Le 1er juillet 1834, un enfant de sexe masculin est abandonné dans « le tour » de l’hôpital de la Charité (Système comparable à celui utilisé de nos jours, à la SPA, pour l’abandon des animaux.).
L’enfant est trouvé portant un billet indiquant qu’il s’appelle Ferdinand COLLIN, qu’il est baptisé et que sa mère est Mariette COLLIN, âgée de 24 ans, fille de Jean COLLIN, décédé, et de Jeanne CAZELLE.
Le prénom de la mère est différent du prénom officiel. Ce sera pour l’occasion « Mariette » au lieu de Jeanne. Ces erreur sont courantes à l’époque dans les actes d’état civil. En effet, son père Jean COLIN faiseur de bas à Lyon, se nomme parfois COLLIN avec 2 "L" et parfois, plus étonnant, GARDIOL.
Les enfants successifs sont déclarés parfois COLLIN, parfois COLIN et parfois GARDIOL.
Le nom change parfois entre la naissance et le décès. La signature du père suit d’ailleurs la même évolution.
- Deux tours d’abandon au XVIIIe siècle
Copie des actes des registres (archives de la ville de Lyon) :
On voit sur les documents ci-dessus ses différents placements en Savoie, puis dans l’Ain. Après quelques actes de petite délinquance, et le changement de parents nourriciers, il a dû s’enfuir, car il est arrêté à Paris pour vagabondage et conduit à la colonie agricole du val d’Yèvre près de Bourges le 4 mars 1849.
La colonie agricole du Val d’Yèvres
Cette colonie dépendait de l’inspecteur général des prisons. Elle est un développement des maisons de redressement, en vigueur à l’époque. La discipline y était très rigoureuse, les travaux rudes des champs devaient remettre les jeunes gens sur le bon chemin. En 1853, il a 19 ans. Le directeur de la colonie demande à Lyon une copie de son acte de naissance.
il est successible d’être libéré, il demande donc à s’engager dans l’armée.
Là encore, les recherches généalogiques sont à poursuivre pour connaître son destin.
- Gravure représentant la colonie agricole du val d’Yèvre fondée en 1847 par Charles LUCAS, inspecteur général des prisons.
Ferdinand sera transféré de Paris avec deux autres jeunes le 4 mars 1849. Le transfert est réalisé avec Charles LUCAS comme accompagnateur. Les frais de voyage, nourriture comprise, s’élève à 60,40 francs.
Ces enfants sont : COLAS, PIERRE et NANCI. Pierre étant en réalité Ferdinand COLLIN.
A son arrivé, et jusqu’à son départ, Ferdinand COLLIN est dénommé Pierre. Le 14 juin 1853, jour de sa libération, il est enregistré sur les registres, sous le nom de Pierre "dit COLIN" né le 1er juillet 1834.
Sur ce registre, il est noté que Pierre venait de Paris ? où il mendiait.
Les bâtiments de la colonie ont été, depuis, vendus à des particuliers lors de sa fermeture. Certains ont été démolis. On retrouve aujourd’hui ces maisons, dont le style est particulier. Elles n’ont subies d’ailleurs, que peu de modification.
Ci-dessus bâtiment central, comportant la cloche pour appeler au rassemblement. Sur le toit, il est écrit en tuiles plus claires : "colonie agricole du Val d’Yèvre". Suite à un incendie, la toiture de la partie gauche a été refaite.
En 1841, Charles Lucas, inspecteur général des prisons, dont on connaît dès la fin de la Restauration les travaux sur le système pénitentiaire, achète 140 ha de marais au Val d’Yèvre près de Bourges. Son intention est d’y créer une colonie agricole pour les jeunes détenus.
Il est un des fondateurs de la Société de patronage des enfants libérés de la Seine, dont l’objet est de suivre les jeunes détenus après leur sortie de prison. Bien qu’étant un des promoteurs de la maison d’éducation correctionnelle de la Petite Roquette à Paris, il pense qu’il est important que « sur le plan moral, le travail agricole, la vie à la campagne soient les meilleures conditions pour la santé et l’âme de l’enfant ». Il sera l’auteur de la célèbre formule « sauver l’enfant par la terre et la terre par le colon ».
C’est dans ce contexte que se situe l’achat du Val d’Yèvre : retirer les enfants délinquants et vagabonds des villes et leur permettre de renouer avec les valeurs rédemptrices du monde rural et du travail aux champs. Charles Lucas soumet son projet au ministère de l’Intérieur qui ne le retient pas. En 1846, il décide de se lancer personnellement dans ce qu’il va appeler « une aventure ». Le coût de la construction sera de 450.000 francs. L’Etat alloue à partir de 1847, 80 centimes par jour et par colon pour les moins de 16 ans et 60 centimes pour les plus de 16 ans. Les premiers colons arrivent de la prison de Fontevraud le 29 août 1847. Ils sont 100 en 1850, ils seront 400 en 1860.
Charles Lucas ne retient pas le principe des chefs de famille mis en place quelques années plus tôt à Mettray. Ce sont des contremaîtres gardiens qui encadrent les colons. Ils s’occupent de la surveillance et de l’apprentissage. Certains colons parmi les plus âgés pouvaient être utilisés comme surveillants, voire même enseigner les plus jeunes.
Les colons auront comme principales tâches le défrichage des marais. Le Prince Président visite la colonie le 15 septembre 1852 : « Continuez, dit-il, à élever ainsi les colons et à les conserver dans l’agriculture, c’est la meilleure garantie de leur devenir. » Certains colons travaillent à la forge, à la menuiserie ou s’occupent des bestiaux et des travaux agricoles. Tous préparent la première communion.
En 1865, Charles Lucas devenu aveugle, il est remplacé au Val d’Yèvre par son fils docteur en droit. En 1872, la colonie est louée à l’Etat, qui finalement l’acquiert en 1878. En 1890, il y a 330 colons, on comptera cette année-là 39 évadés.
Suite à la loi de 1912 sur les tribunaux pour enfants, de moins en moins d’enfants sont envoyés dans les colonies publiques dont 6 fermeront entre 1920 et 1926. Le Val d’Yèvre ferme définitivement en 1924.
Documentations complémentaires :
- http://www.archives18.fr/article.php?larub=130&titre=la-colonies-agricole-penitentiaire-agricole-du-val-d-yevre-colonie-modele-ou-bagne-pour-enfants-1847-1925-
- http://enfantsenjustice.fr/spip.php?article194
- http://enfantsenjustice.fr/IMG/pdf/bibliographie_val_d_yevre_27_05_14.pdf
- http://data.bnf.fr/12118306/colonie_agricole_penitentiaire_du_val_d_yevre/
- https://fr.geneawiki.com/index.php/Colonies_Agricoles_-_P%C3%A9nitenciaires_-_Les_Bagnes_pour_Enfants
- http://data.decalog.net/enap1/liens/fonds/F12F10_0007.pdf
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Saint-Germain-du-Puy#La_Colonie_p%C3%A9nitentiaire_agricole