Jean-Louis Gérentes est né le 8 août 1811 à Saint-Julien-Chapteuil, lieu-dit de Bar (ou Bard), de Jean-Claude Gérentes, laboureur, et de Françoise Souchon, native de St-Hostien, lieu-dit Le Fournial... Son parrain est Jean-Louis Souchon, aïeul maternel, de souche yssingelaise, venu se marier avec une demoiselle Philibert, famille souche du lieu du Fournial, Saint-Hostien [1]. Sa marraine est Marie Gérentes, tante paternelle de Coraz, Lantriac, près de St-Julien-Chapteuil.
Pour son père, il s’agit d’un troisième mariage : le premier avec Marie-Rose Bouchet en 1803 (elle décède en 1804) ; le second avec Marianne Richaud en 1805 (elle décède en 1806). On lit sur les tables de successions du canton de St-Julien-Chapteuil que ce père, décédé en septembre 1839, laisse à sa veuve Françoise Souchon des valeurs et revenus d’un montant de 350 et 180 (francs ?) à Bard. Au décès de Françoise (en avril 1854) il n’y aura rien à déclarer.
Marianne Joubert est née le 27 décembre 1810 à Saint-Hostien, lieu-dit de Valogères, d’Etienne Joubert, cultivateur, et d’Anne-Marie Besson, tous deux natifs de ces lieux, Valogères et le Foron. Elle est alors prénommée Jeanne-Marie, mais pour les actes suivants (mariage, décès, certaines naissances des enfants, ce sera Marianne). Son père signe. Elle a une importante fratrie, ainsi que ses parents. D’ailleurs, au fil des actes, tous confondus, et des décennies, on voit bien que toutes les familles de Saint-Hostien sont intimement imbriquées, avec un apport ponctuel des communes proches. Même les remariages se font souvent avec des veufs ou des veuves de la parentèle par alliances.
Ils se sont mariés le 2 février 1836 à Saint-Hostien. A cette date, l’époux est employé depuis plus d’un an comme domestique (agricole) au lieu du Champ (château), Saint-Hostien.
L’épouse vit avec sa mère au lieu-dit le Moulin du Faure [2]. Son père est décédé depuis 1831.
Témoins le père Jean-Claude Gérentes, 68 ans, demeurant toujours au lieu de Bar à Saint-Julien-Chapteuil ; Soulon Michel, 79 ans ; Autin François, 78 ans ; Anjolvi Jean-Pierre-Barthelemy, 33 ans.
Je précise ici pour se représenter plus aisément les lieux et les coutumes d’endogamie d’alors que ces familles passées, présentes et à venir sont issues, puis installées -de souche ou par alliances- dans un périmètre incluant Saint-Julien-Chapteuil, Saint-Pierre-Eynac, Saint-Hostien, plus quelques rares « apports » d’Yssingeaux.
Au fil des recensements, nous constatons que ce couple demeure encore dans son périmètre :
En 1846 (premier recensement nominatif), à Valogères ; En 1851, tout à côté, au Fauron, où en janvier 1846 Marie Besson, la mère de Marianne (ou Jeanne-Marie) Joubert, est décédée – veuve d’Etienne Joubert décédé en juillet 1831. Est-ce la « place libérée » qui va faire installer notre couple au Foron ? Se sont-ils arrangés avec la fratrie de Marianne ? Les voici en tout cas avec leurs six enfants : Louis, Pierre, Claude, Etienne, Jacques et André.
En 1861, au Fauron avec Claude, Jacques et André. On ne voit ni Louis (25 ans) ni Etienne (18 ans) dans la commune, ni dans les communes limitrophes. Sont-ils à l’armée ? Par contre, on relève la présence d’une cousine germaine, Marie Gérentes, domestique chez Soulier à la Pénide. Or, on retrouvera deux alliances Soulier avec « nos » Gérentes.
Pierre, 23 ans, est aubergiste au bourg de Saint-Hostien, depuis son mariage avec Marthe Gibert, 39 ans, en avril 1860 : elle était veuve Oubrier, aubergiste. Ce couple vit avec leur fils de 11 mois, Pierre, et la fille de Marthe, 13 ans (née en août 1848) ainsi qu’un domestique, Antoine Delau.
En 1866, le Fauron : Jean-Louis (prénommé couramment Louis), cultivateur, 55 ans et Marianne, sa femme, 56 ans. On retrouve Etienne, fils, 23 ans et André, 16 ans.
Louis, 30 ans, est domestique cultivateur au bourg, avec son frère Pierre, 28 ans, cultivateur, et le fils de celui-ci, autre Pierre, chez Jules Gouy marié a Sophie Oubrier. Pierre aurait-il revendu ou loué son auberge ? Ou, plus vraisemblablement, appartenait-elle déjà à Jules Gouy de moitié avec feu Oubrier son beau-frère [3] ?
Claude, 25 ans, habite Ouillon, marié à Rose Gagne, 30 ans. Ils ont un enfant de 3 mois, Sophie, et vivent avec la mère de Rose, Sophie, 60 ans.
Jacques, 21 ans, est domestique à La Maure, avec deux autres, chez Etienne Chapuis et Thérèse Morison qui abritent leur mère, Marie Richard, veuve.
En 1872, le Fauron : Jean-Louis Gérentes est veuf de Marianne Joubert, décédée en juin 1871 au même lieu. Il vit avec Jacques, son fils, cultivateur, 27 ans et André, cadet, 22 ans.
Pierre, cultivateur, 34 ans, veuf, et son fils 12 ans. Sa femme, Marthe Gibert, est décédée en septembre 1865.
Sur les tables de successions, Marianne Joubert laisse pour 60 et 35 (francs ?) de valeurs et biens.
