Bonjour à tous,
En lisant ce témoignage d’Aline Chéreau, j’ai cru revivre ma propre traque d’un arrière-arrière grand père inconnu.
Germaine Lupo, ma grand mère paternelle, née à Reims en 1888, était fille de Louis Adolphe, serrurier, né en 1854 de père inconnu et de Césarine Félicité Lupo, lingère, qui accouche à l’âge de 15 ans et demi.
Je décidais de m’intéresser plus avant à cette demoiselle dont les prénoms me plaisent beaucoup et qui, séduite si jeune, de condition modeste, et accouchant l’année même de la résurgence du choléra à Reims, avait décidé de garder l’enfant et de l’élever. Mais comment savoir qui avait été le géniteur de mon arrière grand père ? Il demeurait dans mon arbre une zone d’ombre, et qui s’agrandit encore quand je découvre que le père de Césarine, Jean Baptiste Lupo, était né en 1786 de Marie-Antoinette Lupo et , lui aussi, de .... père inconnu. Cela devenait une habitude dans cette paroisse Saint-Jacques de Reims où j’ai retrouvé les Lupo jusque avant l’an 1600.
Louis Adolphe n’était que le premier enfant naturel de Césarine,. Elle habitait alors 13 rue des Carmélites. Un deuxième, Louise Juliette, nait en juin 1861. Puis un troisième, Louise Camille, en mars 1863. Elle réside alors rue de Chativesle. Et un quatrième, Arthur Gaston, en juin 1864, au 26 de la rue du Cimetière de la Madeleine. On ne va pas en rester là puisqu’un cinquième enfant naturel, Joseph Gaston, les rejoint en octobre 1865, à la même adresse... Entre temps, Arthur Gaston est décédé à 6 mois en décembre 1864, suivi de Louise Camille, à 2 ans, en avril 1865.
C’est la sage-femme du moment qui déclare la naissance des enfants de Césarine à la mairie. Mais lors du décès d’Arthur Gaston, c’est un chef monteur de machines aux Chemins de Fer de l’Est de 41 ans, Louis Rasselet, qui déclare le décès. Or il est domicilié à la même adresse que Césarine. L’année suivante, il déclare le décès de Louise Camille. Il est alors établi comme serrurier, mais toujours à la même adresse. Un voisin donc, et plus si affinités, peut-être ?
Et c’est alors que je découvre - enfin – à la date du 7 février 1866 l’acte de mariage de Césarine avec ce Louis Rasselet, ! J’ai trouvé le géniteur de Maurice !
Mais je dois vite déchanter.
Si les nouveaux époux profitent du mariage pour reconnaître leurs enfants, cela ne s’applique pas à tout le monde. Des trois enfants encore en vie, seuls Louise Juliette et Joseph Gaston perdent leur nom de Lupo pour devenir Rasselet. Louis Adolphe, qui a maintenant 12 ans, n’est pas reconnu.
Mais l’histoire ne se termine pas là. J’avais bien songé que Césarine devait être bien accorte pour avoir été séduite aussi jeune et avoir ensuite entretenu la flamme du monteur de machines. J’ai voulu chercher la trace des enfants Rasselet. De Joseph Gaston, pas de trace. Une seule piste s’ouvre, mais laquelle ! Celle de la fille de Césarine, Louise Juliette !
Sur un arbre en ligne, je découvre qu’elle a épousé à Reims en 1888 Louis Henri Walbaum, le fondateur des Transports Walbaum, entreprise toujours en activité à Reims. Mais comment en est-on arrivé là ?
C’est « la Vie Rémoise », chronique de la vie à Reims aux 19e et 20e siècle par Eugène Dupont (1859-1941), génialement mise en ligne par Jean-Yves Sureau de Reims, qui va me donner la clé. Eugène Dupont, dans sa chronique mondaine de 1888 relate les mariages qui ont compté dans l’année. Je le cite :
« Mariage entre Henri Walbum, 33 ans, commissionnaire de roulage, fils de Florens, et Louise Juliette Rasselet, 27 ans, fille de feu Rasselet-Lupo, serrurier.
La Rasselet est une fort jolie blonde frisée, à peau d’albâtre rosé, élégante, avec une ligne admirable. Mésalliance, mais mariage d’amour. Henri Walbum beau rouquin, même teint, doux et affectueux. »
Bref, il est assez peu commun de découvrir dans une chronique mondaine du 19e que la demi-soeur de son arrière grand père était une jolie blonde frisée à peau d’albâtre rosé ...
J’en conclus que la fille avait donc dû avoir aussi belle ligne que sa mère... Quelle destinée pour Césarine, la lingère qui ne savait pas signer lors de son mariage à 26 ans, de voir sa fille grimper ainsi l’échelle sociale, même au titre d’une « mésalliance » ...
Le père de Henri Louis, Florens Walbaum, né en 1821 à Reims était négociant en champagne, associé à Heidsick & Cie en 1876. Ses parents étaient d’origine allemande.
L’acte de mariage m’ apprend entre autres que la mère d’ Henri Louis a donné son consentement par acte notarié, mais n’est pas présente à la cérémonie. Quant à Césarine, elle exerce désormais la profession de marchande fruitière, mais elle non plus ne sera pas présente à la cérémonie.
La tradition Lupo se maintient car il est précisé dans l’acte que les dits époux ont déclaré reconnaître et vouloir légitimer deux enfants nés d’eux à Reims avant mariage ...
J’ai appris depuis de Monsieur Hubert Walbaum qui a réalisé la généalogie de cette famille que le mariage n’avait en effet pas laissé la famille insensible : « cette union avec Juliette fut considérée dans la famille comme une double mésalliance parce que catholique, alors que tous les Walbaum, à l’origine luthériens, descendants de nombreux pasteurs, sont devenus membres de la Confession d’Augsbourg en France, avant de devenir protestants de l’Église Réformée, et que sa famille n’était pas du même rang social, ce qui comptait beaucoup à l’époque, heureusement révolu aujourd’hui. Mais à l’époque de son mariage Juliette Rasselet passait pour être la plus belle fille de Reims, alors ! ».
Louis Adolphe Lupo avait-t-il appris de sa mère qui était son père ? Je ne le saurai sans doute jamais.
Il a eu deux enfants : Maurice, tué en avril 1915 dans la boue des Eparges et Germaine qui épousa en 1912 Charles Chevaillot, mon grand père, abattu avec 600 autres soldats français lors de la bataille de Brandeville le 29 août 1914, juste après que Germaine ai pu donner le jour à mon père, et que l’histoire puisse ainsi être rapportée aujourd’hui.