Les registres paroissiaux sont la première source de renseignements sur nos ancêtres et la plupart du temps ils nous renseignent exactement, mais il arrive que nous pestions devant un acte lacunaire ou l’absence d’acte et que nous soyons tentés d’attribuer de bonne foi à untel ou unetelle une parenté incertaine.
Les archives notariales sont alors d’un intérêt inestimable pour confirmer ou infirmer nos intuitions.
Exemple avec Antoinette Percherancier :
Si l’on s’en tient aux seuls actes sûrs voici ce que nous savons d’elle :
- Elle épouse Louis Dufour à Saint-André-le-Désert le 15 février 1746 [1]
- Elle met au monde quatre enfants à Saint-André-le Désert entre 1748 et 1755 [2]
- Elle devient veuve le 21 juin 1795 à Saint-André-le Désert [3]
- Elle meurt le 12 juin 1800 à Saint-André-le Désert, âgée d’environ 75 ans [4].
On ne dispose ni de sa date de baptême ni du nom de ses parents.
Aucune Antoinette Percherancier n’a eu son baptême enregistré à Saint-André-le-Désert vers 1725.
Or cinq « généalogistes » qui l’incluaient dans leur arbre (dont moi-même) en faisaient la fille de Benoit Percherancier et de Jeanne Bonnin, née le 19 avril 1725 à Pressy-sous-Dondin [5].
Cette attribution se justifiait :
1) par la concordance des prénoms
2) par la concordance entre l’âge au décès et la date de naissance
3) par la proximité des deux paroisses dans lesquelles vivent des Percherancier apparentés.
Nous avions tort.
Il y a quelques temps, faisant des recherches dans les minutes de Maitre Hugues Bailly, notaire à Pressy-sous-Dondin, sur les biens de Benoit Percherancier, j’ai trouvé un acte de partage de ses biens entre ses enfants du 18 mars 1752 [6].
Benoit était décédé en 1750 [7]. Il avait fait un testament [8], malheureusement introuvable, mais l’acte de partage précisait le nom des deux héritiers vivants : Denise et Dominique.
Pas d’Antoinette.
Ce qui remettait bien sûr en cause la parenté de l’épouse de Louis Dufour.
Et m’amenait à revoir de plus près les documents dont je disposais :
D’abord à retrouver dans les registres paroissiaux de Pressy-sous-Dondin, l’acte de décès le 30 mars 1740 [9] d’une « Antoinete Percherancier », dont on ne connaît pas les parents et dont l’âge (10 ans environ) ne correspond pas à celui qu’aurait eu l’enfant née en 1725 (15 ans). Pour rendre la recherche encore plus difficile, la tenue des registres avait souffert de l’absence de desservant entre avril 1730 et février 1731, ce qui pouvait expliquer qu’aucun baptême d’une Antoinette Percherancier n’ait été noté pendant cette période.
Néanmoins, un élément la rattache à Benoit Percherancier : le nom de celui qui est présent à son enterrement : Dominique Labrebis, qui est beau frère de Benoit et donc un oncle par alliance de la petite morte.
Je fais donc l’hypothèse qu’Antoinette fille de Benoit est morte en 1740.
De qui Antoinette, épouse de Louis Dufour, est elle donc la fille ?
L’acte de mariage est du genre à vous donner envie de maudire le prêtre curé :
Ce jour là, trois autres mariages sont célébrés en plus de celui de Louis et Antoinette :
- Girard Dufour, frère aîné de Louis épouse Denise Guyonnet
- Claude Thévenet épouse Françoise Simonet
- Catherin Coillet épouse Jeanne Treuillet
et aucune parenté n’est indiquée.
Ce n’est donc pas de ce côté, semble-t-il que viendra la lumière. Mais si Antoinette était la fille de Benoit n’aurait il pas été plus normal que le mariage soit célébré à Pressy où il demeure ?
Je m’intéresse alors aux enfants nés de cette union, avec la réflexion qu’habituellement les parrains et marraines sont pris dans les deux familles, paternelle et maternelle.
Or aucun des enfants Dufour n’ont de parrain et marraine dans la famille de Benoit, alors qu’en ce qui concerne les autres enfants de Benoit, les parrainages fonctionnent fort bien et jusqu’à la génération suivante ! L’éloignement ne joue pas, les deux villages se touchent.
Le parrain du premier enfant Dufour [10] est Girard Dufour (je sais que c’est son oncle) et la marraine Françoise Simonet, dont je ne sais rien. Mais tiens ! Une Françoise Simonet s’est mariée le même jour qu’Antoinette.
J’ai de plus en plus la conviction qu’Antoinette a un autre père que Benoit et que si le curé n’a pas pris la précaution de noter les origines des conjoints c’est qu’il les savait tous de sa paroisse.
Je remonte donc les registres paroissiaux à la recherche de filles Percherancier nées dans le années 1720 à Saint-André-le-Désert.
Il n’y a pas d’Antoinette Percherancier.
Y a-t-il une fille Percherancier née à Saint-André vers 1725 ?
Une seule : Claudine, fille d’Etienne Percherancier (un demi-frère de Benoit) et de Françoise Simonet, née le 30 janvier 1727 [11]. Elle est, en principe, la seule enfant d’Etienne, qui décède à l’âge de 32 ans en 1732 [12].
Françoise Simonet ? La marraine de Girard Dufour.
Françoise Simonet (ou Monet) a épousé Etienne Percherancier le 7 février 1725 [13]. De quoi avoir un enfant la même année ! Que le curé a oublié de noter…
La parenté d’Antoinette et d’Etienne Percherancier me semble désormais possible, mais pas prouvée. La seule preuve serait le contrat de mariage de Louis Dufour.
C’est aux archives départementales de Saône et Loire, à Mâcon, que je trouve la confirmation que je cherche.
La table alphabétique de contrôle des actes du bureau de Saint-André-le-Désert m’indique l’existence d’un tel contrat.
Il a été passé chez Maitre Philibert le 30/1/1746 [14]. C’est un contrat de 200 livres pour les deux.
Malheureusement les archives ne possèdent pas les minutes de Maitre Philibert pour cette période ! Impasse ?
Non.
Cette même année 1746, le 18 octobre, Françoise Simonet fait un testament [15] chez Maitre Hugues Bailly à Pressy-sous-Dondin et lui, béni soit il, le voilà, bien caché dans l’épaisseur du dossier. Je l’extrais avec précaution et commence à le lire : Françoise Simonet, épouse de Claude Thévenet, est enceinte. Elle est aussi veuve de François Rondot, dont elle a eu un fils qu’elle institue héritier particulier ainsi que le (ou la) posthume, et d’Etienne Percherancier dont elle a eu une fille, Antoinette, dont elle fait son héritière universelle.
Mais c’est à la dernière ligne du testament seulement qu’un renvoi précise : femme de Louis Dufour !
Je peux donc rectifier les parents d’Antoinette, fille d’Etienne Percherancier et de Françoise Simonet.
(Françoise Simonet n’est pas morte en 1746 car Philibert, fils de Claude Thévenet et de Françoise Simonet est baptisé le 5 aout 1749 [16], mais j’ignore quand elle décède).