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Aubin Denizet et le baron de Cambray : au XIXe siècle, quand deux mondes se rencontrent

Le jeudi 24 janvier 2019, par Alain Denizet

Avant d’écrire ce livre – dont la réédition est présentée par la Revue Française de Généalogie d’octobre-novembre 2018 [1] - j’ai d’abord reconstitué la généalogie d’Aubin, listé ses relations familiales et de voisinage. La connaissance de ses familiers était la garantie de sélectionner par la suite, les évènements et les affaires qu’il avait eu le plus de chance de connaître à leur contact. Les articles précédents évoquaient les disputes de voisinage, les violences conjugales et l’enfance d’Aubin marquée par les guerres napoléoniennes. Après les maîtresses de ferme, les domestiques et les journaliers, nous abordons dans une série de portraits, les notables du village. Nous avons, les semaines précédentes, décrit le rôle du curé, de l’instituteur et du médecin. Le dernier article concerne le baron de Cambray : pour les villageois, c’est un être hors du commun. Récit d’une rencontre entre deux mondes.

Le château se compose d’un pavillon central encadré par deux ailes. La symétrie s’observe à partir du jardin dont les allées amènent le promeneur dans les bois et à un canal pour les jeux d’eau. L’extérieur est dans ses grandes lignes connu des habitants. Mais, se représentent-ils l’intérieur ?

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Le château de Cambray, à 35 km de Chartres.

Jusqu’à l’âge de seize ans, Aubin a vécu dans la ferme du château, exploitée par son père, puis par sa mère devenue veuve. Nous savons par les livres de compte du baron de Cambray que sa mère venait au château pour régler le fermage. Nous pouvons en déduire qu’Aubin, plus qu’un autre, a eu connaissance du domaine, de ses extérieurs et peut-être de quelques pièces de son intérieur directement ou par les dires des domestiques.

Mais il y a mieux. Voici pourquoi : l’inventaire après décès établi à la disparition de l’épouse du baron en 1830 a pour témoin deux villageois. Il est plus que probable qu’ils aient raconté à leurs semblables ce qu’ils ont vu et inventorié plusieurs jours durant. Gardons à l’esprit pour saisir le contraste qu’ils vivent dans deux pièces. Découvrons avec eux le château et donc, ce qu’ils ont pu en dire...

Qu’y voient-ils d’extraordinaire ? Le luxe, bien sûr, mais aussi une conception de l’habitat qui leur est étrangère : chaque pièce a une fonction spécifique. Le salon, les pièces attenantes, la salle de billard sont les lieux de mondanité. Le « piano en acajou de quatre octaves d’une valeur de 250 francs » peut surprendre : qu’est ce qu’une octave ? Plus que tout, le prix déconcerte : c’est la valeur de deux vaches ou des gages annuels d’une domestique de ferme.

L’inventaire mène ensuite nos deux hommes dans une chambre dotée d’un petit cabinet avec « un bidet et un pot en faïence », puis dans une autre chambre ouvrant sur une « salle de bain avec une baignoire en fer blanc garnie de roulette » : une pièce entièrement dévolue à la toilette !

Le baron dispose au rez-de-chaussée de trois pièces pour son usage personnel, l’une pour recevoir, la deuxième est l’écrin d’une bibliothèque de neuf cents livres, la troisième est une chambre. Ce qui suggère que le baron ne partage pas toujours le même lit que son épouse.

Entre les masures paysannes et le château, tout indique un fossé abyssal ; l’univers du baron n’est pas celui des villageois dans au moins trois domaines clés : celui de l’intime, une pièce particulière pour une baignoire, des pièces distinctes pour l’homme et la femme ; celui de la culture, profusion de livres et de tableaux ; celui du train de vie, billard et vins fins. En 1854, 20 000 francs sont affectés aux frais de maison et de table, 12 000 aux dépenses personnelles et 2 000 francs à sa femme pour pension de toilette.

Près de dix personnes s’activent à leur service : régisseur, garde-chasse, jardinier, valet de chambre, femme de charge, femme de chambre, cuisinière et cocher. Outre le personnel attaché à sa personne, le baron donne de l’ouvrage à un nombre important d’employés occasionnels. Trente à quarante ménages de Germignonville – soit le quart de la population - dépendent des travaux commandés par la famille de Cambray et de ses terres. Ce n’est pas le cas de la famille d’Aubin, mais ce dernier comme tant d’autres vient acheter des fagots qui viennent des bois du baron. Avec plus de 450 hectares, le baron est de très loin le premier propriétaire de la commune. Pas un tour de plaine sans voir une parcelle qui soit sienne ou qui puisse un jour le devenir. Enfin, le baron contrôle directement la vie municipale en faisant élire comme maire l’un de ses fermiers ou son régisseur.

A sa manière, la famille de Cambray incarne cette noblesse qui ayant traversé sans dommage l’épisode révolutionnaire a su préserver son influence et maintenir son statut.

Enfin réédité !


[1RFG, n°238 : « Livre salué à sa parution (en 2007), il est proposé avec un texte revu et corrigé, complété par l’ajout d’un cahier de 20 pages d’illustration. Encore mieux ! ». Critique précédée d’une interview de Jean-Louis Beaucarnot. Revue de presse complète sur alaindenizet.fr

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1 Message

  • Pourquoi y-a-t-il eu deux témoins lors de la rédaction de l’inventaire ?

    Les actes notariés devaient à l’époque être reçus par deux notaires. Si un deuxième notaire ne pouvait être présent, il pouvait être remplacé par deux témoins.
    Cette règle a disparu, pour la passation de la plupart des actes au début du XXe siècle. Elle a perduré jusqu’il y a une trentaine d’années pour la passation des donations et donations-partages, par exemple. Actuellement, elle existe toujours pour la passation des testaments authentiques qui doivent être reçus par deux notaires ou un notaire et deux témoins.

    Répondre à ce message

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