Remontrances, plaintes et doléances que les habitans du village de Roye, en Franche-Comté, bailliage de Vesoul, de l’ordre du tiers état, présentent à l’assemblée générale dudit bailliage de Vesoul par le fait des sieurs Gabriel Labbé, notaire et Jean François Bolet leurs députés nommés le présent jour par les dites remontrances, plaintes et doléances, être mises sous les yeux du roy, des états généraux du royaume convoqués par Sa Majesté à Versailles, et pour être inscris au cahier général des doléances dudit baillage.
Sa majesté est très respectueusement suppliée d’accorder, vouloir et ordonner ce qui suit :
ARTICLE 1
Que les états généraux du royaume seront assemblés tous les cinq ans aux même lieux et jours qu’ils auront réglé, sauf les premières assemblées, entre lesquelles il n’y aura que trois ans d’intervalle.
ART. 2
Qu’il sera accordé des états particuliers à cette province de Franche-Comté, qui entreront en exercice immédiatement après la tenue des états généraux, et seront organisés suivant le plan présenté par les gens du tiers état et formés à l’assemblée tenue à Besançon en vertu d’arrêt du conseil du premier novembre mil sept cent quatre vingt huit, sauf en ce qui touche la condition des quatre degrés de noblesse requise pour l’éligibilité dans l’ordre de la noblesse, laquelle condition demeurera pour nulle et comme non avenue. Que le lieu de la tenue desdits états particuliers sera fixé d’abord à Dole et ensuite à la détermination desdits états, et ne pourront les cours souveraines se mêler directement n’y indirectement, du régime d’ administration, et délibéré desdits états.
ART. 3
Qu’aucun impôt ne pourra être continué qu’il n’ait été renouvelé à chaque tenue des états généraux.
ART. 4
Qu’à défaut de convocation des états généraux, suivant le vou qu’en aura pris la dernière assemblée, tous les impôts cesseront de plein droit jusqu’à la dite convocation effectuée.
ART. 5
Que tous les privilèges et exemptions qu’elle qu’en soit la cause, demeureront abolis pour jamais en matière d’impôts, charges publiques, réelles, personnelles, mixtes et locales, de manière qu’à l’avenir la contribution auxdites charges soit toujours en proportion des propriétés et facultés respectives, et que tout impôts devant tourner au profit de l’état et pour charges d’iceluy, seront permis en vertu d’un seul et même rôle.
ART. 6
Que les portions congrues actuelles des curés et vicaires seront augmentées sur les dîmes, et à défaut de dixième par la suppression et réunion d’autant des bénéfices ecclésiastiques qu’il en sera nécessaire, le casuel desdits curés, même les quartottes, que ceux-ci perçoivent dans une infinité de paroisse de la province depuis les guerres et pestes, soient supprimées, soit dans les villes , soit dans les campagnes.
ART. 7
Que la forme actuelle du tirage de la milice sera abrogée et il y sera pourvu par les états de la province de manière à éviter les frais immenses qu’elle occasionne.
ART. 8
Que les seigneurs ne pourront destituer leurs officiers de justice, si ce n’est pour cause qu’ils seront tenus d’exprimer dans les actes de destitutions et dont ils seront obligés de justifier à peine de tous dépens, dommages et intérêts.
ART. 9
Qu’attendu les seigneurs ont les épaves, amendes, confiscations et tous frais de la justice, ils seront tenus de la faire rendre gratuitement et sans frais n’y dépens par leurs officiers qu’ils seront tenus de salarier jusqu’à sentence exclusivement, un rôle fait et relevé des amendes après la tenue, iceluy visé par le juge, déclaré exécutoire et public par le sergent à l’issue de la messe paroissiale du premier dimanche qui suivra la tenue, avec sommation générale, de payer dans trois jours et à défaut permis de relever la sentence de condamnation aux frais des condamnés et de les poursuivre, suivant que le tout est usité dans le ressort du bailliage de Langres, limitrophe de celuy d’Amont, d’après le règlement du même bailliage sous date de trente un mars mil sept cent soixante neuf, homologué au parlement de Paris le trois septembre mil sept cent soixante et dix.
ART. 10
Que la mainmorte personnelle sera abolie par tout le royaume, même la réelle dans les terres des communautés et corps ecclésiastiques ou de tout bénéfices séculiers ou réguliers sans indemnité et qu’elle sera aussi abolie dans les terres des laïcs moyennant indemnité.
ART. 11
Que les amendes des justices des seigneurs laïcs, ecclésiastiques, séculiers ou réguliers ne pourront être amodiées en tout ou en partie, et en cas de contravention, les dites amendes seront appliquées au profit des fabriques des lieux.
