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De Jacques Caissan à Louis Pasteur

Le jeudi 1er novembre 2001, par Gérard Hartalrich

Bien avant Louis Pasteur et la découverte de son vaccin, il n’existait aucun remède efficace qui pouvait sauver les malheureux atteints de morsures d’animaux enragés. C’est ce que toute personne normalement instruite du problème pourrait nous annoncer, sauf certain comme celui qui fût une relation bien intéressante pour moi dans les années mille neuf cent quatre vingt quatre alors que j’habitais la commune de Le Luc en Provence, en la personne de Eric Kalmar, auteur de quelques ouvrages concernant notre belle région.

Je ne pouvais me retenir de garder enfermé dans ma bibliothèque ce passage où il est question de Jacques Caissan qualifié comme Lucois célèbre dans la quatrième partie de "Le Luc à travers l’histoire" et de sa fameuse recette pour guérir de la rage.

Né en Provence au XVI ème siècle, Jacques Caissan, quelques trois cents ans avant Louis Pasteur, et particulièrement connu dans la région, guérissait ses contemporains de la rage.

En 1609 il fit publier à Aix en Provence, "un Discours véritable des remèdes, médicaments et régime de vivre pour la guérison des morsures de la rage", dédié à Henri IV, puis en 1615, à Paris, "Recette très véritable pour la guerison des personnes, & animaux mordus des chiens, loups, & autres animaux enragés".

En ce temps là, beaucoup de personnes mouraient de la rage car il n’existait aucun traitement. Par ces faits, la recette de Jean Caissan fut la bienvenue et bien vite répandue dans le pays. Le Parlement de Provence acheta cette recette pour un montant de 1.800 livres. Une somme très importante pour l’époque, quand on sait qu’une famille de quatre à cinq personnes pouvait vivre avec 500 livres par an. Le comte François de Vintimille ainsi que le comte de Carces auraient constaté et attesté de nombreuses guérisons dans les villages environnants parmi les malades soignés par la recette de Jean Caissan.

La recette

 
"Le principal effect des remèdes que j’ay à vous proposer pour la guérison des morsures des animaux enragez, dépend de deux onguents, l’un blanc et l’autre vert. Pour faire le blanc, prenez des noix, des oignons, de la gresse d’un jeune pourceau chastré, de la mie de pain de froment blanc ou bis : pilez le tout dans un mortier et en faites la mixtion telle que la paste ne soit ny trop dure ny trop liquide, et d’icelle vous userez en la sorte qui vous sera enseignée ci-après. Notez que les vieilles noix sont les meilleures ; et serait bon s’il était possible qu’elles fussent de deux ou trois ans, vous en osterez la coque et le bois qui est dedans : mais s’il s’y trouve ceste poudre qu’elles ont ordinairement lorsqu’elles sont fort vieilles, vous la laisserez avecque le reste."

"Pour faire l’onguent vert, vous prendrez l’herbe nommée apium que nous appelons de l’ache et la pilerez dans un mortier et mettrez le jus qui en proviendra avec des jaunes d’oeufs, de l’huile rosat, de la farine de froment, et le tout meslerez ensemble avec le doigt dans une écuelle."
"Notez que de deux en deux jours, il faut renouveller lesdicts onguents, car tant plus ils seront récents plus ils feront d’opération."
"Pour penser le blessé, la première chose que vous ferez ce sera de bien nettoyer la playe, la frottant et pressant avec une spatule jusques à en faire sortir le sang : celui lui donnera quelque douleur mais elle sera bien tost passée."

"Ayant fait ce que dessus vous prendrez une bougie de la grosseur du pertuis qu’aura fait la morsure ; laquelle bougie vous mettrez dans la playe, si avant qu’elle descende jusques au fond pour en faire sortir le venim ; puis avec ladicte bougie vous remplirez la playe de l’onguent blanc : que si la bougie ne peut aller jusques au fond, vous détremperez ledit onguent avec de l’eau claire, puis avec une petite seringue ferez injection de la dite eau dans la playe, et la remplirez du dict onguent comme il a été dit ce dessus. Après cela ferez un emplâtre d’onguent vert que vous y appliquerez et banderez le tout avec du linge, en façon que pour dormir, cheminer ou faire quelque autre action rien ne la délie et que le médicament puisse faire son opération. Cela se doit faire aux grandes blessures durant dix jours matin et soir, aux petites, il suffira de six jours."

"Après que l’onguent aura fait son effect qui est d’oster le venim, ce qui restera à faire sera de consolider la playe. Pour cet effect, vous laverez et essuierez de bon vin qui aura bouilly avec de la sauge, puis avec de l’onguent ferez un emplâtre que vous appliquerez sur icelle..."
Passé le délai des six à dix jours de traitement, le malade était considéré arraché à la mort. Il lui était conseillé de suivre un régime d’une année.

 
Attestation du comte du Luc :

"Nous, François de Vintimille, des comtes de Marseille , sieur de " Tourreves " et du Luc, gentihomme ordinaire de la maison du roy, à tous qu’il appartiendra, certifions et attestons qu’il nous a été tesmoigné par plusieurs habitants de ce lieu du Luc et des plus agez, de soixante à quatre vingt ans, que feus Angelin et Jean Caissan, pere et fils, natifs du dit lieu, ont eu de toute ancienneté le don et grâce speciale de Dieu de guérir des morsures de chiens, de loups et autres animaux enragez..."


Tiré de "Le Luc à travers l’histoire" d’éric Kalmar. "Les Lucois célèbres".

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