Le premier intéresse l’année 1765 et il est ainsi rédigé :
Le 4 octobre, il s’éleva un vent impétueux et brûlant qui abatit presque tous les fruits des arbres, même grande quantité d’arbres, surtout en la forêt de Perseigne.
Le 20 décembre, au matin, mourut à Fontainebleau Monseigneur le Dauphin, regretté généralement. Tout Paris a pris le deuil, son cœur fut porté à Saint Denys et son corps à Sens. »
Ces annotations sont intéressantes en fonction de ce dernier paragraphe. Pourquoi les corps de Louis Ferdinand de France, et de sa deuxième épouse, Marie Joseph de Saxe, décédée deux ans plus tard, parents de Louis XVI, Louis XVIII et Charles X ont-ils été inhumés dans la cathédrale de Sens. La tradition de Saint Denis n’a pas été respectée mais cela a peut-être une explication. En effet, Louis Ferdinand avait une dévotion pour son illustre ancêtre LOUIS IX, plus connu sous le nom de SAINT LOUIS, or ce dernier se maria en cette cathédrale Saint Étienne de Sens à Marguerite de Provence en 1234.
Louis Ferdinand de France est né en 1729, il décédera au château de Fontainebleau à l’âge de trente-six ans, frappé par la tuberculose, ce dont son épouse héritera ce qui entraînera son décès deux ans plus tard. Il passe pour un être érudit, connaissant le latin et l’anglais et ayant la réputation d’être amateur de musique. Par contre rebute les exercices physiques.
Aîné des enfants de LOUIS XV, il décédera avant son père et n’ayant pas de frère en vie c’est donc son propre fils aîné, Louis, qui montera sur le trône sous le nom de LOUIS XVI.
La deuxième annotation des registres concerne l’année 1767. Le prêtre écrit :
La dysenterie a fait mourir grand nombre de personnes dans le cours de cette année, la petite vérole y a succédé mais elle nétoit pas dangereuse et ne marquoit presque pas. Les gros rhumes sont venus ensuite sans faire grand ravage.
La dysenterie a commencé dans ces païs dès octobre et a continué jusqu’à la fin de 1767 à faire beaucoup de ravage. Mr Vetillard, médecin du Mans est venu par ordre du Roy remédier à cette contagion ; il a arrêté en grande partie le cours du mal en purgeant ses malades avec l’ypecacuana de la doze d’un gros dans un verre de vin blanc. Ensuite une seconde purgation avec la manne et le catholicum, puis force lait pour breuvage ».
Quant à la médication prescrite il faut savoir que l’ypcacuanha, en fait l’ipéca, est un vomitif quant au catholicum c’est un purgatif et astringent composé de nombreuses plantes dont des fougères, du fenouil, du tamarin, du sené, anis, réglisse, rhubarbe, divers sucres, violette etc. Quant à la manne on peut penser qu’il s’agit « de la bonne volonté de Dieu » et de l’utilisation de recettes locales non définies.
Notre prêtre d’Aillères ne porta plus d’annotations jusqu’en 1788 et là il nous dit :
Le termomètre a descendu une ligne moins qu’en 1776 où il descendit jusqu’en la bouteille. La plupart des cidres ont été faits après les Rois de pommes presque toutes gelées et pourries et , communément, le cidre a été bon ».
Il était vraisemblable que l’année 1789 serait l’occasion pour notre « chroniqueur » de relater les événements. Il ne s’en est pas privé. Voici ce qu’il nous dit :
Le 22 juillet l’assemblée nationale trouve le moien d’exciter une alerte générale dans tout le Roiaume, partout on croiait être sur le point de périr, dela part d’une horde très nombreuse de brigands bien armés. Tous les habitans de la campagne coururent au secours des villes avec toutes sortes d’instruments meurtriers. Le 23 on vit que ce n’était qu’une fausse alerte, et on en fut quitte pour la peur.
Vers la mi septembre on découvrit un complot d’enlever le Roy pour le transférer de Versailles à Metz en Loraine, afin que les Etats Généraux trop éloignés du souverain fussent obligés de se séparer, et s’en retourner chacun chez eux. Les Parisiens formèrent le dessein d’aller à Versailles prendre le Roy et l’emmener à Paris, ce qu’ils firent, après avoir tué plusieurs gardes du corps. Avant cela les princes du sang royal, craignant pour leur vies, prirent la fuite, ils n’ont pas encore reparu. Monsieur n’a point fui.
Au commencement d’octobre, les États Généraux qu’on nomme maintenant l’Assemblée Nationale, furent transférés de Versailles à Paris, où est le Roi. Les Parisiens ne lui permettent pas de prendre les plaisirs de la chasse, de peur qu’il ne leur échape par l’intrigue des aristocrates qui ont emploié toutes sortes de moyens plus indignes les uns que les autres sans pouvoir réussir à faire échouer les projets utiles de réforme, d’une infinité d’abus crians et oppresseurs pour le Tiers État. Dès le commencement d’août, le sel fut mis de 12 ( ?) à 6 ( ?). Les greniers à sel ne vuident ( ?) nulle part, vû qu’un grand nombre de charretiers sont allés aux salines charger de sel leur voiture, dont ils ont remplis toute la France au pris de 2 ( ?) et même à moins.
Les cidevant privilégiés sont obligés de payer la taille et autres impositions pour les six derniers mois de cette année. »
Voilà un prêtre qui, au travers de ses écrits, laisse bien apparaître son amertume et ses encouragements au mouvement révolutionnaire qui va changer la vie de millions de Français et pour les siècles qui suivront. Nous sommes les héritiers de ces révolutionnaires et il est intéressant d’évaluer la situation d’alors au travers d’écrits spontanés.
Sources : BMS Aillères 1700-1792 Cote 1 Mi 1247 R1 (A.D. Sarthe).
Cet ouvrage, étude inédite, se propose de vous faire découvrir quelques-unes de ces mentions insolites et de vous en montrer la richesse historique et généalogique. Il répond à bien des questions au sujet de ces textes insolites qui parsèment les registres paroissiaux : Pourquoi certains curés notent des mentions insolites ? Que nous apprennent-elles sur la vie quotidienne de nos ancêtres ? Comment repérer, déchiffrer, transcrire et commenter ces témoignages du passé ? Comment les utiliser pour compléter notre généalogie et l’histoire de notre famille ou de notre village ?
Il s’agit du premier numéro de Théma, la nouvelle collection d’histoire et de généalogie.