Les sages-femmes.
C’est l’un des plus vieux métiers du monde dont la trace se perd dans la nuit des temps. Dans la Rome antique les « obstetricie medicae » étaient des praticiennes respectées.
Le terme sage-femme est déjà attesté sous cette forme en 1212 avec les variantes : « femme-sage », « sage-mère » ou « matrone ».
Au moyen-âge elles sont poursuivies par l’Inquisition. Ce sont des femmes issues de milieux populaires qui, de manière empirique, portent assistance aux paysannes. Le pape Innocent VIII dans le Malleus Maleficarum les assimile aux sorcières disant qu’elles "offrent les enfants de manière sacrilège aux démons".
Des temps plus cléments arriveront.
Sous l’Ancien régime sage-femme devient un métier payé par les communauté de villages pour leurs prestations sous l’égide des municipalités. En plus d’aider les femmes, elles ondoient les nouveaux-nés en état de danger de mort, recherchent le père pour les naissances illégitimes et déclarent les enfants à l’état civil. Elles jouent un rôle essentiel en aidant à donner la vie, mais bien souvent sans grandes connaissances médicales, leur savoir étant basé sur une transmission orale.
Une école à Strasbourg.
Strasbourg peut s’enorgueillir d’avoir eu la première école de sages-femmes de France, fondée par le médecin-accoucheur Jean-Jacques Fried en 1727, qui présidait aussi le jury chargé d’évaluer les compétences des futures sages-femmes.
Les conditions d’admission étaient les suivantes :
- être âgée de 19 à 30 ans,
- savoir lire et écrire,
- fournir un certificat de bonne et un certificat de bonne constitution, pay
- justifier de ne pas pouvoir payer son instruction.
On enseignait l’anatomie et la physiologie des femmes, l’hygiène des femmes enceintes et des nouveaux-nés, les maladies des femmes en couches, les différents types de grossesses, les accidents pouvant survenir aux accouchements, etc.
Pour les travaux pratiques par exemple, les élèves accompagnaient les maîtresses sages-femmes lors des accouchements des filles-mères hors de la Maison de Santé.
A la fin des cours, elles passaient un examen pour obtenir un certificat de capacité et paraissaient devant un jury pour obtenir leur diplôme afin de pouvoir exercer sous la tutelle des municipalités.
Et à Sélestat.
Sur un état du 5 mai 1796, on trouve les noms des « HewLann » (ou Hebamm), matrones de la cité : Ursule SCHLAHR, nommée en 1769, Marie Ursule GRAUS (1783), Marie Anne LABROUX (1775) et Anne STEYER (1775). Ce sont les premières sages-femmes "officielles" de la ville.
Les quatre ont effectué leur formation à Strasbourg et ont donc reçu un enseignement solide. Elles furent validées pour la ville par le docteur Kübler. Mais il leur fallait prêter serment à la Constitution et jurer de se conformer à la loi.
En 1793, Ursule KEHLER qui s’y est refusée fut sommée "de ne plus continuer son dit métier sous peine d’être déportée de la ville à dix lieues des frontières et éprouver le sort de toute personne suspecte."
Certaines outrepassaient leurs prérogatives comme en 1697 où le médecin André Heffter prie le Magistrat d’empêcher Marguerite ROTH "de se mêler des affaires de médecine". Elle demandera pardon au médecin promettant "qu’elle ne se meslera à l’advenir que de ce qui est de sa profession de sage-femme."
Leur activité était importante et pas toujours bien payée, mais elles étaient écoutées. Séance du Conseil du 12 juillet 1823 :
« Le Conseil vu la pétition présentée par les nommées Steyer, Frey, Lux et Saur, les quatre sages-femmes de cette ville, par laquelle après avoir exposé que l’exercice de leurs fonctions devient chaque jour plus pénible, qu’elles se trouvent fréquemment appelées pour accoucher des femmes indigentes et même des filles auxquelles elles donnent leurs soins, sans pouvoir prétendre au moindre salaire pour leurs peines et pour leurs veilles ; elles supplient le Conseil de vouloir bien leur accorder une légère indemnité sur les fonds de la Caisse communale. »
Le Conseil tiendra compte de la requête et la trouvera juste, considérant que les 1800 francs affectés au Bureau de charité sont trop restreint, mais qu’il accorde un crédit de 200 francs "pour être ladite somme partagée chaque année entre les quatre sages-femmes dénommées."
Aujourd’hui le diplôme de sage-femme sanctionne cinq années d’études sérieuses, les amenant à être les partenaires des médecins. C’est un difficile mais beau métier qui donne la vie en aidant les femmes à accoucher dans les meilleures conditions.
Depuis 1980, mais seulement dans la proportion d’environ 3% (2017), la profession est ouverte aux hommes. On a proposé « sage-homme », « matron » (sur le féminin matrone), « maïeuticien » ou « maïeutiste » ou « parturologue », termes finalement écartés par l’Académie Française au bénéfice de... "sage-femme" pour les deux sexes malgré la bizarrerie de l’expression appliquée à un homme.
Les bourreaux.
Chaque cité d’importance entretenait un « Scharfrichter » (bourreau). Heureusement ce métier n’existe plus. Deux anecdotes :
Bénédic RUEFF.
