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1719 : La rue Quincampoix au temps de la Banque de Law

Le vendredi 8 juin 2007, par Thierry Sabot

« La rue Quincampoix (où était installée la banque) était remplie de commerçants de toute classe, dont la plupart avaient abandonné leur profession pour devenir courtiers... Les gens d’occupation mécanique, les commis des financiers, les praticiens, des soldats et des laquais travestis, des femmes même de tout âge, belles ou laides, enfin nombre de gens sans aveu, filous et autres, s’y escrimaient pêle-mêle, jouant au plus fin... Certains, prévoyant que le terrain de cette rue monterait à haut prix, s’emparèrent de toutes les maisons à louer aussi bien que des appartements ; ...on n’en excepta même pas les greniers et les caves. Un savetier qui travaillait sous quatre planches, s’avisa de métamorphoser sa petite hutte en bureau qu’il garnit de plusieurs petits tabourets pour y faire asseoir des femmes que la curiosité attirait dans cette place. Voyant que cette idée lui réussissait, il abandonna son métier pour fournir des plumes et du papier. Son attention dans ce nouveau métier lui a valu jusqu’à deux cents livres par jour, dans le fort des négociations.

Il n’y avait personne, si dénué qu’il fût de secours, qui, à la faveur du négoce qui se faisait dans cette place, ne trouvât à vivre et même à gagner pour l’avenir. Ceux qui n’avaient ni talent ni profession s’avisèrent d’offrir leur dos aux actionnaires qui, ne pouvant se débarrasser de la foule, étaient charmés de s’en servir pour y faire le calcul de leurs opérations. Certain gentilhomme, après s’être bien intrigué, avait trouvé moyen d’avoir une échoppe, mais si petite et si étroite qu’il n’y avait d’autre table que le dos d’un bossu qu’on collait pour ainsi dire contre le mur dans le temps qu’on voulait s’en servir.

Parmi le grand nombre de domestiques qui quittèrent leurs maîtres pour chercher fortune, on a vu certains laquais profiter habilement de ces heureuses révolutions. Le dernier maître qu’il avait servi fut extrêmement surpris, lorsqu’un jour, revenant à pied de la rue Quincampoix pour joindre son carrosse, il se vit faire une politesse par Languedoc. « Permettez-moi, monsieur, lui dit-il en l’abordant, que je profite de cette rencontre pour vous rendre mes très humbles devoirs. Si Monsieur, par hasard, avait renvoyé son carrosse, j’ai le mien ici près, qui le ramènera ». (D’après Marmont Du Hautchamp).

Contexte historique : En 1715, à la mort de Louis XIV, les caisses du royaume sont désespérément vides et les impôts ne suffisent plus à les remplir. La dette de la France est estimée à 2 milliards de livres ! C’est alors qu’intervient un gentilhomme écossais, John Law (il faut prononcer Las ou lo), qui va imaginer de créer une institution, une banque de dépôt et d’escompte, afin de remplacer l’or par une monnaie de papier. L’idée est de favoriser les échanges des moyens de paiement dans le but d’éviter la thésaurisation et de relancer les échanges pour assurer la prospérité du commerce : c’est le « système de Law ». Le succès de la Banque de Law est considérable et les actions de la Compagnie des Indes s’arrachent avec frénésie rue Quincampoix. Certaines fortunes s’établissent rapidement et la fièvre spéculatrice abat même pour un temps les barrières sociales comme on peut le lire dans le texte ci-dessus. Cette agitation s’accompagne aussi de son lot de crimes et délits et les autorités doivent même installer des grilles pour fermer la rue matin et soir et rétablir l’ordre public. Mais, en février 1720, en quelques mois, le système de Law va se gripper puis s’effondrer lorsque de gros actionnaires, bientôt suivis par des milliers d’autres, vont demander le remboursement de leurs actions en monnaie métallique. Très vite, les actions perdent de la valeur, la panique s’empare de la population et les émeutes redoublent à Paris et en Province. Le 10 octobre de la même année, un arrêt décrète la suspension du cours de tous les billets... C’en est fini du « système de Law »... Et pour longtemps, le nom de Law reste attaché à la première et plus retentissante des banqueroutes.

Selon Edgar Faure, l’ouvrage de Marmont du Hautchamp constitue « la première histoire du Système qui fut imprimée et qui malgré l’abondance des anecdotes plus que suspectes reste une mine d’ailleurs très exploitée. »

Sources :

  • Barthélemy Marmont Du Hautchamp, Histoire du Système des finances sous la minorité de Louis XV pendant les années 1719 et 1720, précédé d’un abrégé de la vie du duc régent et du sieur Law, La Haye, Chez Pierre de Hondt, 1739.
  • Edgar Faure, La Banqueroute de Law, 17 juillet 1720, Paris, Gallimard, collection : Trente journées qui ont fait la France, 1977.

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1 Message

  • 1719 : La rue Quincampoix au temps de la Banque de Law 30 mars 2011 16:15, par dom. radada

    je me demande pourquoi on ne fait jamais réference à cette triste histoire pour illustrer, tout anachronisme mis à part, la grande crise mondiale liée à l’équation "géniale" de Blythe Masters, dit "credit default swap" traduit :"permutation de l’impayé", qui généralisée aux plus petits crédits, serait à l’origine des catastrophes finacières que nous vivons... De la rue Quincampoix à Wall street, de LAW à L. Brothers en passant par JP Morgan... Tout se tient il me semble ...Et pourtant nous étions prévenus ! Il n’y pas de miracle à attendre de l’Argent quand on le divinise ! Gare aux retour de flamme !

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