ART. 12
Qu’attendu l’excessive charge sous laquelle gémissent les habitants des campagnes par le taux des amendes et peines réglées pour les frais de justice intérieures ou champêtre méfaits et délits dont les genres ont été multipliés à l’infini, ce qui leurs devient plus onéreux et plus ruineux que les impôts et charges de l’état. Sa Majesté est très humblement suppliée d’abolir et annuler toutes ordonnances, lois et arrêtés du règlement du parlement portés jusqu’à présent fixant les peines et amendes pour fait de police champêtre et intérieure, en donnant pouvoir aux états qui seront accordés à la province de Franche-Comté de former un code de lois pénales et un règlement général sur cette matière, pour iceluy être sans délai envoyé à Sa Majesté et être par elle sanctionné.
ART. 13
Que tous justiciables ne pourra subir que deux degrés de juridiction en toutes matières. Les formes de procéder et de régler les dépenses adjugées, changées de manière à opérer la diminution desdits dépens, les justiciables rapprochés des juridictions qui seront augmentés ou il sera besoin et composés au moins de trois juges. La vénalité de tous les offices de judicature supprimées, le remboursement desdits offices pris sur les revenus des bénéfices vaquants et en cas d’insuffisance le surplus fait par les provinces, les offices donnés au mérite et remplis par des juges élus par les états de la province, qui présenteront à Sa Majesté un nombre de sujets dans lequel elle retiendra celui ou ceux qu’il luy plaira. Les tribunaux d’exceptions également supprimés. La partie contentieuse et judiciaire attribuée aux juges royaux et ordinaires, et la partie d’administration réservée au régime des états de la province.
ART. 14
Que le prix des ventes des quarts en réserve des communautés ne pourra sortir de la province et sera versé entre les mains du trésorier des états.
ART. 15
Que les états de la province seront tenus de puissamment s’occuper du plan de réformation et abolition de toutes banalités, servitudes et charges réelles et personnelles dans les biens et individus pouvant être affectés dans ladite province et de l’abolition de leur droits abusifs ou contraire au bien public, ainsy que la manière de pourvoir à l’indemnité desdits droits et à la fixation du prix de la même indemnité pour ledit plan être envoyé à Sa Majesté, de suite être sanctionné.
ART. 16
Qu’il y aura dans toute l’étendue du royaume uniformité de poids et mesures et que les poids et mesures portés aux titres et terriers des seigneurs seront réduits aux poids et mesures adoptés par les états généraux.
ART. 17
Que les seigneurs qui auront obtenu le triage dans les bois des communautés ne pourront rien prétendre non plus que leurs censitaires à perpétuité, dans la part qui reste aux habitants, les acensements eussent’ils été antérieurs à l’obtention du triage. Qu’il ne pourront non plus rien répéter sous prétexte de réunion par acquisition ou autrement. Depuis la même obtention et qu’à l’égard des seigneurs qui n’ont point de triage, ils ne pourront prétendre dans les usages ordinaires des communes qu’une part proportionnée aux impositions qu’ils supporteront et rien de plus.
ART. 18
Qu’il ne pourra résulter aucune tâche ou infamie contre les parens et famille des suppliciés.
ART. 19
Que le nombre des gardes des seigneurs sera fixé en proportion de l’étendue des territoires. Leurs gages réglés à un taux capable de les faire subsister, lesdits gardes devant borner leurs fonctions à veiller à la chasse, pêche et police intérieure, ainsy qu’à la garde des bois des seigneurs sans pouvoir faire de rapport dans les bois de la communauté, ni en raison des délits champêtres, attendu que les communautés ont leurs forestiers pour la garde de leurs bois et leurs messiers pour la conservation des fruits de leur territoire.
ART. 20
Que les états qui seront accordés à la province seront autorisés à faire régler le niveau et la hauteur des seuils de toutes usines, ainsi que toutes digues, écluses, arrêts d’eau de manière à empêcher le reflux et épanchement des eaux dans les terres et prairies ; et les dégâts qui y sont occasionnés par la trop grande élévation et en faire exécuter la réduction. Que lesdits états pourront également déterminer et régler la hauteur des eaux, des digues, écluses et arrêts d’eau des rivières et ruisseaux pour l’irrigation et amélioration des prairies des communautés.
ART. 21
Que toutes forges, fourneaux et usines établies dans la province de Franche-Comté depuis trente années seront détruites, de même que toutes celles plus anciennes dont les propriétaires n’auront pas forêt en toute propriété suffisante à leur roulement pendant six mois de chaque année.
ART. 22
Que les droits d’emminages et autres qui se perçoivent sur les foires et marchés gênent le commerce et l’agriculture, contraignant les habitans à chercher les denrées de première nécessité au loing, Sa Majesté est très humblement suppliée d’en ordonner la suppression particulièrement celuy qui se perçoit à Lure au profit du Chapitre , sans avoir concession de Sa Majesté.
