Les deux vies des frères Grandjean sont évoquées dans une fort longue page qui leur est consacrée : deux frères inséparables, oculistes royaux, propriétaires des Moulineaux, une grosse ferme de la Chapelle Rablais, à la fin du XVIIIe siècle. L’on découvre leur vie publique très édifiante et certains aspects de leur vie privée qui ont inspiré un conte -peu moral- du célèbre Restif de la Bretonne.
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De nombreux documents ont étayé cette recherche, cependant il en manque, que le hasard et la chance permettront peut être de découvrir. Il s’agit de tableaux décrits dans ce testament :
"Je donne et lègue à Mme Buisson, nièce de mon mari, à laquelle je conserve reconnaissance des soins qu’elle m’a donné. - Les portraits de son oncle, ceux des deux messieurs Grandjean inséparables dans les idées de mon mari ainsi que celui de la 1e Mme Grandjean représentée nourrissant un enfant."
Imaginons que vous trouviez une forte ressemblance entre les gravures ci-dessus et des toiles du XVIIIe siècle qui ornent les murs de votre salon, de votre chambre, (votre grenier ?) ou que vous les ayez remarquées quelque part ; imaginons, en plus, qu’à côté se trouve des portraits d’homme (n’ayant aucune ressemblance avec les deux gravures) et une femme nourrissant son enfant, provenant du même lot... Imaginons en plus que vous nous fassiez part de vos découvertes, vous feriez alors plus d’un heureux, l’auteur de ces lignes et ceux qui s’intéressent à l’œuvre de Restif de la Bretonne.
Quelques éléments pour aider aux recherches : les "deux messieurs Grandjean inséparables dans les idées de mon mari" furent des oculistes célèbres, Henry et Guillaume, qui eurent les faveurs des rois Louis XV et Louis XVI. Leurs portraits, ci-dessus, gravés par René Gaillard ont été peints par François Bruno Deshays de Colleville. Ils résidaient à Paris, rue Galande, proche de la place Maubert et louèrent à bail de 99 ans des terrains, des maisons et même un théâtre sur le "Boulevart Neuf" qui devint le boulevard Montparnasse, sans oublier l’achat de la ferme des Moulineaux et du fief de la Haute Borne à la Chapelle Rablais.
Sans avoir été mariés, ils eurent une fille avec laquelle ils eurent une relation incestueuse, s’il faut en croire Restif de la Bretonne qui connaissait bien la maison où résidaient les Grandjean et parsema la nouvelle où ils figurent sous le pseudonyme de "Petitjean", de moult détails véridiques. On en attribua la naissance à "Pierre Dollan et dame Margueritte Buzelard tous deux inhumés à l’Hôtel Dieu de cette ville". Elle fut mariée à un imprimeur libraire qui publia des textes de Restif. Henriette Dollan- Grandjean- Guillot puis Masson était "grande, formée, appétissante... Ses vives couleurs, son œil noir, sa gorge superbe, son tour voluptueux alumèrent ses désirs... une grosse rejouie, pleine de gaîté, de bonté" pourquoi pas "jolie, c’est à dire, rouge comme une pomme de chataigner, et ayant l’embonpoint d’une citrouille" si elle ressemblait à sa mère.
- Nicolas Bernard Lépicié, étude de tête pour Fanchon
"Nicolas Bernard Lépicié peintre ordinaire du roy professeur de son académie royale de peinture", était cousin maternel de la jeune épousée. On peut imaginer qu’il l’aurait peinte, puisqu’il la connaissait. Cette tête ronde revient souvent dans ses tableaux, c’est elle qui servit de modèle pour "le lever de Fanchon" représenté à la page des Grandjean. Imaginons Fanchon un peu grossie, nourrissant son robuste enfant... Ce serait tout un énorme coup de chance qu’Henriette ait été peinte par Lépicié sous les traits de Fanchon, ne rêvons pas trop !
En second mariage -le premier mari finit guillotiné comme faux monnayeur-, Henriette épousa Jean Baptiste Masson, le commis de librairie, qui succéda à Jean François Hubert Guillot, eut un intermède comme fonctionnaire au ministère de la Guerre, puis reprit la pratique des "pères" d’Henriette en leur empruntant aussi le nom.