Louis n’apparaît nulle part, sans doute parti après 1866 vers de « meilleurs » horizons, car aucun décès non plus.
Etienne n’ apparaît pas non plus ici.
Claude, 32 ans, veuf de Rose Gagne, cultivateur, vit avec Sophie Soulon sa belle-mère, veuve Gagne, à Ouillon, avec sa fille Gérentes Sophie, 6 ans, et son fils André, 4 ans.
On remarque que les familles Gravy, Reymond, Oubrier, Joubert, de L’Hermet et Valogères, sont déjà bien imbriquées, sans doute depuis longtemps !
En 1876, Le Fauron : Jean Louis, cultivateur, 66 ans et Etienne cultivateur 33 ans, fils. Ils vivent avec Thérèse Marcon, veuve, 55 ans, parenté côté Joubert, née a Saint Front et mariée à Araules en février 1841 avec un Etienne Joubert ; Marianne Marcon sa nièce, 22 ans ; Pierre, cultivateur, 37 ans et André son neveu, fils de son frère Claude, 9 ans, et donc petit fils de Jean-Louis.
Au bourg : Claude, cultivateur, 35 ans et Marcon Marie sa femme ; Mélanie leur fille d’un an. André, clocheron [4], 26 ans et Malosse Rosalie sa femme 27 ans, leurs fils Louis, 2 ans et Jean Claude, 6 mois.
Jacques est à la Chaud de Valogères, cultivateur, 31 ans, et sa femme, Charbonnier Marie, 29 ans ; leur fils Joseph, 2 ans et leur fille Elisa, 11 mois. Avec eux, Charat Rosalie, domestique. Nous y voyons également Reymond Pierre, cultivateur, 40 ans et Gravy Henriette sa femme, 35 ans, plus leurs six enfants. Veuve, Henriette Gravy se remariera avec Pierre Gérentes.
En 1881, pas de recensement nominatif.
En 1886, Jean-Louis Gérentes ne figure plus, puisque décédé en août 1885 au Foron, décès déclaré par son fils Pierre, 47 ans, cultivateur au Foron et Jules Gouy, 42 ans, aubergiste au bourg de Saint-Hostien.
Pierre, 48 ans, cultivateur, vit donc au Foron, avec sa seconde épouse, Henriette Gravy, 45 ans et Maria (Marie) leur fille (sans âge). Plus aucun des six enfants d’Henriette recensés en 1876.
Claude, 45 ans, est alors à L’hermet, maçon, avec sa femme Marie Marcon et leurs enfants Etienne, 6 ans et Léonie, 8 ans.
Au bourg, Pierre, fils d’autre Pierre et de défunte Marthe Gibert, ouvrier, célibataire, noté par erreur beau-frère, alors qu’il s’agit du fils et non du père, de Jules Gouy, aubergiste.
Jacques est cultivateur aux Rouchas [5], 41 ans, avec sa femme Marie Charbonnier, 40 ans, et leurs enfants Joseph, 12 ans ; Elisa, 10 ans ; Rosalie, 8 ans ; Marie, 6 ans.
Pas de recensement nominatif en 1891 et pas de recensement du tout pour 1896.
Et voici 1901, le vingtième siècle. L’état des lieux a-t-il changé ?
Pierre est toujours au Foron, maçon, avec Henriette Gravy, 60 ans, sa femme, leur fille Marie, 22 ans, dentelière, dont le patron est un M. Vigouroux. On retrouve deux des fils du 1er mariage d’Henriette : Reymond Joseph, 26 ans et Reymond Reymond (sic !) 22 ans.
Au bourg, Marie Marcon, 50 ans, veuve de Claude Gérentes, décédé en juin 1900 audit lieu, vit avec ses enfants Léonie, 23 ans et Etienne, 21 ans, ouvrier menuisier chez Jacques Chapuis. Est-ce-là le fils ou le frère d’Etienne Chapuis, patron de Jacques en 1866 ? En tout cas un parent.
Donc, à cette date, 1901, le couple Jean-Louis Gérentes et Marianne Joubert est décédé depuis 16 et 30 ans déjà. Sur leurs six enfants :
- Louis n’a jamais réapparu après 1866.
- Claude est décédé en 1900.
- Etienne disparaît après 1876.
- Jacques est parti pour Saint-Etienne, dans la Loire, comme nous allons le voir.
- André est parti à La Ricamarie [6], dans la Loire également.
- Puis, Pierre décèdera en mars 1904.
Le couple Jean-Louis Gérentes / Marianne Joubert aura donc eu six enfants comme suit :
L’aîné, Louis, né le 5 novembre 1836 au Moulin du Faure. Là, sa mère se prénomme Jeanne-Marie. On n’a aucune trace d’un éventuel mariage le concernant par la suite. Il figure sur le recensement de 1846 (très fantaisiste à bien des égards et dont il faut se méfier !) avec ses parents et ses frères à Valogères. Or, certains ne sont pas encore nés, ce qui montre bien que ce recensement a été monté quelques années après 1846 avec les données contemporaines !!! Je m’en étais déjà aperçue en étudiant la famille Choumouroux de Riouffrait, aussi lieu-dit de Saint-Hostien.
Le recensement de 1851 le dénombre également, toujours chez ses parents, au Fauron (il a alors 15 ans) mais pas en 1866, ni ultérieurement. Le recensement de 1856 n’existe pas. En 1864 cependant, il est témoin au mariage de son frère Claude et habite toujours au Fauron. A-t-il été s’installer ailleurs par la suite ? Probablement. Reste à savoir où, peut-être « en ville » comme cela commençait à se faire, mais aucun mariage ne vient aiguiller la recherche, et pas de décès non plus dans les endroits susceptibles de nous fournir des indications.
