Atlantique, explique dans le Télégramme de Brest du 30 juin 2011 : « L’inconnu a été placé dans un petit cercueil construit par l’atelier menuiserie du service logistique de la Marine. Nous y avons déposé sa seule carte d’identité, le résultat de l’analyse ADN et un tube contenant du sable prélevé sur le site de l’épave à Vanikoro et des perles de verroterie offertes par l’expédition aux populations indigènes ».
Sources :
- Dans Généanet, consultez l’arbre de la famille Mongez réalisée par Sine Dolo à l’identifiant amguillot. Contact : guillot.anne-marie chez wanadoo.fr
- Biographie de l’Abbé Mongez réalisée par Sine Dolo dans Wikipedia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Andr%C3%A9_Mongez
- L’Association Sine Dolo