Anthime Lavier est un de mes arrière-arrière-grands-pères du côté paternel né à Truyes en 1832 et décédé à Reugny en 1921.
Comme tous les individus sur cette terre, j’ai un père : Georges Dreux, deux grands-pères : Louis Dreux et Francisque Rochex, quatre arrière-grands-pères : Henri Dreux, Gaston Lavier, Eugène Rochex, Pierre Burdallet et huit arrière-arrière-grands-pères, la liste s’allonge : André Dreux, Auguste Plouseau, Anthime Lavier, Henri Bertin, Claude Rochex, Louis Duchêne, François Burdallet, Joseph Rosier, puis seize arrière-arrière-arrière grands-pères et nous sommes déjà au 18e siècle.
Pourquoi avoir choisi d’écrire un petit texte sur Anthime Lavier ? Trois de mes arrière-arrière-grands-pères du côté paternel ont vécu à Luynes, le village où je suis née. André Dreux et Anthime Lavier s’y sont installés dans les années 1850, l’un comme charron, l’autre comme plâtrier, le troisième Henri Bertin y était boucher tout comme son père. Quelque soixante-dix années plus tard, Eugène et Louis Dreux deux frères et petits-fils d’André Dreux ont épousé respectivement Emma et Noémie Lavier, deux sœurs et petites-filles d’Anthime Lavier. Les liens sont restés étroits entre les deux familles. Noémie, ma grand-mère paternelle en parlait régulièrement. Elle avait conservé quelques photos et chez une cousine, j’ai retrouvé un petit carnet avec une couverture en cuir noir, sur lequel il est inscrit : « Union de Bienfaisance – Lavier ». Ce petit carnet appartenait à Anthime Lavier. J’ai voulu en savoir plus.
Les parents d’Anthime : André Lavier et Catherine Michau se sont mariés à Lazenay, dans le département du Cher, le 18 octobre 1813. André est issu d’une famille de fabricant de drap de serge à Courçay. Contrairement à ses frères, il ne sera pas sergetier, mais fabricant de papier et de carton, un métier qu’il apprend auprès d’un de ses oncles maternels, André Touchard, dans un moulin à papier à Truyes. Son apprentissage terminé, André Lavier part travailler comme garçon papetier dans un moulin à Lazenay une petite commune rurale située à mi-chemin entre Vierzon et Issoudun chez un certain André Michau. Quelques années plus tard, il épouse la fille de son patron et le jeune couple revient s’installer en Touraine au début de l’année 1814. André travaille dans différents moulins à papier. Les deux premiers enfants du couple vont naître à Reignac-sur-Indre au moulin à papier du Vergé, où André est ouvrier papetier, Virginie en 1819 et André en 1826. Puis en 1827, André alors âgé de 42 ans n’est plus ouvrier. Reconnu dans son métier, il est devenu maître papetier et il prend en location le moulin de Truyes appartenant à son oncle, le moulin de son apprentissage. La famille s’installe dans un des bâtiments dépendants du moulin et c’est à Truyes qu’Anthime voit le jour le 15 mars 1832. Aujourd’hui ce moulin n’existe plus, il était situé au centre du village tout proche de l’église.
Sur le recensement de Truyes en 1836, la famille est au complet. La voici :
• André Lavier 51 ans est maître papetier, il est aussi membre du conseil (municipal) et officier de la garde nationale.
• Catherine-Rose Michau, sa femme, 45 ans, est papetière
• Virginie Lavier, 17 ans, leur fille
• André Lavier, 9 ans, leur fils, est écolier
• Anthime Lavier, 4 ans, leur fils
• Anne Touchard, veuve de Jacques Lavier, 80 ans, mère d’André Lavier
• Angélique Michau, 58 ans, demi-sœur de Catherine-Rose Michau, est papetière
• Anne Bréchet, 37 ans, est domestique
La garde nationale était composée en théorie de tous les Français âgés de 20 à 60 ans répartis en service ordinaire et en service de réserve. Un grand nombre de républicains furent élus officiers. Dans les années 1830, la garde nationale était un signe d’ascension sociale, mais aussi un foyer d’opposition.