Jean-Pierre, né le 6 octobre 1838 au lieu-dit de l’Hermet, toujours Saint-Hostien. Ce lieu, ainsi que pour la naissance suivante, laisse supposer un travail de journalier ou à bail avec habitation sur les lieux exploités. La mère est bien prénommée Jeanne- Marie là encore. Mais l’âge des parents diffère de plus ou moins cinq ans ! Vérifications faites [7] ce sont pourtant bien eux). Jean-Pierre sera vite prénommé Pierre, déjà sur le recensement de 1846 à Valogères (dit âgé de 8 ans alors qu’il en avait trois ! Mais on sait ce qu’il faut penser de ce recensement) ; sur celui de 1851 au Fauron avec l’âge de 13 ans, ce qui est juste.
Puis le recensement de 1861 le porte au Bourg de Saint-Hostien, 24 ans, aubergiste, marié à Marthe Gibert, 39 ans ; la fille de celle-ci, Sophie Oubrier, 13 ans, et un domestique, Antoine Delau. Le couple a un fils, Pierre, 11 mois.
Pierre et Marthe se sont mariés en avril 1860 à Saint-Hostien, avec contrat de mariage. Elle est veuve Oubrier, aubergiste. Le nouvel époux reprend donc l’auberge.
Marthe décédera en septembre 1865, décès déclaré par Jacques Chapuis, cultivateur à Valogères, beau-frère (de son côté) et Gérentes Louis, cultivateur au Foron, beau-frère [8]. Nous retrouvons donc encore là une trace de Louis.
En 1872, Pierre est dit cultivateur au Fauron, (35 ans), avec son père [9] et non plus aubergiste. A-t-il loué ou vendu à Jules Gouy qui figure désormais comme aubergiste, l’auberge qui paraissait leur appartenir pour moitié ? Son fils Pierre a 12 ans.
Ce fils se mariera en avril 1887 avec Pal Sophie, lieu du Monteil [10]. Parmi les témoins à ce mariage, Pierre Devidal, instituteur public, beau-frère de l’épouse. Le registre matricule, classe 1880, au Puy, ne porte d’ailleurs que cette adresse du Monteil, en 1887. Libéré des obligations militaires en 1906, il est donc décédé après cette date.
Le 15 avril 1917, c’est le décès de son fils Pierre-Marius-Adrien, (petit fils de notre 1er Pierre) « mort pour la France » le 20 août 1916 dans la Somme, qui est retranscrit au Monteil. Ce fils était né en février 1894 au Monteil, et dans son registre matricule, classe 1914, au Puy, il est noté comme profession « garçon d’hôtel ». Ses parents sont apparemment toujours en vie lors de son décès. Et en effet, nulle trace des décès de son père Pierre Gérentes et de sa mère Sophie Pal jusqu’en 1932, soit environ âgés de 72 ans. Curieux, mais pas impossible. Le soldat Pierre-Marius-Adrien avait aussi été grièvement blessé en février 1915 sur le Front de Lutzingën.
En 1874, « notre » Pierre est témoin au second mariage de son frère Claude avec Marie Marcon.
Sur le recensement de 1876, au Fauron, 37 ans, toujours avec son père. Son fils n’est plus présent, mais un neveu, André, 9 ans (fils de son frère Claude ; il décédera en juillet 1882). En plus de son frère Etienne vivent avec eux Thérèse Marcon, ménagère, 55 ans, qui était née à Saint-Front vers 1821 (peut-être 1825) et avait été mariée à Araules en février 1841 avec un Etienne Joubert [11], et sa nièce Marie-Anne Marcon, 22 ans.
En 1886 [12] nous voyons Pierre, cultivateur et Gravy Henriette, sa seconde femme, avec qui il s’était marié en mai 1885, au Fauron, avec Maria (Marie-Mélanie) leur enfant, née en septembre 1880. Elle avait alors été déclarée de père inconnu [13] puis reconnue lors du mariage, soit cinq ans plus tard ! Mais il est possible aussi que cette enfant ne soit pas réellement fille de Pierre !
Le père, Jean-Louis, est décédé en août 1885. Pierre est l’un des déclarants, ainsi que Jules Gouy, aubergiste à Saint-Hostien.
Sur les tables de successions [14], Jean-Louis Gérentes, cultivateur au Foron, ne laisse aucun compte, mais un certificat d’indigence.
Pierre s’est donc remarié, en mai 1885 à Saint-Hostien, avec Henriette Gravy.
On les retrouve en 1901 au Foron, lui 62 ans, maçon ; elle 60 ans. Marie, 22 ans, leur fille, dentelière, avec pour patron Vigouroux [15] ainsi que Joseph (prénom) Reymond, 26 ans, et Reymond (prénom) Reymond (sic !) 22 ans, fils de ladite Gravy, veuve d’un premier mariage.
Marie (Mélanie) se marie en mars (ou mai selon les internautes) 1909, donc âgée de 29 ans, à Paris (oui !) avec Raoul Pauhlac [16] et décédera en février 1960 à Cachan [17], proche banlieue de Paris à l’âge de 80 ans. Avait-elle connu son mari par le commerce de la dentelle ? On n’en saura pas plus sur ce couple car les archives en ligne de Paris ne vont que jusqu’en 1902.
Henriette décédera en juin 1907. Pierre, lui, l’était déjà depuis mars 1904, tous deux au Fauron. Marie (Mélanie) était donc tout à fait orpheline depuis 2 ans lorsqu’elle partit se marier à Paris.
J’ai plus longuement détaillé le parcours de Pierre puisque c’est lui qui, en définitive, restera au Fauron. D’après les tables de succession, il est noté sans profession à son décès et il est seulement fait mention d’une « cession » en juin 1904 à son épouse. Cession de quoi ?
