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Une découverte macabre dans un bois près d’Harquency (Eure) le 22 mai 1708

Le jeudi 19 janvier 2012, par Paul Paysant, Thierry Sabot

Au cours de recherches dans les archives d’état civil et registres d’églises de l’Eure, une pleine page du registre paroissial d’Harquency a attiré mon regard. Il y est question du décès d’un pauvre errant, des circonstances de l’annonce de sa mort, de la découverte du corps et du traitement réservé au défunt.

Voici la transcription du texte :

« Le vingt deuxième jour de May de la présente année ayant été averti sur la fin de laprès disné [1] par la dénommée Marie Bequet veuve de François Mauduit qu’elle avoit apris par des femmes du Leomesnil [2] qui aloient à l’herbe [3] qu’il y avoit un homme de mort dans les bois au Triege quils appellent des burons [4] de notre dimage [5]. jenvoyas aussy tot Me Jacques Depiscard soudiacre servant de clerc en notre paroisse avec ladite femme pour voir sil etoit vray. Lequel de retour nous dit quil lavoit veu etandu dans une chippée de coudres [6] alentrée des bois sur la côte. auquel lieu mettant transporté avec luy et pierre Le Roy mon valet avec un cheval estant arivé audit lieu et ayant recité le deprofondis et Loraison. attendu le danger quil y avoit quil ne fut mangé des loups [7] si je luy laissois passer la nuit pour attendre la dessente et vizitte des juges des lieux [8] et veu quon me raporta que ledit deffunt venant etoit incognu et etoit depuis long temps dans le païs mais principalement dans les bois [9] ayant lesprit perdu et tombant du mal caduc [10] et ne voulant point se laisser approcher des hommes sestant enfui de chez plusieurs particuliers qui lavoient voulu retirer chez eux par charité. Tout consisideré pour le plus expediant le cadavre nexigeant que la sepulture je lay levé aidé de mon valet mis dans un sac et chargé sur le cheval et fait monter mon valet pour le tenir et fait decharger dans le cimetiere ou je luy ay donné un drap et lay fait ensevelir en presence de plusiers personnes soussignes avec nous et ayant fait sonner comme on a coutume pour les deffunts je lay solennellement enterré dans le cimetiere avec les prieres et ceremonies ordinaires et accoutumées. donc acte en attendant que je puisse decouvrir son nom et le lieu de sa naissance. Le deffunt estoit de moyenne taille de poil brun les sourcils grands et unis au dessus du nez tres peu de barbe et paraissant navoir pas plus de vingt quatre ou vingt cinq ans au plus sans chemise une chemisette de toille la culotte ne valant rien de lherbe et un baton dans les poches un morceau de pain pres de luy son chapeau ne valant rien mon valet le laissa sur le lieu ny sabots ny souliers de mechant bas de toille pourie et dechirée donc on nen pue oter qun. Le tout certifié veritable par nous prestre curé soussigné avec les temoins le jour et an que dessus ».

Suivent la signature du curé Disolle, de Pierre Michel, de Jacques Depiscard (le sous diacre) et la marque du valet Pierre Le Roy.

Vue AD02701_8MI2155N0072_C des archives d’Harquency. AD27 vue 72.

Notes : Plusieurs passages sont intéressants dans ce texte (voir aussi les notes de bas de page ajoutées au texte) :

  • L’inconnu étant mort non « muni » des derniers sacrements, le curé rédige l’acte en donnant tous les détails nécessaires sur les circonstances de la mort afin de faire connaître la raison pour laquelle les derniers sacrements n’ont pas été administrés. Il s’assure également de ne pas être tenu responsable par ses supérieures (évêques et archidiacres) de la disparition de l’un de ses paroissiens sans sacrements.
  • on remarque ensuite que l’annonce de la découverte macabre parvient au curé par le biais de la rumeur, ce qui explique sans doute le scepticisme du curé.
  • Sur place, le curé juge très vite la situation et la nécessité d’enterrer le défunt sans s’embarrasser des procédures d’usage.
  • Le défunt est un jeune adulte en rupture avec la société. C’est un marginal, un pauvre bougre qui mène une vie d’errant dans les bois. Cette mort est finalement assez banale dans ces années de misère qui courent de 1690 à environ 1714.
  • À défaut d’avoir donné les derniers sacrements au défunt, le curé met tous son zèle à lui assurer une digne sépulture chrétienne.
  • En ajoutant à l’acte une description physique du défunt, notre curé espère sans doute pouvoir identifier l’inconnu un jour prochain... mais rien n’est moins sûr !

Lire l’avis des premiers lecteurs

Cet ouvrage, étude inédite, se propose de vous faire découvrir quelques-unes de ces mentions insolites et de vous en montrer la richesse historique et généalogique. Il répond à bien des questions au sujet de ces textes insolites qui parsèment les registres paroissiaux : Pourquoi certains curés notent des mentions insolites ? Que nous apprennent-elles sur la vie quotidienne de nos ancêtres ? Comment repérer, déchiffrer, transcrire et commenter ces témoignages du passé ? Comment les utiliser pour compléter notre généalogie et l’histoire de notre famille ou de notre village ?

Il s’agit du premier numéro de Théma, la nouvelle collection d’histoire et de généalogie.


[1Donc en début d’après-midi.

[2On voit ici le mode oral de diffusion de l’information.

[3L’expression peut vouloir dire « aller aux prés ».

[4En Normandie, les burons sont des petites cabanes ou des petites chaumières.

[5Ce terme désigne sans doute le territoire rural sur lequel un seigneur laïc ou un établissement religieux perçoit la dîme (autre synonyme : dîmerie).

[6En Normandie, une chipée de coudre est une touffe de pousses de noisetier issue d’une même souche.

[7Dès la fin du printemps et durant tout l’été, la hauteur et la densité de la couverture végétale offrent de nombreuses caches aux loups.

[8Les juges sont attendus pour constater le décès par un procès-verbal, s’assurer s’il y a lieu de procéder à une enquête sur les circonstances du décès et enfin pour lever le cadavre.

[9Dans ces années de misère, les marginaux sont nombreux à errer dans la campagne ou à vivre dans les forêts.

[10Il s’agit de l’épilepsie, parfois appelée haut-mal.

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