Au début du XIXe siècle, l’arrivée du « monde moderne » : industrialisation et mobilité des populations de la campagne vers des milieux urbains, fait que cette tradition de visite se transforme bien souvent, dans les grandes villes, par le simple dépôt d’une « carte de visite » (agrémentée ou non d’un petit message de courtoisie) que l’on dépose soi-même chez le concierge ou que l’on fait porter par un domestique [1].
L’apparition du timbre-poste et de la « carte postale » fait évoluer cette coutume par l’envoi d’une « carte de vœux » dès 1840.
La carte de vœux
On attribue à Sir Henry COLE, citoyen britannique, la première carte de vœux.
Trop occupé par son travail, il aurait demandé à John HORSLEY [2] de lui dessiner cette carte, datée de Noël 1843 et destinée à ses amis.
Des millions de cartes de vœux se sont ensuite échangées au début du XXe siècle.
Il semblerait que les Allemands soient les premiers à avoir imprimé en masse des cartes de « Bonne Année » avant la Grande Guerre.
Bonne année 1905 !
Celle qui fait l’objet aujourd’hui de cet article est justement éditée à Stuttgart. Elle est cependant postée de France en 1905.
- Collection personnelle de l’auteur
Le recto représente une vue de ce qui est aujourd’hui le début du Boulevard de la Croisette. On peut apercevoir en arrière-plan le Quai Saint-Pierre et « Le Suquet » : le village de pécheurs qui est à l’origine de la naissance de la ville qui accueille depuis 1946 le fameux « Festival International du Film » [3] .
Le blason de la ville, présent en bas à gauche, nous confirme que nous sommes à Cannes (Alpes-Maritimes).
Delphine BOTTON écrit :
Chère Delphine merçi que xx tu as pensse a mois Je souhaitebonnxheur santée et sagesseet ainsi que ton pere et mere mes s[?][?]ations empresse Botton Delphine
Que l’on pourrait interpréter plus ou moins par :
Chère Delphine, Merci d’avoir pensé à moi. Je te souhaite bonheur santé et sagesse ainsi qu’à ton père et à ta mère. Mes salutations empressées. Botton Delphine.
Cette carte semble donc comporter des remerciements pour une carte de vœux reçue plus tôt.
Intéressons-nous donc au verso…
- Collection personnelle de l’auteur
Le tampon de la poste « faisant foi », la carte est bien expédiée de Cannes (06), le 10 janvier 1905.
Elle est destinée à Mlle Delphine MOSÇIO.
Delphine de Saorge.
Saorge est un petit village escarpé du haut de la vallée de la Roya. Le village est, par le côté EST, la frontière de l’Italie avec la France à laquelle il est rattaché depuis 1860 par le « Traité de Turin » pour lequel, par référendum, l’ensemble des votants ont exprimé le choix du oui.
Delphine a 17 ans quand elle reçoit cette carte. Le recensement indique qu’elle habite en 1906 à Saorge, « rue centrale », avec ses parents, sa petite sœur Véronique, son frère François et son grand-père maternel Jean-Baptiste FIARDO.
- AD06 – Recensement de population - Saorge 1872, 1881-1911- 06M 0201 - vue 167/193
Saorge compte le 3 avril de cette année-là, 1089 habitants pour la plupart regroupés au bourg puisque seuls 18 sont recensés comme « population éparse ». 31 sont comptés « à part » (militaires actuellement en casernement).
Delphine est née le 23 août 1887 à huit heures du soir. Elle est la fille de Julien MOSÇIO, propriétaire cultivateur et d’Appolonie FIARDO, son épouse.
- AD06 - Saorge - Naissances 1886 à 1888 – vue 15/29
Delphine de Cannes.
Un peu rebuté à l’idée de devoir « éplucher » les 487 pages du recensement de Cannes en 1906, je me suis rabattu sur les tables décennales afin d’y trouver d’éventuels BOTTON, ce qui a été relativement plus rapide, les individus étant classés alphabétiquement plutôt que géographiquement.
Les TD des naissances de 1893 à 1902 indiquent 7 naissances :
- AD06 – Tables Décennales - Cannes 1893,1902 - vue 23/335
Jetons notre dévolu sur Jean Eugène, premier né en 1894, et miracle, pas besoin de chercher plus loin :
Le 27 novembre, Joseph BOTTON, employé demeurant avenue de Stasbourg vient déclarer la naissance de son fils, de lui déclarant et de… Delphine MOSÇIO !
La coïncidence est trop forte pour que ça ne soit pas la bonne piste.
Et en effet après quelques recherches dans les registres numérisés, une quinzaine d’années plus tôt, le 28 octobre 1880, Joseph BOTTON, garçon pharmacien âgé de 25 ans avait épousé, à Saorge, Delphine MOSÇIO, âgée de 20 ans, fille de François et de Lucrèce SAORGINO : elle n’est autre que la sœur de Julien MOSÇIO (AD06 - Saorge - Mariages 1871 à 1885 – vue 179/246).
Delphine BOTTON, émigrée à Cannes avec son époux pharmacien répond donc à sa nièce restée dans leur petit village de naissance. Julien avait tout simplement donné en 1887 à sa fille le prénom de sa sœur.
Que l’année qui commence vous apporte le plein de découvertes historiques et généalogiques mais surtout santé, bonheur et joie.