A la fin du bail de neuf ans du moulin de Truyes, André change de métier. En 1839, pour la somme de 4000 francs, il achète une maison sur la place du Marché au Beurre à Cormery et devient cafetier. Toute la famille traverse l’Indre pour aller vivre à Cormery où nous les retrouvons via le recensement de 1841, André est cafetier, son épouse sans profession, ils vivent avec leurs trois enfants Virginie, André et Anthime, et c’est tout naturellement qu’Anthime âgé de 9 ans apprend à lire et à écrire à l’école de Cormery.
La vie s’organise tranquillement dans leur nouvelle habitation. André gère le café avec l’aide de sa fille Virginie. Les deux fils d’André : André et Anthime fréquentent l’école communale tandis que Catherine- Rose, son épouse, s’occupe des tâches ménagères. C’est une grande maison, avec trois chambres basses. Une pièce sert de café, une autre de cuisine et la troisième de séjour. A l’étage se trouvent trois chambres hautes servant de chambres à coucher. Il existe aussi une cave sous la maison pour stocker les boissons. Au 19e siècle, les cafés sont un carrefour social important, à la fois un lieu de détente, de parole, de jeu et bien sûr de consommation de boissons alcoolisées. Ils accueillent toutes les catégories sociales. Les commerçants et les artisans y négocient leurs affaires autour d’un verre. Les plus modestes, dont les conditions de vie ne sont guère confortables, y trouvent chaleur et distraction. Anthime grandit au milieu de toute cette effervescence. Il côtoie des personnes différentes de son milieu familial, se lie d’amitié avec quelques clients et se crée déjà une idée du monde qui l’attend.
En 1842, Anthime est âgé de 10 ans lorsqu’il assiste au mariage de sa sœur à Cormery. Virginie âgée de 23 ans est limonadière dans le café de son père, elle épouse Jean-Fulgence Gletrais maître plâtrier qui demeure à Cormery. En principe une limonadière ne pouvait vendre que des boissons sans alcool, mais elle servait aussi des verres de vin aux clients. Le métier de cafetier ne convient pas à André, le père d’Anthime. En 1845, nous le retrouvons en tant que fabricant de papier dans le moulin de la Thibaudière à Courçay.
André à 61 ans, il travaille avec son fils André âgé de 19 ans, et un ouvrier du nom de Louis Boué. Comme trois fabricants de papier dans une même famille et travaillant dans le même moulin, c’est difficilement supportable économiquement, Anthime, le second fils d’André, débute à Cormery un apprentissage en tant que plâtrier chez son beau-frère Jean-Fulgence Gletrais.
En 1846, André, le frère d’Anthime et fils ainé d’André, a 20 ans, il doit participer au tirage au sort de la commune de Courçay. Tous les jeunes gens l’année de leurs vingt ans sont obligés de se soumettre à ce rituel. Le tirage au sort sert à déterminer les appelés qui devront effectuer un service militaire. Sur le registre de Courçay, il est précisé : André est absent pour maladie mais il est représenté par le maire qui tire le numéro 67, André est fabricant de papier à Courçay, mesure 1 m 66 et a une difformité de la poitrine, il est exempté de toutes obligations militaires. André Lavier et son fis André poursuivent l’exploitation du moulin de la Thibaudière.
Quant à Anthime, il entame son tour de France pour parfaire sa formation de plâtrier. Il ne s’affilie pas à une Société de Compagnons, mais à la Société de l’Union des Travailleurs du Tour de France. Est-ce dû au fait que son père est un fervent républicain ?
L’Union des Travailleurs du Tour de France a été créée à Genève en 1832 d’une scission avec les Compagnons du Devoir. Elle a pour but de : « détruire les préventions qui engendrent dans la nombreuse classe d’ouvriers voyageurs de fréquentes collisions, dont le résultat est toujours funeste à tous, de faciliter leur instruction professionnelle en leur conservant, par la solidarité et une active surveillance mutuelle sur leur conduite, les principes de moralité et de probité que leur a donnés leur première instruction et éducation. L’ouvrier, appelé par état à quitter le lieu de sa naissance pour s’instruire professionnellement et acquérir l’expérience nécessaire à son industrie, a besoin pour voyager et parcourir les contrées qui lui sont inconnues et où il est inconnu, d’aide et d’appui. C’est donc afin de s’instruire, se secourir et se protéger mutuellement en cas de maladie, de chômages, et de privations de toute nature, que les Sociétaires de l’Union ont institué ladite Société et promis fidélité à leur règlement ».