Né vers 1753 dans le Bade-Wurtemberg et décédé à Sélestat le 8 novembre 1809, il exerçait dans cette ville. Marié deux fois, il eut beaucoup d’enfants. En 1788, veuf, il projette de sa marier avec Marie Anne JOHNER, fille de bourreau.
Nous avons en archives une lettre de lui, bien écrite, où il demande « la grâce de le laisser jouir de sa place, vu sa nombreuse famille et que jusqu’à présent il a bien fait son devoir... et tant pour lui que pour ses enfants. Le suppliant ne cessera par son zèle de vous donner, Messieurs, et à toute la bourgeoisie de cette ville toute la satisfaction possible. »
Il tenait donc à son travail et la cité le gardera en fonctions jusqu’en 1809.
Antoine RITTER.
Son cas est différent. Né en 1807, il était laboureur et « maître des basses-oeuvres. » Les exécutions étaient alors beaucoup plus rares, et il exerçait plutôt des tâches d’intérêt général comme l’équarrissage des charognes, le curage des latrines, le nettoyage des égoûts, l’abattage des chiens errants etc.
En mai 1827 il envoie une requête au sous-préfet, transmise au Conseil de la cité, par laquelle il demande une rétribution fixe et annuelle pour ses services.
Il expose que « plusieurs fois par année et régulièrement pendant les jours caniculaires il est tenu à un service qui emploie la plus grande partie de son temps, étant dans l’obligation de parcourir les rues pour abattre les chiens errants, ne jouissant pas des mêmes avantages dont ont joui ses prédécesseurs ; il croit de toute justice qu’il soit rétribué de ses peines par un salaire. »
Le Conseil répondra que, considérant que ses prédécesseurs jouissaient d’un logement et de terrains, en outre le prix qu’ils recevaient pour chaque exécution, jouissance qui a cessé depuis de longues années, et qu’en raison des services qu’il rend dans l’intérêt de la salubrité publique, tels que d’enlever les bêtes mortes, de les enfouir et de vaquer à la poursuite des chiens errants, opérations qui le distraient de ses propres affaires, « il paraît équitable de lui voter un traitement annuel en indemnité. »
On vote alors un crédit additionnel de la somme de 50 francs payables sur les fonds de la ville, qui seront repris et successivement votés au budget de la cité à dater de celui de 1828.
Ah ! quel drôle de métier était donc celui de bourreau !
Les garde-clochers.
Encore un vieux métier qui n’existe plus ! Mathias HEILER, né vers 1778, époux de Geneviève SCHELBLE était journalier. Vers 1820, la ville de Sélestat lui propose le poste de "garde-clocher" à l’O,église Saint-Georges.
C’est un poste important. Il faut entretenir les cloches et la salle où elles se trouvent. Les cloches rythment alors la vie quotidienne tant profane (indication des heures, glas...) que sacrée (matines, angélus, messes, vêpres, baptêmes, mariages, enterrements).
On les utilisait aussi comme système d’alerte d’un danger avec le tocsin, d’une incursion ennemie ou de tout autre événement important. L’électricité n’était pas installée et il fallait monter dans la tour plusieurs fois par jour. Après formation par son collègue expérimenté, il apprend comment "sonner" en diverses occasions. D’abord les heures (un coup par heure, en allant de 1 à 12, parfois en deux séries de corps, le "pic" et le "repic") puis les sonneries plus compliquées.
Il y a 6 cloches. Quatre sont au même niveau et servent au titre de tintement et de la "grande volée", actionnées par les trous de cordée. Deux clochettes se situent plus haut.
Sa vie bascule.
Le 2 janvier 1825 arrive l’accident. Le battant de la grosse cloche se détache, pour une raison inconnue, et tombe sur le pied de notre sonneur. Le lourd objet met son pied en morceaux, et il pousse un cri de douleur qui alerte son collègue.
La municipalité est prévenue. Le lendemain, le Maire écrit au sous-préfet pour l’informer du « malheur arrivé le 2 de ce mois au sieur Heiler, garde du clocher, qui a eu le pied entièrement fracassé par la chute du battant de la grosse cloche de l’église Saint-Georges au moment où il sonnait pour annoncer l’office divin. »
Il demande d’entériner la décision du Conseil de continuer à verser au sonneur son salaire (400 francs) pendant tout le temps que son état l’empêchera de reprendre son service et d’imputer cette somme au chapitre des dépenses imprévues.
Il fallait aussi pourvoir au remplacement provisoire pour conserver l’effe ctif de deux sonneurs.
On considère qu’il est peu aisé, qu’il a une famille pour laquelle il est hors d’état d’assurer la subsistance, et qu’il a toujours donné satisfaction dans son service. On lui conserve donc son salaire et on vote un crédit pour le remplaçant.
On ne sait pas s’il reprit cette activité, mais cela l’aidera à assurer son existence, celle de son épouse et de son fils, Aloyse, qui partira plus tard faire son service militaire en Algérie comme courrier au 5e régiment, et qui trouvera la mort à Oran à l’âge de 21 ans par suite d’affection scorbutique et diarrhée chronique.