Claude aussi est resté attaché à Saint-Hostien, marié deux fois suite veuvage, comme son frère Pierre. Premier mariage donc en août 1864 avec Marie-Rose Gagne. Ils auront Marie-Sophie, en février 1866, habitant alors Ouillon ; puis André, en octobre 1867. Ce dernier décédera en juillet 1882. La mère, Marie-Rose Gagne, est décédée en août 1868 à Ouillon, décès déclaré par Claude son mari et par Jacques Charra, cultivateur et voisin.
Second mariage : avec Marie Marcon, en juillet 1874. Les témoins seront ses frères Pierre et André, puis le frère de l’épouse, mineur à La Grand-Croix [18] qui sera aussi déclarant au décès de Claude en juin 1900. Comme quoi on avait bien des moyens de transport à ce moment-là ! [19].
Le couple aura Marie-Nathalie, en avril 1876, au Bourg, qui mourra en mai 1877. Puis Marie-Léonie, en juillet 1878, décédée en février 1907. Elle s’était mariée en janvier 1905 avec Jean-André Soulier, scieur de long.
Et puis Etienne, né en février 1880, au Bourg, qui, menuisier à Saint-Hostien, se mariera en avril 1904 avec Marie -Rosalie Gras et sera témoin au mariage de sa sœur Marie-Léonie. Il avait été déclarant au décès de son père en 1900. Ce père qui, bien qu’inscrit sur les tables de succession : Claude, profession maçon, n’a aucune mention de legs ni quoi que ce soit portée à son égard.
La mère, Marie Marcon, décède en avril 1905 (deux mois après le mariage de sa fille) décès déclaré par Etienne son fils, 25 ans, menuisier au bourg. On voit sur l’acte que Jules Gouy, l’aubergiste, est devenu maire.
Puisque Louis et Etienne n’ont plus donné signe de vie, que nous venons d’étudier le parcours de Pierre et de Claude, qu’André a fait l’objet d’une étude à part puisqu’il s’agit de mon ancêtre direct, voyons maintenant le déroulement de la vie de Jacques :
En 1851, le recensement le nomme Jean alors qu’il s’agit bien de Jacques, 6 ans. En 1861, 16 ans, il vit au Foron avec ses parents. En 1866, 21 ans, nous l’avons vu à La Maure, domestique-cultivateur. En 1872, 27 ans, il est revenu au Foron.
En 1873, il se marie à Queyrières avec Marie Charbonnier, du Fournial, et nous retrouvons ce couple en 1876 à La Chaux de Valogères [20]. Lui 31 ans, sa femme 29 ans. Ils vivent avec leur fils Joseph, 2 ans, et leur fille Elisa, 11 mois, plus une domestique, Charat Rosalie, très probablement parente à Charra Jacques de Valogères qui avait déclaré le décès de Marie-Rose Gagne.
En 1886, le couple vit au Rouchas [21] : Jacques 41 ans, cultivateur, sa femme Marie Charbonnier 40 ans, et leurs quatre enfants : Joseph, 12 ans (né en septembre 1874) ; Elisa, 10 ans (née en janvier 1876) ; Rosalie, 9 ans (née en novembre 1877, jumelle de Marie-Eugénie décédée quelques jours après sa naissance) ; Marie-Thérèse, 6 ans.
Et voici qu’en 1901, on ne les voit plus ! Oui, mais...
Dans un relevé de site généalogique, je trouve, ô miracle, le mariage de Joseph, avec Jeanne Jamet, ouvrière en soie (comme la plupart des filles « de la ville » à leur mariage) en avril 1902 à Saint-Etienne ! L’époux est ouvrier mineur [22] au Pont de l’Ane.
C’est ainsi que réapparaît mon couple Jacques Gérentes, mineur également et Marie Charbonnier, installés au lieu-dit « le Pont de l’Ane » à Saint-Etienne !
Jamais je n’aurais pensé qu’à son âge, plus de 41 ans puisqu’il a cet âge en 1886 et je pense qu’il n’a pas attendu d’en avoir beaucoup plus pour « descendre à la mine », lui aussi, saute le pas ! [23]. Moi qui les voyais « ronronnant » à Saint-Hostien dans leur quotidien certes improbable mais tellement rassurant pour ces lignées d’agriculteurs ! Quel courage ! Quitter ces terres en plein air, cette sécurité des siens, cette relative liberté, pour se retrouver à des centaines de mètres sous terre, seuls, à la merci d’accidents terribles, souvent mortels et dans un milieu parfaitement inconnu ! Même si souvent, quelques membres de la famille, de la parenté, étaient partis avant eux et les accueillaient. Rappelons par exemple qu’André était déjà descendu entre 1879 et 1881 à La Ricamarie.
Nous apprenons, en recherchant le décès de Jacques, celui de Marie Charbonnier en juillet 1909 à Saint-Etienne, dans son domicile au 41 rue Tiblier Verne [24], veuve de Jacques Gérentes. Le déclarant est Claude Soulier, employé à Saint-Chamond [25], son gendre. Donc marié à l’une des trois filles, mais laquelle ? Notons que les deux cousines germaines [26]. Le décès de Jacques devrait donc se situer entre avril 1902 et juillet 1909 à Saint-Etienne. Et en effet, son décès intervient le 24 janvier 1907 à Saint-Etienne, dans son domicile au Pont de l’Ane (sans précision d’adresse) : mineur, 62 ans ; déclaré par son fils Joseph, 39 ans, (en fait 33 ans) mineur au Pont de l’Ane et Claude Soulier, 38 ans, employé à Saint-Chamond.
