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Apport des faits divers sur la découverte de la vie quotidienne : un exemple dans le Doubs

Le vendredi 24 février 2023, par Sébastien Bulenger

François "Félicien" Vernier est né le 10 décembre 1874 à La Chaux de Gilley, dans les hauteurs du Haut-Doubs. Il habitait à Arc-sous-Cicon, commune proche de son lieu de naissance. Il est mort jeune, à huit ans, à Lièvremont, à une dizaine de kilomètres à vol d’oiseau de son domicile, tout près de la frontière suisse (à trois kilomètres exactement), dans la maison d’un non-affilié. Chose curieuse, son acte de décès n’indique que des témoins non affiliés, ce qui n’est pas courant pour un enfant. Cet enfant semble être donc mort hors de sa famille [1].

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Acte de décès de François Félicien Vernier, Archives du Doubs, NMD 1881-1890
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Acte de décès de François Félicien Vernier, Archives du Doubs, NMD 1881-1890

Par acquis de conscience généalogique, j’ai fait une recherche sans grande conviction et sans grand espoir sur Gallica. Quelle ne fût pas ma surprise de découvrir un court fait divers qui, au final, nous en apprend beaucoup sur le quotidien [2] !

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La Justice, 25 octobre 1883, p.4

Passons la mort horrible de Félicien et attachons-nous aux petits détails.

Alors que la Suisse est située à une quinzaine de kilomètres à vol d’oiseau de son domicile, un enfant de huit ans n’hésite pas à faire le trajet seul avec sa soeur, à priori à pied, dans un paysage montagneux (il s’agit probablement de sa seule soeur ainée, âgée de seulement de neuf ans ; les autres soeurs de Félicien ayant trois ans et un an, en 1883, à sa mort, on peut supposer que ce n’est pas elles qui l’accompagnaient sur ce long trajet). Cela va dans le sens d’autres observations que j’ai pu faire dans la généalogie de ma belle-famille : il y avait déjà au XIXe siècle d’intenses échanges entre le Doubs, particulièrement le Haut-Doubs, et la Suisse. La frontière était très poreuse et n’était qu’un tracé sur les cartes.

On se méfiait toutefois beaucoup des douaniers. Ici, pour éviter de payer les droits de douane d’une bouteille de liqueur, on a trempé le bouchon dans du pétrole pour tromper le nez des douaniers. Non seulement on y découvre la méthode des douaniers pour repérer les bouteilles d’alcool (à l’odeur !) mais on y découvre aussi une méthode originale pour contrer les pratiques douanières.

Et surtout, on découvre dans ce fait divers un garçon de huit ans qui fume la pipe sans que cela ne semble choquer le rapporteur de ce fait.
On confirme ainsi que, au XIXe siècle, les enfants étaient de petits adultes avant l’heure, parcourant seuls de longs trajets dans les montagnes pour jouer le rôle de "mules" trans-frontalières, tout en prenant des pauses pour fumer la pipe.

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10 Messages

  • Bonjour,

    Sur la condition des enfants un peu plus tard vers 1914 :
    J’ai une photo de grands oncles âgées de 8 et 10 ans avec leur attirail de ramoneurs...

    L’aîné a exercé ce métier durant toute sa vie, le cadet après l’exercice de ce métier est devenu employé des chemins
    De fer.
    Une de leur sœur était bergère et seule en montagne avec ses moutons des l’âge de 9 ans...

    Cordialement.

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  • Je lis bien ? Le premier déclarant du décès serait douanier !

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  • Ne regardons pas la vie de nos ancêtres avec nos yeux d’aujourd’hui !
    La mortalité infantile n’était pas due qu’aux maladies : j’ai trouvé le cas d’un enfant de 3 ans tombé dans la cheminée pendant que sa mère était aux champs.
    Pour en revenir à ce cas, "l’esprit" n’est pas une liqueur, mais de l’alcool éthylique, d’où l’explosion de la bouteille. Cet alcool était peut-être destiné à faire une boisson ou à conserver des fruits. Ce n’était pas du trafic, aujourd’hui certains vont acheter leurs cigarettes en Espagne, c’est pareil !
    En 1969, j’avais 12 ans, j’avais le droit de fumer une cigarette le dimanche. Mon père était fumeur, je ne le suis pas.
    Comme dit plus haut, les enfants aidaient les parents, c’était comme ça ! La marche était, pour beaucoup, le seul moyen de locomotion et les enfants faisaient aussi des kilomètres pour aller à l’école.
    Autres temps, autres mœurs ! Non, ce n’était pas mieux avant...

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    • Je confirme le message de Laurence Denis. L’esprit est de l’alcool éthylique avec lequel on faisait des liqueurs "maison". Ma mère en a fait jusque dans les années 1980, mais alors il devenait difficile de se procurer un tel alcool non dénaturé à l’alcool méthylique qui est toxique. Quant à fumer, un ami de mes parents m’a offert en leur présence ma première cigarette à 12 ans en 1959. Je n’ai pas persévéré. Quant à àla liberté des enfants dans les campagnes du début du 20e siècle, mon beau père, de famille paysanne savoyarde, gardait seul les moutons dans les années 1910 à 8 ou 9 ans à plus d’une heure de marche du chalet d’été. Ma femme montre régulièrement à nos petits-enfants le trou entre deux gros rochers où il s’abritait, disait-il, par mauvais temps ! On se remémore aussi dans un lieu voisin la roche où un tout aussi jeune berger s’est déroché et est décédé. Quant à la contrebande, elle était "d’un usage courant" entre France et Suisse, voire Italie, tant dans le Jura qu’en Savoie, pour l’alcool, les cigarettes, et accessoirement le chocolat.

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  • Bonjour,

    Pauvre enfant !! A mon avis, il a dû être exploité par des personnes sans scrupules.
    Cqui m’étonne toujours sur les actes de décès d’enfants ou d’adolescents, c’est la mention : "Célibataire ( ou non marié comme sur celui-ci) et " sans profession".

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  • Merci pour cet article.
    Autres temps, autres moeurs !
    Ma mère m’a raconté que mon grand-père fumait déjà à une dizaine d’années ; il était né en 1906, et travaillait dans les champs et vignes de son père, donc fumer pour un enfant était quasi normal, et de là on en déduit que faire du traffic d’alcool en passant les frontières l’était aussi aussi à cet âge.

    Philippe

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  • Il est difficile de commenter cet article qui, très concrètement, nous apprend quelque chose sur la vie des enfants. Nous savons qu’autrefois on passait de l’enfance à la vie d’adulte, de "petit" adulte, l’adolescence n’existant pas comme elle est aujourd’hui identifiée. Je me demandais, avant de lire l’extrait de presse, si ce jeune Félicien était encore en nourrice, ou s’il était déjà en apprentissage.

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    • Il n’était pas besoin d’être en nourrice ou en apprentissage pour un adolescent, pour exécuter une commission jusqu’au moins dans les années cinquante ou même début soixante.
      Les enfants étaient volontaires pour aider leurs familles si on leur demandait du moins dans mon entourage. Bien sûr, il y en avait toujours qui traînaient les pieds.
      Nous obéissions d’avantage qu’actuellement, probablement par habitude et nous étions moins indépendants. Les parents veillaient davantage et exigeaient la rentrée à la maison à la tombée du jour au maximum.

      G. C.

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  • Merci pour cet article, horrible en soi, mais qui nous dévoile un pan de la vie des habitants frontaliers. Gewa

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