Bertrand naît le 9 mars 1711 au village de Kerangoch [1] en Locmariaquer dans le Morbihan. Le village se situe au sud de Crac’h, à environ 2,5 Km du centre du bourg et à 4 Km de Locmariaquer. Ses parents sont Louis Toumelin [2] et Marie Le Corvec et vivent des faibles revenus de leur métier de tisserand [3] .
Avant Bertrand, ses parents ont eu 2 enfants, René [4] et un autre garçon qui n’a pas eu de prénom car mort dès sa naissance, le 14 décembre 1709. Le couple aura deux autres enfants après Bertrand : Vincente le 23 janvier 1714 et Vincent le 17 septembre 1718. Tous sont nés au village de Kerangoch.
Acte de baptême de Bertrand Toumelin L’an de grace mil sept cent onze le neuvième de mars a esté par moy soussigné baptisé un fils légitime de LOUIS TOUMELIN et de MARIE LE CORVEC ses père et mère tissier de Kerangoch auquel on a donné le nom de Bertrand. Le parrein a esté BERTRAND LE PINVEDIC et la maraine JANNE LE GALL du dit Kerangoch qui ont tous déclaré ne scavoir signer ainsi signé. G Sisrin Vicaire principal de Locmariaquer |
Le 4 février 1738, il se marie avec Anne Le Pevedic en l’église de Crac’h [5] .
Acte de mariage de Bertrand Toumelin L’an de grace mil sept cent trente huit le quatrième jour du mois de février ayant la publication aux prônes de nos messes paroissiales les bancs du mariage a contracté BERTRAND TOUMELIN et ANNE LE PEVEDIC les deux de cette paroisse savoir la publication des premiers bans le 19 le 26 janvier celle du troisième le second février sans aucune opposition ni empêchement civil ni canonique à connaissance je soussigné curé après avoir reçu leur mutuel consentement les ay solennellement mariés par parole du présent en présence de BERTRAND LE PEVEDIC père de l’épouse de MARIE LE CORVEC mère de l’époux majeur du 11 mars 1711 et ay ensuite célébré la messe je leur ay donné la bénédiction nuptiale selon la forme et la cérémonie observée par notre mère la sainte église et ont les dits époux et témoins déclarés ne savoir. Ainsy signer en l’original. Pierre Le Prado Curé de Crach |
Le 13 juin 1739, Bertrand et Anne ont leur premier enfant, un garçon qu’ils prénomment Philibert. Bertrand est alors meunier du moulin de Kerverch en Crac’h.
Par la suite, ils auront huit autres enfants, tous nés à Crac’h (Nouëlle née le 26 novembre 1741, Anonyme né et décédé le 10 juillet 1743, Marie Thuriane née le 5 juillet 1744, François né le 28 février 1746, Hélène Marie née le 27 février 1749, Charlotte Marie née le 4 octobre 1751, Joachim Marie née le 14 mars 1753 et Vincente née le 23 février 1755).
Le moulin de Kerverch est un moulin à vent [6] qui peut produire chaque jour 12 hectolitres de farine dont la qualité de la mouture est dite à la grosse [7] [8] .
Bertrand loue son moulin à François de Coué, seigneur de Salarun en Theix, propriétaire de la seigneurie de Kergurioné [9] . Il acquitte le loyer à la fois en argent et en nature.
- Représentation imaginaire du moulin de Kerverch - Dessin Jean-Yves Le Lan
Bertrand moud le grain des habitants situés dans un périmètre d’environ une lieue [10] autour de son moulin. Le seigneur a porté à sa connaissance le nom de tous les paysans contraints de s’y rendre. En vertu du droit de « banalité », nul ne peut moudre son grain, en conséquence, les paysans et les particuliers ayant prêté serment au seigneur de se rendre uniquement à ce moulin, ils en deviennent ainsi les usagers obligés que l’on nomme les « moutaux ».
Les paysans se rendent au moulin en portant leur blé sur leur dos. Certains empruntent des charrettes ou louent des chevaux. A la mauvaise saison, le blé arrive au moulin complètement mouillé et il faut attendre qu’il sèche pour le moudre, alors qu’au retour, les sacs de farine prennent l’humidité.