Joseph décédera en 1928, âgé de 54 ans.
Celle des filles mariée à Claude Soulier, c’est Elisa, née en janvier 1876 à Saint-Hostien. Le mariage a lieu en décembre 1896 à Izieux [27]. L’époux, né à Saint-Hostien en juillet 1868, est marchand de vin à Saint-Chamond. Or, l’un des témoins est Jean-André Soulier, le mari de Marie-Léonie (fille de Claude Gérentes) et frère dudit Claude Soulier. Les parents de l’époux ont consenti par acte notarié chez Maître Blanc, de Lantriac [28] et sont restés chez eux, sans doute vu leur âge, et peut-être fatigués : 70 ans pour le père mais 53 ans seulement pour la mère.
L’épouse est ouvrière en soie, demeurant à Ocharra, commune d’Izieux, depuis plusieurs années, avec ses parents.
Elle décédera en janvier 1953 à la Ricamarie, couturière.
Joseph, lui, aura un fils en 1907, prénommé Jacques, qui se mariera avec Jeanne Lafond, et décédera en 1937.
Marie-Elisabeth, née en octobre 1886 au Rouchas [29] se mariera à Saint-Chamond en décembre 1909 avec Antoine Blanc, aura une fille, Elise, en 1912 qui se mariera avec Emile Blondeau (où et quand ?) et mourra en 1986 à Toulon, puis sera inhumée à la Ricamarie. Je ne trouve nulle part l’acte de naissance d’Elise, dont seule l’année est mentionnée, ni son mariage, trop tardif pour figurer en ligne sur les registres ou relevés.
Ainsi, grâce au mariage d’Elisa, nous apprenons que le couple Jacques Gérentes – Marie Charbonnier est « descendue » dans la Loire entre la naissance de Marie-Elizabeth en octobre 1886 (elle ne figure pas sur le dernier recensement de 1886, qui a sans doute eu lieu en fin d’année) et quelques années avant 1896.
Cependant, ils ne figurent pas sur le recensement d’Izieux en 1891, où l’on rencontre sur celui de Saint-Etienne, au Pont de l’Ane, une famille Charbonnier : Jacques, 40 ans, voiturier ; Sahuc Victorine, 35 ans, épouse ; Antonine, leur fille, 21 ans et Gerinte (pour Gérentes comme plusieurs fois orthographié dans la Loire) Joseph, 47 ans, voiturier, neveu (né vers 1844, donc sans doute un cousin germain de Jacques né en 1845). Il y avait donc déjà eu alliances Gérentes-Charbonnier.
En 1894, nous avons le registre matricule de Saint-Etienne qui nous renseigne sur le lieu d’habitation de Joseph-Louis et de ses parents : Izieux.
Physiquement, il a les cheveux et les sourcils bruns, les yeux bruns, le front ordinaire, le nez moyen, la bouche moyenne, le menton à fossette (relevé chez plusieurs de mes ancêtres de différentes lignées), le visage ovale. Taille 1,61m.
Il est incorporé au 151e Régiment d’Infanterie [30] puis au 102e (territoriale) et au 38e (réserve). Profession mineur. Ajourné en 1895, propre au service en 1896, soutien de famille en novembre 1897 (pour quelle raison ?) avec certificat de bonne conduite. Sa dernière adresse notée sur la fiche est au Pont-de-l’Ane (Saint-Etienne) en 1898.
La fourchette de la migration de ses parents se resserre donc entre 1887 (ou fin 1886) et 1894, ce qui reste encore vaste ! L’étude complète du recensement d’Izieux en 1891 ne les mentionne pourtant pas. Voir La Grand-Croix ? Quel dommage que le recensement de Saint-Hostien 1891 soit global, et même pas par lieux-dits !
Il faut attendre le recensement de 1901 à Saint-Etienne pour retrouver notre couple au Pont-de-l’Ane, Maison Malécot, lui 55 ans, (56) mineur aux houillères (précision !), avec Marie Charbonnier, sa femme, 55 ans et leurs filles Marie-Thérèse, 20 ans (21) et Maria (Marie-Elisabeth), 15 ans. On sait que cette dernière s’est mariée, mais il faudrait poursuivre les recherches pour savoir ce qu’est devenue Marie-Rosalie. Et chercher un mariage sur les tables de Saint-Etienne sans le nom de l’époux (déjà que...) c’est chercher une aiguille dans une botte de foin !
Puis, rebondissement dans la « disparition » d’Etienne ! En recherchant un éventuel acte de décès sur tout le département et celui de la Loire pour tenter une énième fois de retrouver trace de Louis, l’aîné que l’on n’a pas revu depuis 1866 et de son cadet Etienne, vivant encore chez son père en 1876, je tombe sur un relevé de décès pouvant correspondre (nom, prénom et âge) dans la commune de Beaux, près de Retournac. Effectivement, il s’agissait bien du décès d’Etienne, dont l’acte est ainsi rédigé :
« Maire Antoine-Gabriel Roche. Déclarants : Adam Jean, brigadier de gendarmerie, 36 ans et Gardon Pierre, 28 ans, gendarme, demeurant tous les deux à Retournac, non parents du décédé : Gérentes Jean-Etienne, 42 ans, fils de défunts Louis et Joubert Marie, né à Saint-Hostien, voiturier, demeurant à Retournac, célibataire, est décédé le 22 juillet 1886 à cinq heures du soir à Malataverne », lieu-dit de Beaux.
Il va falloir désormais tenter de retrouver les circonstances de ce décès !