ART. 23
Que le sieur curé de Roye soit mis et rétablis à la pension congrue ainsy qu’étaient autrefois les anciens curés dudit Roye, en payant audit sieur curé, ladite pension congrue telle qu’elle sera réglée par Sa Majesté ; que le casuel et la quartote, de même que la gerbe qu’il perçoit des cultivateurs et autres par chaque trois quartes, sur toute la paroisse, le tout soit entièrement supprimé moyennant ladite pension, que les fonds d’anciennes dotations qui sont sur le finage de Roye cèdent au profit des habitans dudit Roye et ceux qui sont sur le finage de la Coste, cèdent au profit de ceux de la Coste.
ART. 24
Que le volier du sieur curé qui n’est que de pigeons courants ou fuyards soit abrogé attendu qu’il porte dommage considérable.
ART. 25
Que les habitans de Roye soient mis et réintégré dans les droits et paisibles jouissances qu’ils avaient dans la généralité des bois situés sur leur finage, tels que sont de prendre les bois mors et mors bois, rétablissement de chariot, charrue. L’entretien de leurs maisons, morte et vaine pâture, desquels droits ils ont toujours jouis paisiblement jusqu’en mil sept cent trente cinq et mil sept cent quarante et un, temps auquel les pauvres sujets craignirent un procès très dispendieux avec des seigneurs trop puissants se virent obliger de transiger avec eux et furent apportionnés seulement à cent soixante cinq arpents. Lesdits seigneurs se conservèrent et se retinrent le reste qui consiste à cinq cent arpents et du plus grand produit.
Il semble que les articles 26 et 27 ont été volontairement omis (dlr).
ART. 28.
Que les seigneurs dudit Roye ne pourront exploiter leurs coupes de vingt cinq ans en vingt cinq ans attendu que lesdits habitans ont le parcoure dans lesdites coupes et qu’en les exploitant de dix à douze ans ils en ressentent des dommages considérables.
ART. 29
Qu’ils ressentent aussi des grands dommages et intérêts par l’écoulement et épanchement des eaux de la prairie de la Coste qui noient une grande partie de leur finage. Que les auteurs qui causent tous ces dommages soient tenus d’ouvrir les anciens déchargeoirs ou en ouvrir d’autres suffisants pour l’écoulement desdites eaux à peines de dommages et intérêts à reconnaître.
Les articles cy dessus ont été lus, approuvés et arrêtés en assemblée générale du tiers état de la communauté de Roye pour être le présent cahier remis aux députés nommés le présent jour, vingt un mars mil sept cent quatre vingt neuf et par eux porté à l’assemblée générale ainsy qu’il est prescrit par notre délibération et tout les habitans ayant l’usage des lettres, signés.
G(abriel) LABBE
Ou du moins que lesdits seigneurs donnent aux dits habitans un supplément suffisant en égard à la petite portion de bois qu’ils ont et au grand nombre d’habitans qui sont actuellement.
P(ierre) H(yppolite) MARCHAND J(ean)F(rançois) BOLET, G(abriel LABBE, Sébastien CHAPELET, (Philibert) CLERGET, F(rançois)DOZ, J(ean)C(laude)DOZ (le jeune), (Pierre) Hyppo(lite) GROSJEAN, J(acques) G. BOISSENIN, C(laude) F(rançois) DOZ, C(laude)N(icolas) JEANMOUGIN, J(ean) SEMONIN,
(Jean François) PIQUARD, C(harles) F(rançois) X(avier)
JEANMOUGIN, J(ean)C(laude) CORDIER, C(harles)F(rançois)MARCHAND,
J(ean)F(rançois MARCHAND, C(laude)F(rançois) GROSJEAN, Je(an)F(rançois) LOMBARD, i(ean) P(ierre)M(aillard), Francoy(s) BOURGEOIS N(icolas) GROSJEAN, Jean Claude DEVAUX, (Sébastien) LANDERMILLER, G(ermain) CORDIER, Nicolas DAVAL, Pierre Hyppolite DAVAL, F(rançois) X(avier) MARCHAND, François CARDOT, F(rançois) C. DEVAUX, P(ierre) J(oseph) LAVALETTE, Fr(ançois) GROSJEAN, J(ean)C(laude) FRECHIN, C(laude)A(ntoine) DOUBET, J(ean)F(rançois) GROSJEAN, C(laude)A(ntoine) DOUBET,
Léné, P(ierre)J(oseph) GROSJEAN, (Jean-Baptiste) MARCHAN(d), C.J(oseph) VITTE), Séb(astien) DOUBET, Thiébaud HENRY i(érôme) BOLET, C(laude)F(rançois) VITTE, C(laude) F(rançois) JEANMOUGIN, Jean Claude FRECHIN, J(ean)B(aptiste) MARCHAND, Nicolas CARDOT, Jacque(s) OGIE(r), J(ean)C(laude DOZ.
Remontrances, plaintes et doléances du 21/03/1789 (archives départementales de la Haute-Saône B 4224).