Tous les ouvriers sont placés sur un même plan d’égalité. Les buts de l’Union sont clairs : il s’agit d’aider l’ouvrier qui voyage, qui fait son tour de France, en lui procurant une halte et de l’embauche. La société est là aussi pour le secourir en cas de maladie. Dans cette optique, point n’est besoin de tout ce qui caractérise le compagnonnage et qui ne fait qu’exciter la haine entre les ouvriers. L’Union supprime donc les cannes, les couleurs, les surnoms et réduit la réception à une cérémonie d’admission sans mystères mais avec serment. Elle conserve le principe d’un réseau d’auberges attitrées gérées par une « mère ».
Anthime est reçu sociétaire à Angers le 1er septembre 1850 et grâce à son carnet nous pouvons suivre les différentes étapes de son tour de France, il manque cependant le nom de ses différents employeurs :
• Angers du 1er septembre 1850 au 14 septembre 1850
• Nantes du 15 septembre 1850 au 5 mai 1851,
• La Rochelle du 6 mai 1851 au 1er juin 1851
• Rochefort du 2 juin 1851 au 5 juillet 1851
• Saintes du 6 juillet 1851 au 19 juillet 1851
• Bordeaux du 20 juillet 1851 au 29 juillet 1851
• Agen du 30 juillet 1851 au 31 janvier 1852
• Bordeaux du 1er février 1852 au 11 février 1852
• Anthime rentre à Tours le 12 févier 1852
Au 19e siècle, les types de transport se diversifient et s’intensifient, notamment grâce aux progrès techniques. Les chemins de fer et les voitures bateaux offrent de nouvelles perspectives aux voyageurs. La ligne de chemin de fer entre Tours et Saumur ouvre le 20 décembre 1848 pour les marchandises et le 20 février 1849 pour les voyageurs, puis elle est prolongée jusqu’à Angers le 1er août 1949 et jusqu’à Nantes le 21 août 1851. Anthime a profité de ces avancées technologiques pour effectuer son tour de France plus aisément. Ce voyage lui permet de découvrir des techniques, des matériaux, des méthodes et des moyens de travail différents d’une région à l’autre. Il lui permet aussi de pratiquer l’esprit de solidarité, d’élargir son environnement, d’apprendre à transmettre son savoir, et de se construire grâce aux épreuves à surmonter et aux étapes à franchir.
Anthime rentre précipitamment chez ses parents à Courçay le 12 février 1852. En effet le 28 janvier, son frère André a été écroué à la prison de Tours sous l’inculpation de fabrication de poudre.
La Deuxième République a été proclamée le 24 février 1848, après cinquante ans de régime autoritaire, avec les grands principes de la Révolution française : « Liberté, Égalité, Fraternité ». Pendant trois ans, cette Deuxième République a permis le rétablissement de la démocratie en France. Les adversaires de la République ne tardent pas à prendre le pas sur ses partisans, eux-mêmes divisés. L’essai d’un régime présidentiel, démuni de contrepoids et de solutions d’arbitrage, et l’élection à la présidence de la République de l’héritier des Bonaparte aboutissent à un coup d’état.
Le 2 décembre 1851, Louis-Napoléon Bonaparte (neveu de Napoléon) organise un coup d’état afin de garder le pouvoir, alors que son mandat de quatre ans prend fin et qu’il ne peut pas se représenter. Il édicte des décrets proclamant la dissolution de l’Assemblée nationale législative, le rétablissement du suffrage universel masculin, la convocation du peuple français à des élections et la préparation d’une nouvelle constitution promulguée le 14 janvier 1852. Cette nouvelle constitution établit un régime présidentiel autoritaire. A la suite de ce coup d’état, Louis-Napoléon Bonaparte passera du statut de Prince Président à celui d’Empereur des Français. Dès le mois de janvier 1852, la résistance menée par les républicains est très rudement réprimée, plus de 27 000 personnes sont arrêtées et inculpées.
