Il est rare que les registres d’inhumation donnent autant détails pour noter la découverte d’un cadavre de noyé. Le maire de Saint-Aubin-sur-Quillebeuf se montre véritablement anxieux et désireux de procéder au mieux. Cet acte, parmi d’autres, démontre - malgré ce que certains auteurs affirment - que les cadavres des noyés n’étaient pas laissés à l’abandon.
L’an mille huit cent onze le deux du mois d’aout nous maire de laditte de Saint Aubin de Quillebeuf arrondissement de Pont Audemer département de l’Eure faisant fonction d’officier d’état civil se sont présentés devant nous le fils du sieur Boutant pêcheur de la commune du Marais Vernier lequel nous a déclaré qu’étant a sa pêche il avait remarqué qu’il y avait un cadavre noyé qui paraissait échoué après s’y être transporté il aurait remarqué que c’était le cadavre d’un homme Nous avons en conséquence pris le parti de faire amarrer ledit cadavre a un pieu de peur que le flot suivant ne levasse [n’enlève] ledit cadavre pendant ce temps j’ai fait déposer un cercueil par 2 menuisiers du lieu lequel a été porté avec un cheval et un banneau jusqu’à l’endroit ou était resté ledit cadavre étant la arrivé le suppléant du juge de paix avec le chirurgien qui l’a accompagné ont fait auprès dudit cadavre ce qui était chacun de son ministère l’éloignement dudit cadavre du cimetière ou il était posé sur le sable était au moins cinq quarts de lieue avant que de pouvoir y communiquer mais enfin avec beaucoup de peine on y est parvenu ledit sieur suppléant de monsieur le juge de paix de ce canton a délivré au prêtre de ladite commune de Saint-Aubin un mandement pour en ordonner l’inhumation dudit cadavre dans le cimetière viron 2 heures après plusieurs parents et domestiques dudit noyé d’après détails circonstanciés sur le procès verbal dudit suppléant relativement aux vêtements dudit cadavre ils ont déclaré qu’il n’avait aucun doute que c’était la personne qu’il recherchait qui est la personne de Robert Antoine de Buffeuil de la commune de Saint Vigor en Caux département de la Seine-Inférieure ledit Buffeuil vivant de son bien et étant agé de viron 50 ans. Témoins son Vachet journalier de Saint Aubin et Charles le Suite me boucher à Saint Aubin.
Source :
- Registre de l’état civil de la commune de Saint-Aubin-sur-Quillebeuf (Eure).
Bibliographie :
- Derouard, Jean Pierre, la Noyade en Seine au XVIIIe siècle dans 27 paroisses riveraines de la Seine maritime, Annales de Normandie, 37e année, n°4, octobre 1987.
- Kocher-Marboeuf, Eric, les progrès dans la prise en charge des noyés en Seine-Inférieure au XIXe siècle : un aspect méconnu de l’œuvre du docteur Félix-Archimède Pouchet, Annales de Normandie, 56e année, n°3, septembre 2006.
- Kocher-Marboeuf, Eric, les avatars de la noyade au XXe siècle, in Corps submergés, corps engloutis, une histoire de la noyade de l’Antiquité à nos jours, éditions Chreaphis, 2007.
Du même auteur, lire aussi : Quillebeuf et Saint-Aubin (1723-1872), un ensemble portuaire des bords de Seine à travers les inhumations dans les registres paroissiaux puis d’état civil.