On apprend ainsi qu’une césarienne a été réalisée post mortem, l’enfant ondoyé, et que sans signe de vie, il a été replacé dans le ventre de feue la mère avant son inhumation.
Je curé de Chartrettes, soussigné certifie que le vingt trois du présent mois de juin je me suis transporté en lhotel de monsieur le président de La Fourelle pour y donner les secours de mon ministerre à Madame Marie Louise de Rochefour son épouse que j’ay trouvé agonisante sur les sept heures du soir, que la maladie augmentant et la souffrance se trouvant au moment de rendre le dernier soupir, j’ai été requis de la part de monsieur Bureau et du Sr Fauchon chirurgien à Melun de rester dans la chambre de la malade pour être témoin de l’ouverture que l’on en allait faire et ondoyer son enfant.
Je certifie que je l’ay ondoyé sous conditions en ces termes - si vivis ego te baptiso in nomine patris et croyant qu’il pouvait vivre sans avoir la force de me le prouver par quelques signes ; en foy de quoy j’ay signé le présent acte.
Franc curé
Je certifie de surplus que l’enfant dont il est fait mention dans l’acte précédent après avoir été ondoyé sous conditions a été remis dans le corps de sa mère qui a été inhumée ce jourd’huy vingt quatre juin 1762.
Franc curé
Registre de Chartrettres (77), 5Mi 774 1737-1769, vues 160-161/214.
Note : Selon son acte de décès rédigé le 23 juin 1762, Marie Louise Catherine Alexandre de Faoug de Rochefort était âgée de 29 ans. Elle était l’épouse de messire Baptiste Joseph Langlois de la Fourelle conseiller au Parlement de Paris et Président en la Chambre des Comptes.
Comme l’écrit l’historienne Mireille Laget (in Naissances, l’accouchement avant l’âge de la clinique), « en France, aucun texte officiel n’impose la césarienne, (...) mais lorsqu’il n’y a plus d’espoir pour la mère, c’est un devoir vis-à-vis de l’enfant que de lui donner ses chances ». C’est sans doute ainsi qu’il faut comprendre l’intervention du chirurgien pour extraire l’enfant du ventre de sa malheureuse mère. De plus, comme le précise Mireille Laget, le praticien se trouve confronté à un dilemme : « c’est à lui de prendre ses responsabilités dans ces moments difficiles, de décider à quelle minute il intervient, de convaincre l’entourage ». En ouvrant le ventre, ne va-t-il pas tuer la mère et peut-être même l’enfant ? La présence obligatoire du prêtre s’explique, elle, par l’urgence de donner au fœtus le sacrement libérateur ; « quelques minutes de vie matérielle lui permettront, homme baptisé, d’accéder à la vie éternelle ».
On note avec curiosité la pratique qui consiste à remettre l’enfant mort dans le ventre maternel, sans doute pour ne pas séparer dans l’au-delà la mère et le fruit de ses entrailles.
Cet ouvrage, étude inédite, se propose de vous faire découvrir quelques-unes de ces mentions insolites et de vous en montrer la richesse historique et généalogique. Il répond à bien des questions au sujet de ces textes insolites qui parsèment les registres paroissiaux : Pourquoi certains curés notent des mentions insolites ? Que nous apprennent-elles sur la vie quotidienne de nos ancêtres ? Comment repérer, déchiffrer, transcrire et commenter ces témoignages du passé ? Comment les utiliser pour compléter notre généalogie et l’histoire de notre famille ou de notre village ?
Il s’agit du premier numéro de Théma, la nouvelle collection d’histoire et de généalogie.