La fiche d’écrou reprend son état civil et son signalement physique : âgé de 27 ans, il demeure à Courçay où il exerce le métier de fabricant de papier, c’est un homme brun au teint coloré, portant la barbe et marqué de la petite vérole. Le jour de son arrestation il porte une casquette de drap marron, une chemise de toile de coton, une cravate de laine de diverses couleurs, un gilet de laine brune à raies blanches, une veste d’étoffe olive, une blouse de coton bleu, un pantalon de laine bleu et des bottes, il est inculpé pour fabrication de poudre. Son dossier de mise sous surveillance, trouvé aux archives départementales d’Indre-et-Loire, apporte quelques précisions. Il a été arrêté en même temps que onze autres hommes. Parmi les motifs de leurs arrestations on trouve :
• Se livre avec ardeur à la propagande démagogique et socialiste
• Exerce une funeste influence sur les ouvriers de sa fonderie
• A une mauvaise réputation
• Fabrique de la poudre
• Professe des idées phalanstériennes chez ses clients
Pour André Lavier, il est précisé : « Cet individu, qui a reçu une certaine éducation, a été trouvé possesseur de livres et de journaux dénotant sa propension aux idées démagogiques. Il est noté dans sa commune comme un socialiste exalté, et il est à même d’exercer une influence dangereuse sur les ouvriers qu’il emploie. Il est détenu sous l’inculpation de fabrication de poudre ».
A la suite de ces arrestations, une commission s’est réunie pour statuer sur le sort des inculpés, un homme sera transféré en Algérie, un autre interné et les dix autres mis sous surveillance et libérés de prison, mais ils ne pourront s’éloigner du lieu de leur domicile sans être nantis de « passe-porte » qui leurs seront éventuellement délivrés par les ministres de la Police Générale, de la Guerre et de la Justice. Ces surveillés doivent se présenter tous les quinze jours devant le maire de leur commune, qui transmet chaque fois l’information au préfet. La mise sous surveillance d’André cessera définitivement le 18 novembre 1852, suite à un non-lieu.
1852, est une année difficile pour la famille Lavier avec cette épée de Damoclès au-dessus de leurs têtes. L’exploitation du moulin à papier de la Thibaudière à Courçay doit se poursuivre pour assurer la subsistance familiale. Anthime a provisoirement arrêté son tour de France pour venir soutenir ses parents dans cette épreuve. Durant toute l’année 1852, Anthime et son père ont eux aussi été surveillés, mais de façon moins officielle.
1852, c’est aussi l’année des 20 ans d’Anthime, il doit participer au tirage au sort de la commune de Courçay. Ce registre nous apprend qu’Anthime n’est pas très grand, il mesure 1 m 59, qu’il a des dépôts dans les reins et qu’il est propre au service. Le registre de la liste du contingent du canton de Bléré est plus précis. Anthime ne mesure plus qu’1 m 57, c’est un homme brun, aux yeux gris et au teint clair. Anthime n’effectuera pas de service militaire, c’est un certain Charles Braval qui le remplace. En date du 17 août 1853, André, le père d’Anthime, fait établir un acte administratif pour régler les conditions du remplacement de son fils. Anthime poursuit donc son métier de plâtrier en travaillant chez son beau-frère.
En 1855, André Lavier, le père d’Anthime, alors âgé de 70 ans n’est plus en capacité d’exploiter le moulin à papier, il fait donc avec son épouse une donation à leurs trois enfants de l’ensemble de leurs biens. André l’ainé des enfants reçoit le moulin de la Thibaudière, mais il doit régler la somme de 9000 francs dû par son père suite à l’achat de ce moulin en 1844. Virginie et Anthime, les deux autres enfants, récupèrent en indivision un autre moulin, celui de la Doué, ainsi qu’un grand nombre de terrains acquis par leurs parents au cours de leur communauté. Le moulin de la Doué a déjà un acheteur, Virginie et Anthime le vendent rapidement et soldent aussitôt des obligations pécuniaires dues par leurs parents. Une transaction pratiquement neutre pour les enfants, mais la bonne entente règne dans cette famille. Les trois enfants s’engagent à verser conjointement une pension de 600 francs par an à leurs parents. André peut poursuivre son métier de papetier en conservant son outil de travail, Virginie et Anthime récupèrent environ 1000 francs chacun.