Pour son travail, Bertrand est rétribué en nature par les paysans ou les particuliers qui lui confient leur grain. Selon la Coutume de Bretagne, il est autorisé à prélever 1/16 du grain apporté, soit 6,25%, c’est le droit de « moute ». A cet effet, il utilise une écuelle spécifique dite « pince-grain » ou encore « écuelle pour percevoir le droit de moute ».
La farine est rendue à chaque propriétaire sans avoir été « blutée », c’est-à-dire sans y avoir enlevé le son. Cette mouture primitive est dite « mouture à la Grosse ». Employée tel qu’elle, elle fournit un pain très nourrissant mais peu digeste. En ville, le blutage est effectué par les boulangers.
Sur sa part, Bertrand prend le temps de tamiser la farine pour en extraire le son avec lequel il nourrit des porcs, des oies et des canards qu’il vend sur les marchés locaux. Il y écoule aussi l’excédent de grain et de farine provenant du droit de moute.
Seul le commerce parallèle lui procure des revenus en espèces [11] .
La fin de vie de Bertrand Toumelin ne nous est pas connue car nous n’avons pas retrouvé dans les archives la trace de son décès.
La fraude d’un meunier Paris, le 1er messidor l’an 4 de la République une et indivisible. Le Ministre de la Police générale de la République, Au Commissaire du Directoire Exécutif près le Département du Morbihan a Vannes. Un nouveau genre de délit vient, citoyen, de parvenir à ma connaissance. Un meunier avoit pratiqué dans la construction du moulin qu’il exploitoit des cachettes à l’aide desquelles, il faisoit tourner à son profit, une portion considérable de la farine provenante du grain qu’on lui donnoit à moudre, indépendament de la mouture qu’il recevoit. Le moulin étoit disposé de manière que la farine ne tomboit pas toute dans l’arche destinée à la recueillir pour être délivrée au propriétaire ; mais qu’un dixième au moins s’échapoit à la faveur d’un trou pratiqué dans la meule, correspondant à un autre trou fait dans la muraille, et se rendoit ainsi dans un coffre déposé dans une cave au dessous de l’usine sans que le propriétaire du grain, présent à la mouture put s’appercevoir de la fraude ; ces trous étoient cachés par des pierres amovibles et par dessus planchers et bois non clouéts. La fraude ayant été constatée, le meunier a été condamné à 4 années de fer, et à l’exposition aux regards du peuple, pendant six heures conformément à la loi. Les mêmes moyens de fraude peuvent se répéter dans d’autres communes de la République ; il est sans doute des meuniers à la probité desquels leur citoyen rendent hommage ; mais aussi il en est d’autres que l’opinion publique accuse et sur lesquels l’œil de la police doit être constament fixé. C’est par une surveillance très active et soutenue que l’on peut espérer, si non de ramener cette portion d’hommes à des sentiments de moralité et de justice dont ils n’auroient jamais dû s’écarter, au moins de prévenir leurs spéculations frauduleuses. Je vous invite, citoyen, à faire faire par les juges de Paix, assesseurs, et officiers de police, le jour que vous fixerez une visite de tous les moulins situés dans votre arrondissement, pour reconnaître si dans la construction de ces usines, il n’auroit point été pratiqué de cachette, ou d’autres moyens à la faveur desquels les meuniers puissent détourner frauduleusement à leur profit, une portion du produit des grains, qu’on leur donne à moudre, de constater par des procès-verbaux les moyens de fraude que l’on auroit découvert et de faire traduire le coupable devant les tribunaux. Ces visites faites avec soin et prudence par des officiers de police instruite des manœuvres criminelles employées par ces meuniers pour tromper les citoyens et répétées avec des actes de sévérité contre les délinquants sont des moyens infaillibles pour arrêter les progrès du mal. Je vous engage donc à provoquer cette mesure dans votre arrondissement, à vous de faire rendre compte et à m’instruire de ses résultats. Salut et fraternité Colhon Source : Archives départementales du Morbihan - N° L 287. |
Ce texte a déjà paru dans La Chaloupe N° 74 (2T2005), revue du Cercle Généalogique de Sud-Bretagne.