- Source Gallica.
Les Loups de mer boulonnais sont censés retracer trois causeries qui auraient eu lieu dans une taverne du port de Boulogne, au début des années 1840. De vieux loups de mer, au crépuscule de leur vie, y racontent leurs souvenirs de jeunesse.
- Annonce publiée dans l’Express du 23 mars 1886.
Le récit se divise en trois parties :
- une première causerie a pour objet principal plusieurs combats menés sous le commandement du Baron Bucaille, alias Jacques-Oudart FOURMENTIN (l’auteur le confondant peut-être d’ailleurs parfois avec son frère Denis), personnages bien réels.
- la deuxième raconte le rôle pris par un corsaire boulonnais lors de la seconde expédition d’Irlande ; l’expédition a bien existé, mais un navire boulonnais y a-t-il participé ?
- la troisième nous décrit la vie des prisonniers boulonnais sur les pontons anglais
Si on retrouve plusieurs éléments indéniablement historiques dans la première partie, nul doute que la suite est plus romancée.
Un porteur de mon propre nom illustre cette difficulté à se départager entre réalité et fiction.
Dans le feuilleton, le dénommé CANIVET est un tambour-maître [1] des armées napoléoniennes. Il est présenté comme le chef de la compagnie de la Lune, un ensemble hétéroclite de soldats du Camp de Boulogne, qui étaient tout autant réputés pour leur vaillance au combat que pour leurs brigandages dans la ville et ses alentours...
Or CANIVET et/ou les Compagnons de la Lune apparaissent également dans des ouvrages qui sont censés être des mémoires, retraçant des faits historiques.
Un vétéran du Camp de Boulogne, le capitaine COIGNET, évoquera la Compagnie de la Lune, sensiblement dans les mêmes termes [2].
VIDOCQ, le bagnard évadé devenu plus tard chef de la sûreté urbaine de Paris, cite, quant à lui un CANIVET, auto-proclamé « le bourreau des crânes » [3]
Sans jamais utiliser le terme de « Compagnie de la Lune », il décrit ledit CANIVET comme étant à la tête de tous les « mauvais garnements » de la ville, au temps du Camp de Boulogne, de tous ces individus qu’il devait éviter quand il est arrivé dans la région, non pas par vertu, mais par crainte que, parmi eux, se trouve un de ses anciens compagnons de bagne, susceptible de le reconnaître... Pour les éviter, VIDOCQ s’embarqua tout d’abord sur un corsaire boulonnais, la Revanche, jusqu’au jour où « d’après un ordre du général en chef, tous les individus qui, dans chaque corps, étaient signalés comme mauvais sujets devaient être immédiatement arrêtés et embarqués à bord des bâtiments armés en course » [4]. Cette périphrase semble bien à la fois définir la Compagnie de la Lune et correspondre à l’embarquement du CANIVET du roman. Débarrassé de « Canivet et ses affidés », VIDOCQ n’avait plus qu’à suivre le chemin inverse et à s’engager dans l’artillerie, sous une fausse identité.
Henri MALO nous dira aussi que certains anciens compagnons de la Lune ont été embarqués sur les navires corsaires [5].
Mais il reste encore à prouver formellement que, comme l’indiquent Les Aventures des corsaires boulonnais, la bande du CANIVET cité par VIDOCQ était précisément la compagnie de la Lune, que ledit CANIVET s’enrôla ensuite sur un corsaire parti faire l’expédition d’Irlande, et qu’il termina cette campagne par un séjour prolongé sur les pontons anglais... Je reste donc avide de tout renseignement complémentaire sur CANIVET et la Compagnie de la Lune qui me permettrait de déterminer son état-civil puisque visiblement c’est un personnage qui a bien existé.