En 1856, Anthime reprend son tour de France afin de terminer sa formation de plâtrier. Le 6 juillet, il est réintégré à Genève. Genève fut au 19e siècle une terre d’asile des proscrits républicains, notamment après le coup d’Etat de Louis Napoléon Bonaparte en décembre 1851, puis après l’écrasement de la Commune en mai 1871. Il y reste jusqu’au 12 avril 1857, date à laquelle il remercie la Société et rentre définitivement en Touraine.
A son retour de Genève, Anthime s’installe à Courçay chez ses parents pour quelques semaines tout en réfléchissant à son avenir. Il possède parfaitement toutes les clefs pour être un bon plâtrier, il aimerait devenir patron. Cependant, il ne peut pas s’installer dans un rayon proche de Courçay, son beau-frère Jean Fulgence Gletrais étant plâtrier à Cormery, un village situé à moins de cinq kilomètres de Courçay. Quel village choisir ? Anthime opte pour Luynes, les métiers du bâtiment y sont bien représentés : des charpentiers, des couvreurs, des maçons, des menuisiers, des serruriers, des vitriers, mais aucun plâtrier. Et c’est à l’automne 1857 qu’Anthime pose ses valises à Luynes où le travail ne manque pas. Les distances ne lui font pas peur, il a l’habitude de se déplacer grâce aux expériences acquises lors des années passées dans l’Union des Travailleurs du Tour de France. Au hasard des chantiers, Anthime va nouer des bonnes relations d’amitiés avec un menuisier de Langeais. Anthime tombe sous le charme de l’une des filles du menuisier, Clara Dupuy. Le mariage a lieu le 1er juin 1858 à Langeais, en présence des parents des époux, de leurs frères et sœurs et d’un grand nombre d’oncles, de tantes et de cousins. Les signatures au bas de l’acte de mariage sont nombreuses. Un contrat de mariage a été établi devant notaire la veille du mariage. Anthime apporte ses effets personnels, ses outils et des créances dues par ses clients, le tout estimé 800 francs. Clara apporte ses effets personnels, quelques meubles et ses économies, pour une valeur totale de 1620 francs auquel s’ajoute une somme de 60 francs que ses parents lui donnent.
Après la fête, les jeunes époux s’installent à Luynes où Clara exerce en leur domicile le métier de lingère. Elle repasse et met en forme les bonnets de dentelles portés par les tourangelles et réalise de nombreux travaux de couture.
Quelques semaines avant la naissance de leur premier enfant, Anthime et Clara achètent une maison à Luynes. La porte d’entrée ouvre sur un corridor qui sépare les deux chambres de la maison, et donne accès à une cour et une cave en roc à l’arrière du bâtiment, des lieux d’aisance et un puits se trouvent dans la cour. Le jardin est séparé de la maison par un chemin communal. Anthime et Clara s’engagent à payer au vendeur, chaque mois de juin pendant dix ans la somme de 150 francs majorés des intérêts au taux de 5% l’an. Cet achat constitue leur première acquisition. C’est la maison de leur vie, Anthime et Clara vont y vivre pendant plus de 50 ans. Tout au long de leur vie, à chaque fois que leurs finances le leur permettent, ils font l’acquisition de terre, de vigne, de caves. Des biens qu’ils partageront entre leurs enfants au moment de leur vieillesse en échange d’une rente viagère.
Cinq enfants vont naitre de leur union, Anthime en 1859, Gaston en 1863, Claire en 1870, Emma en 1874 et Ida en 1882.
Ils sont heureux, même si la vie n’est pas toujours des plus faciles. Le plâtrier exerce un travail pénible et fatiguant, il a l’obligation de travailler vite pour étaler la pâte de plâtre avant que s’achève le durcissement pour éviter de gâcher la matière première. Anthime doit aussi gérer ses différents chantiers et s’assurer que les clients n’oublient pas de le payer.
Comme pour chacun d’entre nous, la vie d’Anthime et Clara est ponctuée de joies, de grands moments de bonheur ou de tristesse et de difficultés. En décembre 1858, quelques mois après son mariage, Anthime se rend à Courçay pour assister à l’enterrement de son frère André.
Et la vie continue, l’année suivante, Clara donne naissance à leur premier fils, qu’ils prénommeront Anthime bien évidemment, l’ainé d’une belle fratrie, tous nés dans leur maison à Luynes.