A défaut de trouver quelque article que ce soit à ce sujet (la mort a dû être naturelle, ce n’est pas la première fois qu’un décès est signalé « à tel endroit, sur des terres » concernant mes ancêtres, mais la troisième fois ; ces ouvriers travaillant, même malades, jusqu’à leur dernier souffle et mourant « sur scène »). J’ai pu avoir accès à l’acte d’inhumation :
Beaux, 24 juillet 1886, sépulture de (Jean) Etienne Gérentes, originaire de Saint-Hostien ; voiturier, célibataire, domicilié à Retournac. Décédé le 22, au Champ, paroisse de Beaux. Agé de 43 ans. Présents Michel Fraisse, Antoine Peyroche [31] ; Quelques parents et amis. Cottier, curé.
Trois réflexions me viennent à l’esprit :
1) Sur l’acte civil, il est question de Malataverne, et nous pouvons donc relier ce lieu du Champ, en effet, au lieu-dit de Malataverne, toujours commune de Beaux.
2) Ce lieu du Champ sera également habité par certains membres de la famille Malacher, dont le frère de Marie, Jean-Claude, avant qu’il ne descende à la Ricamarie. Or, vivant à la même époque, ces familles se connaissaient-elles ? (sauf pour Jean-Claude, né en 1883).
3) Jean-Etienne n’était pas coupé de sa famille ni isolé, puisqu ’assistent à cette inhumation parents et amis.
Et je me dis que, si tous mes efforts pour situer Louis sont à ce jour restés vains, il faut persévérer ! Mais toutes ces « trouvailles » ô combien exaltantes, sont le fruit de recoupements et de réflexions dont le résultat est rendu possible par l’étude simultanée de plusieurs sources : Les relevés d’associations généalogiques à but non lucratif de la Loire, de la Haute-Loire ; de la mise en ligne d’arbres par les internautes qui permettent, sinon de tomber sur la personne souhaitée, au moins d’en appréhender les possibilités de recherche, les pistes éventuelles sur une famille, et tout cela à concrétiser (ou pas, et là, grosse déception, mais ça vaut quand même mille fois la peine, tant est grand le plaisir de l’enquête !) enfin par une visite sur les sites d’archives départementales pour obtenir la preuve de ces hypothèses par des actes bien réels.
Et comme j’ai bien fait de persévérer dans mes investigations !
Alors que j’avais tenté de commencer l’étude d’un autre couple et d’oublier un peu « mon » Louis Gérentes, il n’y eut rien à faire, cela tournait à l’obsession.
Malgré des heures et des heures, des jours et des jours entiers à éplucher les actes de toutes natures, tant autour de Saint-Hostien que dans la Loire et même jusqu’au Rhône par la vallée du Gier où s’étaient déjà installées d’autres branches portant le même patronyme, les relevés généalogiques d’associations diverses, les recensements, les tables de succession... il avait bel et bien disparu. Personne n’avait étudié ou même laissé figurer son nom sur un arbre comme témoin, les relevés n’avaient pas dépouillé de nombreux lieux de résidence possibles d’après les actes, la presse restait muette, et mes propres recherches ne menaient à rien ! Or, ce cas est exceptionnel, on finit toujours, l’expérience venant, et un labeur acharné, par trouver un fil, si ténu soit-il, pour se raccrocher et découvrir une piste à explorer. C’est ce qui rendit le mystère encore plus tentant à résoudre. Après tout, j’avais bien fini par retrouver son frère Etienne ! Mais je pensais en définitive Louis resté aussi célibataire et décédé « inconnu », ce qui n’était pas rare dans les registres toutes communes confondues.
Alors, sans conviction mais « on ne sait jamais, si j’avais loupé quelque chose », je tape une seconde fois le prénom et le nom dans le moteur de recherche, qui n’avait fourni aucun résultat satisfaisant une première fois. Après plusieurs pages en effet sans intérêt, je poursuis tout de même et je tombe sur un extrait de phrase : « ...Gérentes Louis, 1874... » Ah, me dis-je, voilà une date qui pourrait bien parler !
Je me rends aussitôt sur le site Généalogie.com qui offre l’accès gratuit au premier acte demandé. Et là... je n’en crois pas mes yeux, les larmes m’en viennent ! Enfin !
Une fiche comportant le nom, prénom, noms et prénoms des parents, date et lieu d’une publication de mariage du 12 juillet 1874 à … Paris !
Il n’y avait plus de doute possible, et pourtant je voulais rester dubitative, ne pas m’affoler pour rien ! Mais comment cet indice avait-il pu m’échapper une première fois ? Fatigue, déconcentration, lassitude de tourner des pages de sites muettes sans pousser plus loin encore ? Et soudain, c’est comme si la personne nous adressait un signe...
Vite, les archives de Paris, qui me livrent bien le mariage souhaité, célébré en août, et d’autres détails.
Acte de mariage de Louis Gérentes et Catherine Louis du 8 août 1874 à Paris 18e arrondissement :
Epoux lampiste, 37 ans, né à Saint-Hostien le cinq novembre mil huit cent trente-six, demeurant rue Ernestine, n°5, en cet arrondissement. Fils de Louis Gérentes, cultivateur demeurant à St-Hostien, consentant par acte authentique et de Jeanne-Marie Joubert, décédée.
Et Catherine Louis, 40 ans, née à Damvillers (Meuse) le six mai 1834, couturière, demeurant idem. Veuve de Pierre Benoît Moreau (décédé en 1872) avec lequel elle s’était mariée en février 1866 (cet époux était alors âgé de 58 ans, elle 32 ans !) à Paris, 18e arrondissement (Elle habitait alors rue d’Oran, tout près de la rue Ernestine).
Fille de Louis Louis (oui) et d’Elisabeth Glandot, journaliers à Damvillers, consentant par acte authentique...