C’est pourquoi Jean Baptiste Masson-Grandjean ne peut ressembler à ses prédécesseurs ; il n’entre pas dans leur descendance, même s’il est qualifié d’élève et parent.
Sur l’un des portraits cités, JB Masson Grandjean pourrait figurer avec les attributs d’un oculiste, et pourquoi pas un œil de verre qui faisait aussi partie de la succession.
Après le décès d’Henriette en 1812, Jean Baptiste Masson Grandjean épousa en 1815 Justine Fany Aglaé Hainguerlot, de la famille de l’épouse de l’un de ses amis, Alexandre Rousselin-Corbeau de Saint-Albin (lui aussi changea de nom au fil des événements). C’est dans le testament de Justine Hainguerlot, décédée en 1843, que l’on peut découvrir la mention des tableaux qu’elle léguait à Mme Buisson, "nièce de mon mari". On peut raisonnablement penser qu’il s’agit de la fille de l’une des soeurs de "Jean Baptiste, fils légitime de Nicolas Masson, mayre royalle, et de Jeanne Riel de cette paroisse (Dommartin le Franc, Haute Marne) est né de légitime mariage le 21 juin de la présente année (1766)" Une fille de Jeanne Riel et Nicolas Masson : Jeanne Elisabeth Masson née en 1749, Elisabeth Suzanne Masson, née en 1757, Marie Agnès Masson née en 1759, Cécile Appoline Masson née en 1762 ; ajoutons aussi le frère, au cas où il s’agirait d’une petite-cousine : Arnould Masson né en 1764, tous originaires de Dommartin le Franc, Haute Marne.
Pour l’instant, la nièce du mari et héritière des tableaux (elle échappa à "un vilain petit cœur de cristal qui m’a été donné par la Mlle de Montpezat"...), Mme Buisson demeure inconnue. Cependant un "Buisson" se retrouve aux côtés de Jean Baptiste Masson Grandjean, au cours d’un procès en 1832, l’un étant oculiste, l’autre lui fournissant des remèdes, il se connaissaient, c’est sûr, mais était-ce le même Buisson que dans le testament ?
"Le Tribunal correctionnel de la Seine a adopté dans plusieurs cas, sur la vente de remèdes secrets, une jurisprudence favorable qui n’est point toujours partagée par la chambre d’appel de la Cour royale. Mme Régent, veuve Fomard, débitante d’une pommade anti-ophtalmique, M. Masson Grandjean et M. Mahon, qui ont vendu ou annoncé d’autres pommades pour les yeux, comparaissaient devant la Cour, sur l’appel interjeté par le ministère public d’un jugement qui les a renvoyés de la plainte.
Les motifs d’acquittement à l’égard de Mme Fromard sont qu’il y a eu pour sa pommade une autorisation anciennement délivrée. A l’égard de M. Masson-Grandjean, qu’il n’a fait qu’appliquer aux maladies des yeux une pommade qu’il fait préparer par le sieur Buisson, pharmacien ; et enfin, à l’égard de M. Mahon, que cet officier de santé a fait divers traités avec les hospices pour la fourniture de médicaments qui ne peuvent être séparés de ses traités.
M. Pécourt, avocat général, reconnaissant que les pommades dont il s’agit ne sont point des remèdes secrets, mais plutôt des cosmétiques composés de substances connues, et qui ne peuvent être nuisibles, a renoncé à soutenir la prévention. M. Victor Augier, avocat des prévenus, s’est borné à de simples conclusions. Le jugement a été purement et simplement confirmé." Gazette des Tribunaux dimanche 29 avril 1832
Qui pourrait m’aider à retrouver ces tableaux ?
N’hésitez pas à me faire part de vos découvertes, qu’elles concernent les tableaux recherchés, d’autres épisodes de la vie des frères Grandjean et de leur famille, des liens entre Nicolas Bernard Lépicié et Henriette... Votre aide, vos remarques -et vos critiques- seront bienvenues.