La même maison en 2012, en face le hangar construit par Anthime pour ranger son matériel de plâtrier et ses outils de jardin, le chemin communal est devenu une route qui relie Luynes à Saint-Etienne-de-Chigny.
Pendant plus d’une dizaine d’années et jusqu’au décès de ses parents, Anthime se rend fréquemment à Courçay où vivent ses proches, mais aussi pour les obsèques de sa mère en 1869, celles de son père en 1871, et celles de son beau-frère Jean Fulgence Gletrais en 1872. C’est en famille qu’Anthime, Clara et leurs enfants vont à Langeais pour rendre visite aux parents de Clara, assister aux mariages des frères et sœurs de Clara et aux baptêmes des neveux et nièces, ou tout simplement partager des moments heureux. 1882, une belle année pour Anthime et Clara avec la naissance de leur cinquième enfant, Ida et le mariage d’Anthime leur fils ainé. Les périodes de bonheur sont malheureusement entrecoupées de phases bien tristes. En 1886, leur fille Emma âgée de 12 ans décède des suites de maladie. La joie revient, en 1891, leur fille Claire épouse un bourrelier de Luynes et l’année suivante débute par le mariage de leur second fils Gaston, plâtrier lui aussi, il se marie avec la fille du boucher de Luynes. Mais la fin de l’année 1892 apporte son lot de malheurs, leur fille Claire décède en mettant au monde son premier enfant, le bébé ne survivra pas et l’épouse d’Anthime, leur fils ainé, décède, elle aussi en donnant naissance à une petite fille qui devra grandir sans sa maman. Les années suivantes sont plus paisibles, les petits enfants agrandissent la famille, Anthime, leur fils ainé, se remarie après un long et douloureux veuvage, et en 1903, leur fille Ida épouse un menuisier.
Tout au long de sa vie, Anthime s’est investi dans son travail, sa vie de famille, la culture d’un grand jardin potager, l’élevage de pigeons voyageurs, la vie de sa commune. C’est également un joueur de boules de fort passionné. Un jeu de boules traditionnel qui se pratique dans la vallée de la Loire de Nantes à Tours. La forme des boules est particulière, elle possède un côté « faible » légèrement évidé et un côté « fort » chargé d’une petite masse de plomb, d’où son nom. La société de jeu de boules « les Grandes Bottes » est créé à Luynes en 1894, Anthime s’y investit rapidement, il est trésorier en 1895, puis vice-président en 1901.
Les trois enfants survivants d’Anthime et Clara sont mariés. Le travail a usé Anthime, en 1905, âgé de 73 ans, il est temps pour lui de profiter d’une retraite bien méritée. En 1905, le couple fait une donation-partage de tous leurs biens à leurs trois enfants, tout en conservant l’usufruit de leur maison et de leur jardin. En échange leurs enfants s’engagent à leur verser une rente leur vie durant.
Le 30 mai 1908, Anthime Lavier et Clara Dupuy, âgés respectivement de 76 et 73 ans, fêtent en famille leur 50 ans de vie commune. Ils réunissent leurs enfants et petits-enfants autour d’un bon repas. Un diner comme il n’en existe plus de nos jours. Le menu que j’ai retrouvé dans les papiers de Noémie Lavier ma grand-mère paternelle est assez alléchant.
Des noces d’or, un évènement pas très fréquent en ce début de 20e siècle. C’est l’occasion pour le journal local d’écrire un petit article.
Peu après cette photo, Anthime et Clara quittent Luynes et leur maison où ils vivaient depuis 1869 et s’installent à Reugny près de chez leur fille Ida. Clara nous quitte en 1919 et Anthime en 1921. Ils sont tous deux inhumés au cimetière de Luynes, avec leurs filles et leur petite-fille.
Sources :
• Musée du Compagnonnage de Tours.
• Fragments d’histoire du Compagnonnage n° 10.
• Sites : Retronews, Gallica.
• Archives départementales d’Indre-et-Loire.
- En ligne : état civil, recensement, liste du tirage au sort, liste du contingent, dossiers d’écrou.
- Aux archives : dossier de mise sous surveillance, actes notariés.
• Archives départementales du Cher.
- En ligne : état civil.
• Documents personnels.