Légitimation de Marie, née à Paris le 2 janvier 1859, enregistrée à la mairie de l’ancien 12e arrondissement (les arrondissements actuels se formeront en 1860) registre 12e n° 361, comme fille de Catherine Citerne et de père non désigné. Reconnue par sa mère, la nommée Catherine Louis le 18 janvier 1866, registre 34 n° 196 du 18e arrondissement.
Et les questions se bousculent : Comment était-il possible de déclarer un enfant sous un nom d’emprunt sans le reconnaître ? Que devenait cet enfant ? Reconnue sept ans plus tard par sa mère (un mois avant le 1er mariage de celle-ci), et non légitimée par ce premier époux, Marie a été légitimée par Louis Gérentes lors du second mariage, soit quinze ans après sa naissance !
Quelles pouvaient être les raisons de ces comportements ?
J’ai rencontré plusieurs hommes dans ma généalogie qui ont « adopté » (mais on note « légitimé » sur les actes) des enfants de leur épouse au mariage, soit qu’ils les reconnaissaient alors - à tort ou à raison – comme les leurs, soit qu’ils n’en soient pas l’auteur. Et pour d’autres non, les enfants nés « d’avant » gardaient le nom de leur mère. Altruisme ou égoïsme ? Raisons sentimentales ou matérielles ?
Et puis viennent les questions concernant le départ de cet ancêtre : entre 1866 et 1874, donc. Or, on se souvient que sur le recensement de 1866, il était domestique agricole au bourg, logé dans la maison de l’aubergiste.
Les marchands ambulants et représentants de commerce transitaient par là, et l’un d’eux a dû convaincre Louis de « changer d’air ». J’ai vérifié s’il n’y avait pas d’autres migrants de la commune ou des familles déjà installées, mais apparemment il était seul, contrairement à ce qui se pratiquait couramment alors, les déplacements et les migrations en groupes.
Donc, me voilà partie sur les traces de la vie à paris 18e arrondissement de l’époque.
Louis y exerce la profession de lampiste, ce qui peut signifier soit qu’il travaillait dans un atelier qui fabriquait des lampes, soit qu’il était un employé chargé de l’éclairage (en particulier aux chemins de fer). Car le service de lampisterie se trouve essentiellement bien sûr à la mine (ce qui n’est pas le cas à Paris) mais aussi aux Chemins de Fer, ou encore aux Carrières.
En ce qui concerne le logement, sis dans le quartier dit « de la Goutte d’Or », ce nom provenait du vin que l’on y produisit jusqu’au 19e siècle sur des terres loties à partir de 1840. Les promoteurs y construisirent alors des immeubles dits de rapport, accueillant les célibataires provinciaux venus travailler à Paris. Ces immeubles étaient composés de petits logements et d’hôtels meublés, les garnis [32].
Une carte postale de la rue Ernestine au XIXe siècle est intitulée « Paris-Montmartre » [33].
Je ne pense pas qu’il y eut descendance de ce couple, la femme étant déjà âgée de 40 ans. Mais je vais tout de même prospecter un peu. Et puis je ne retrouve pas d’acte de décès, donc il faut encore persévérer ! Tout n’est pas encore dit !
En étudiant le Fonds Coutot (archives de reconstitution du même nom), par la récupération et le recoupement de bribes de fiches, j’ai pu avancer (et clore ?) l’histoire de Louis Gérentes.
Sa fille adoptive, Marie Gérentes, donc, se marie avec Louis-René Martin, le 12 juillet 1883 à Paris 3e arrondissement. L’épouse, 24 ans, née le 2 janvier 1859 à Paris, est fleuriste, demeurant 38 rue Notre-Dame de Nazareth dans le 3e arrondissement. L’époux, 26 ans, bijoutier, demeure 186 bd de Charonne dans le 11e arrondissement, avec son père, bijoutier et sa mère fleuriste. Les parents de l’épouse, Louis Gérentes, 47 ans, employé, et Catherine Louis, 49 ans, sans profession, demeurent maintenant rue Milton, n°27, dans le 9e arrondissement.
Témoins Joseph Martin, dessinateur, 50 ans, oncle de l’époux, 56 rue Séverine ; Alphonse Bérard, bijoutier, 36 ans, 168 bd de Charonne ; Henry Louis, mécanicien, 36 ans, 51 rue de la Goutte d’Or, oncle de l’épouse et Léon Jacquet, 30 ans, 16 rue Pierre au Lard, oncle de l’épouse (sans doute mari d’une sœur à Catherine Louis ?).
Par cet acte, on prend la mesure de l’évolution de la condition sociale de ce fils aîné de Saint-Hostien, si pauvre, venu tenter sa chance dans la capitale au lieu de suivre le lot commun de ses compatriotes à la mine, logeant d’abord dans des lieux réservés aux ouvriers sans moyens, se mariant avec une veuve au passé obscur (du moins pour nous) et travaillant sans doute sans relâche pour occuper enfin une place « un cran au-dessus », et bien marier sa fille adoptive.
Son acte de décès, survenu le 10 janvier 1890 dans son domicile, 27 rue Milton, 9e arrondissement, parle dans le même sens puisqu’il mentionne : « concierge médaillé militant » 53 ans (il en aurait eu 54 en novembre) né à St-Hostien...
Fils de père et mère dont les noms ne nous sont pas connus (!) (Pourtant, ils figuraient bien sur l’acte de mariage et l’épouse aurait dû s’en souvenir !). Epoux de Catherine Louis (je l’imagine assez ingrate et le « sans profession » ne plaide pas en sa faveur).
L’un des deux déclarants, Emile Moreau, 21 ans, sellier rue du Faubourg Saint-Denis, n°197, est neveu du défunt par alliance, car c’est le premier mari de Catherine Louis qui était un Moreau.
