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Deux frères, prêtres réfractaires pendant la Révolution

Le jeudi 8 décembre 2016, par Annick Storey

Pendant les premiers mois de la Révolution, l’Assemblée Constituante réorganisa le clergé séculier et fit obligation aux religieux de prêter serment de fidélité à la Constitution civile du clergé. Ceux qui s’y opposèrent furent dits « réfractaires » ou « insermentés ». Ils furent bannis par le décret du 27 mai 1792 et en conséquence contraints à la clandestinité ou à l’exil. Leurs biens furent mis sous séquestre, voire vendus. Ceux qui s’avisaient de revenir étaient punis de mort.
Deux frères, François et Antoine Rojat, nés à Saint-Marcellin en Dauphiné, étaient prêtres et aucun des deux ne prêta serment.

François était chanoine prébendier de l’église St Maurice de Vienne. Le 27 novembre 1790, les révolutionnaires pénétrèrent dans l’église, détruisirent les objets du culte, chassèrent les prêtres et scellèrent les portes du sceau de la ville. François dû s’enfuir et gagna l’Italie avec son frère Antoine. Arrivés en Piémont, les fugitifs se séparèrent et François passa en Suisse.

Quelques années plus tard, le Concordat remit en cause la Constitution civile du clergé. Les prêtres exilés regagnèrent la France et signèrent des actes de soumission, acceptant la nouvelle organisation de l’Eglise. François promis fidélité à la Constitution le 29 Brumaire An IX (20 novembre 1800) et fut rayé de la liste des émigrés le 31 janvier 1802. Il mourut quatre ans plus tard à Saint-Marcellin.

Antoine était le curé de Roybon. Au début de l’année 1791, lors d’un prêche dominical, il se prononça vigoureusement contre la Constitution civile du clergé. La Garde nationale le fit mettre aux arrêts et le conseil du village le fit remplacer. Quelques fidèles alarmés vinrent en hâte le supplier de prendre la fuite. Le 11 avril 1791, il eut le temps de rédiger quelques mots de protestation dans le registre paroissial :

Le onze avril 1791, je, Curé de la paroisse de Roybon, déclare que je ne renonce nullement à mon titre et à ma qualité de Pasteur de cette Eglise ; je proteste formellement contre les décrets qui me dépouillent par la violence de mon bénéfice, comme aussi contre la nomination et l’institution anticanonique de mon prétendu successeur. Je me réserve expressément tous mes droits, juridiction et privilèges pour y rentrer et en jouir dans un autre temps et dans d’autres circonstances. Rojat, curé. [1]

Il se réfugia momentanément chez ses sœurs Louise et Marianne à Saint-Marcellin, espérant toujours pouvoir retourner à Roybon, et rédigea une émouvante et vibrante « Lettre à ses paroissiens » (15 mai 1791) [2] dans laquelle il exhorte ceux qui sont restés fidèles à l’Eglise de Rome de ne pas abdiquer. Ce très beau texte fut par la suite imprimé et diffusé. Dans le même temps, des mandats de prise de corps sont édictés contre certains citoyens, dont Louise Rojat, accusée d’avoir tenu chez elle des assemblées clandestines et d’y avoir lu ou fait lire des ouvrages contraires à la Constitution, et sa sœur Marianne qui est, elle aussi, contrainte à l’exil.

A nouveau traqué, menacé de prison, Antoine est contraint à la fuite. Il gagna la frontière italienne avec son frère François. Arrivé en Piémont, il se réfugia à Ivrée puis à Savigliano, et enfin à Turin où il arriva au début de l’année 1794. Il y mourut le 16 décembre de la même année, âgé de 45 ans seulement.

Sources : Aimée-Marie de Franclieu : « La persécution religieuse dans le département de l’Isère : de 1790 à 1802 », publié en 1904.


[1Archives Départementales de l’Isère

[2Bibliothèque de Grenoble, fonds Dauphinois

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2 Messages

  • Deux frères, prêtres réfractaires pendant la Révolution 10 décembre 2016 12:30, par Colette Boulard

    Sobre et clair. Où l’on voit bien ce que subirent deux hommes de conviction lors de la révolution. C’est sans doute impossible, mais il serait intéressant d’apprendre de quoi mourût si vite Antoine. Merci à vous.

    Répondre à ce message

    • Deux frères, prêtres réfractaires pendant la Révolution 12 décembre 2016 09:31, par MAZIERES Bernard

      A coté de Salviac,46340 existe la grotte de Pech Curet.Sa toponymie "Curet" n’a rien à voir avec "curé" mais signifie
      pech creux. Voici une 60/aine d’années,la résidente d’un ancien moulin situé en contre bas nous contait une visite émouvante.Des personnes (de Normandie,je crois ?)venaient
      faite connaissance des lieux.Un ancètre,prètre réfractaire
      (pas forcément à Salviac),se serait réfugié là.Ce qui
      suppose un soutien logistique.
      Il serait intéressant de savoir si,dans le bulletin de la Société des Etudes du Lot,quelqu’un aurait exploré cet
      épisode.
      P.S. Une chance sur 10.000:si,par hasard,cette information
      éveille un souvenir,merci de prendre contact. B. M.

      Répondre à ce message

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