J’ai pu obtenir une numérisation de l’acte de convoi en l’église de Notre-Dame de Lorette, 9e arrondissement, du 12 janvier 1890, sans autre information, mais au moins je sais qu’il a été inhumé religieusement.
Ainsi se referme doucement la porte d’un destin que j’étais si loin de soupçonner en commençant l’étude de cette fratrie !
Après on peut se poser tant de questions dont nous n’aurons jamais la réponse ! Correspondait-il avec les siens restés « au pays » ou partis à Saint-Etienne ? A-t-il dû apprendre à lire et à écrire (il a toujours signé les actes, mais écrire ?), comment a-t-il appréhendé et géré cette nouvelle existence pendant près de vingt ans ?... Parlant patois, il lui a fallu s’exprimer dorénavant en français...
De même, en recherchant dans ce fonds Coutot, j’ai relevé quelques indices à propos de Marie-Mélanie Gérentes, née en 1880 à St-Hostien, fille reconnue de Pierre et Henriette Gravy en 1885, qui se marie en mars 1909 à Paris 16e avec Raoul Pauhlac et qui meurt en février 1960 à Cachan, (94) Val de Marne. Avait-elle des contacts avec la parenté de son oncle Louis ?
Et nouveau rebond dans la vie de « notre » Louis Gérentes ! Comme je m’étonnais sur mon site de généalogie du terme « militant », plusieurs correspondants fort aimables m’ont adressé des réponses avec liens vers... les médaillés militaires !
En effet, il fallait lire « militaire » et non « militant » , l’officier écrivant très mal le mot sur l’acte de décès. La confusion était inévitable.
Et de joindre les liens correspondant à cet état de fait. J’entrai donc directement dans une nouvelle tranche de la vie de cet ancêtre au départ si discret et mystérieux !
Référence : ITA 14039
Nom : Gérentes
Prénom : Louis
Grade : Soldat
Régiment : 1er régiment de grenadiers de la Garde Impériale
Médaille : Italie
Notes : Né le 5 novembre 1836 à Saint-Julien (en fait Hostien) Haute-Loire. Fils de Louis Gérentes et de Marie-Jeanne Joubert.
Incorporé au 75e de ligne le 12 novembre 1857
Intègre le 1er régiment de grenadiers de la Garde Impériale le 20 août 1859
Campagnes : Italie 1859
Allemagne 1870/1871
Libéré, est employé chez Chazal, fermier. Libéré avant 1864 puisqu’à cette date il est témoin au mariage de son frère, puis témoin au décès de sa belle-sœur en 1865 ; et on se souvient qu’il figure également sur le recensement de 1866. Vérification faite, il existe plusieurs Chazal dans les environs de St-Hostien, alors lequel ?
Rappelé à l’activité en juillet 1870, incorporé au 28e régiment de marche. (Régiment formé, entre autres, suite à la dissolution de la Garde Impériale).
Participe aux combats de Pierrefitte [34] et du Bourget (Paris, 28 octobre 1870) [35]. Gravement blessé en mars 1871.
Médaillé militaire le 9 novembre 1872 par le Grand Chancelier.
Réside à Paris et postule pour la Croix de Chevalier en 1873.
Et sur le site Gallica (B.N.F), au Journal Officiel du 31 octobre 1871 (page 4239) : 128e Régiment :
- Gérentes Louis, soldat ; 7 ans de services ; 2 campagnes ; 1 blessure grave.
Ce qui nous donne cinq ans aux armées, de 1857 à 1862 (dont la campagne d’Italie en 1859) et deux ans de 1870 à 1871 inclus. Rappelé pour la campagne d’Allemagne (déclaration de guerre de la France à la Prusse le 19 juillet 1870), il participe ensuite à la bataille de Pierrefitte en septembre 1870, puis aux combats du Bourget en octobre et décembre 1870. Pour 1871, je n’ai pas encore trouvé. L’armistice ayant été signé en janvier et les combats ayant théoriquement cessé en février, comment a-t-il pu être gravement blessé en mars ? Dans les combats contre les fédérés de la Commune ?
En tout cas, s’il a bien regagné ses pénates une première fois après sa libération du service militaire (probablement en 1862 puisqu’on apprend qu’il a effectué cinq ans de services après recrutement en 1857, puis deux ans en 1870-1871, soit sept ans de service au total), il ne fait aucun doute qu’après sa seconde incorporation en 1870 il ait préféré se fixer dans la capitale. Sur les conseils d’un camarade ? D’un supérieur ? Mais alors, dans quelles circonstances et dans quelles conditions ?
Pour conclure (?) est-ce un hasard si, il y a 40 ans de cela, lors de mon installation à Paris pour exercer mes fonctions à la Poste, c’est une cousine de mon père qui m’a reçue, logée et accompagnée les premières semaines ? C’est après cette étude que m’est venue l’idée d’un rapprochement possible avec les Gérentes. Et, en effet, ma mère m’a confirmé que cette cousine était issue du couple Gérentes-Duranton (vu dans le dossier Gérentes-Malosse). Mais à l’époque, personne ne se souciait de généalogie ! Curieusement, cent ans après Louis Gérentes, je me retrouvais dans le même arrondissement que celui où il habitait les dernières années, et même à proximité de la rue Milton puisque je résidais alors boulevard Montmartre, soit à un saut de rue !
Cela explique peut-être en partie (car j’attribuais alors cet état de fait à mes innombrables lectures sur Paris et mon immense amour pour la capitale historique) ma facilité d’adaptation. Je m’y sentais alors à l’aise, « comme un poisson dans l’eau », m’y déplaçant sans aucun problème, absolument comme si j’y étais née et y avais vécu des décennies !