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Un inconnu célèbre témoin chez un notaire en Maconnais

Le mardi 1er juin 2004, par Michel Guironnet

Le 5 mai 1813, à Bussières (Saône et Loire), est passé devant notaire une vente de biens fonciers. L’un des deux témoins de cette vente est passé à la postérité grâce à l’inspiration du poète Alphonse de Lamartine. Mais de qui s’agit-il ?

Achat de bâtiments et de terres à Jean GUILLEMIN.

" Napoléon, par la grâce de Dieu et les Constitutions de l’État, Empereur des français, Roi d’Italie, Protecteur de la Confédération du Rhin, Médiateur de la Confédération suisse, à tous ceux que les présentes verront ; salut, savoir faisons que :

par devant Jean Jacques VERSET, notaire impérial résidant à Bussières soussigné, et (en) présence des témoins cy après nommés, a comparu Jean GUILLEMIN, propriétaire et cultivateur demeurant en la commune de Saint Léger sous la Bussière, et présentement à Pierreclos, lequel vend et cédde avec promesses de maintenir à Benoît VALENTIN, propriétaire et cultivateur demeurant audit Saint Léger, cy présent et acquérant, pour lui et les siens les héritages cy après désignés, situés au dit Saint Léger :

1°/ une écurie au lieu dit de La Garde avec une cour à l’alignement des écuries de la grange qui est en rétrécissant ? jusqu’au chemin de la fontaine, et aura sur ce point la dite écurie deux mettres de largeur, confiné de matin par les granges et la cour réservé au vendeur, de midy le dit chemin, de soir la cour de l’acquéreur et ses bâtiments, et de bize un mur mitoyen avec Jacques FAYARD.

Il sera construit un mur séparatif entre la grange et l’écurie pour faire la séparation de la cour du vendeur ainsi que de sa grange avec les dites écurie et cour cy dessus vendues ".

Rappelons les significations des confins indiqués :
  • De matin, c’est-à-dire l’Est, du côté où le soleil se lève, autrement dit le Levant ou l’Orient.
  • De midy, c’est-à-dire le Sud, l’heure où le soleil culmine, au zénith.
  • De soir, c’est-à-dire l’Ouest, du côté où le soleil se couche, autrement dit le Couchant ou l’Occident.
  • De bize, c’est-à-dire le Nord, du côté où souffle le vent froid en hiver.

2°/ un pré saignel de la contenance de quatre arres à prendre sur plus grande (contenance) réserve au vendeur, confiné de matin par les bâtiments et pré d’AULAS, de midy par la brosse (autrement dit une broussaille) étant à Benoît VALENTIN et à l’acquéreur, de soir la partie de seignel réservé au vendeur, et de bize le dit chemin de la fontaine. Il sera procédé au relâchement de quatre arres du pré seignel au profit de l’acquéreur par Pierre PHILIBERT, expert à Trembly, à première réquisition aux frais du vendeur ".

3°/ une terre appellée verchère dessus, contenant environ seize arres, confiné de matin par les héritiers BESSON, de midy la terre de l’acquéreur et celle de François AULAS, de soir la terre de l’acquéreur, et de bize un chemin d’aisance et la terre de Jean FAYARD.

Sauf desdits immeubles leurs autres plus vrais et meilleurs confins si aucuns sont ; (ces biens sont) par l’acquéreur, pour en entrer en possession dès à présent et à en jouir, à l’exception de la terre de la verchère dont il n’entrera en possession qu’après la récolte des trémois qui y sont ensemencés ".

Précisons que les " trémois " sont des céréales semées en mars et arrivées à maturité au bout de trois mois, d’où leur nom. Ce sont notamment l’avoine et l’orge.

" Les vendeur et acquéreur ne pourront se plaindre du plus ou moins des contenus cy dessus donnés aux dits immeubles, renonçant à toutes actions à cet égard ; les coûts des présentes à la charge de l’acquéreur qui en donnera extrait au vendeur.

La présente vente ainsi faitte et convenue moyennant le prix et somme de sept cent vingt quatre francs que l’acquéreur promet payer au vendeur ou à ses créanciers suivant leur ordre d’hypothèque à première réquisition avec intérêt à cinq pour cent sans retenue d’impôts ".

" Mandons et ordonnons de mettre les présentes à exécution, à tous huissiers sur ce requis, à tous commandant et officiers de la force publique de prêter main forte lorsqu’ils en seront légalement requis ; et aux secrétaires généraux et impériaux d’y tenir la main ".

" Ainsi fait et passé à Bussières en mon étude le cinq may mil huit cent treize, en présence de Sieur Benoît L’HERBETTE ? propriétaire demeurant à Serrières, sans profession ; et de Sieur François DUMONT, prêtre desservant demeurant en la commune de Bussières ; témoins requis qui se sont soussignés avec l’acquéreur et nous notaire, et non le vendeur pour ne le savoir ainsi qu’il l’a déclaré, de ce interpellé ; après lecture faite.

Signé à la minute VALENTIN, DUMONT, L’HERBETTE ? et VERSET notaire ".

Un inconnu célèbre

Le village de Bussières, ainsi que l’écrit Lamartine dans ses Confidences, " est situé à un quart de lieue du hameau de Milly, au fond d’une charmante vallée dominée d’un côté par des vignes et par des noyers sur des pelouses, s’étendant de l’autre sur de jolis prés qu’arrose un ruisseau et qu’entrecoupent de petits bois de chênes et des groupes de vieux châtaigniers ".

L’un des deux témoins de cette vente est passé à la postérité grâce à l’inspiration du poète :

" J’ai parlé, dans le récit des premières impressions de mon enfance, d’un jeune vicaire qui apprenait le catéchisme et le latin aux enfants du village, chez le vieux curé de Bussières... J’ai dit qu’il se nommait l’abbé Dumont... qu’il y avait quelque parenté mal définie entre le vieux curé et le jeune vicaire ; que cette parenté lointaine donnait à celui-ci l’attitude d’un fils plus que d’un commensal dans la maison... Le vieux curé était mort. Le jeune homme s’était fait prêtre ; la cure avait passé comme un héritage au jeune ecclésiastique ".

C’est de François DUMONT que s’est inspiré, en partant de faits authentiques, Lamartine pour son célèbre poème Jocelyn publié en février 1836.

Né au presbytère de Bussières en 1767, ordonné prêtre en juillet 1790, il avait trente ans quand il reçut le jeune Lamartine à son école, en 1797.

Plus tard, entre les deux hommes, une amitié va naître. Ce qui nous vaut la description de l’abbé DUMONT dans Les Confidences :

" Sa taille était élevée, ses membres souples, son attitude martiale....Son visage avait une expression d’énergie, de fierté, de virilité, qu’adoucissait seulement une teinte de tristesse douce... Le contour des joues était pâle comme une passion contenue ; la bouche fine et délicate ; le nez droit, modelé avec une extrême pureté de lignes, renflé et palpitant vers les narines, ferme, étroit et musculeux vers le haut, où il se lie au front et sépare les yeux. Les yeux étaient d’une couleur bleu de mer mêlé de teintes grises... les regards étaient profonds et un peu énigmatiques, comme une confidence qui ne s’ achève pas ; ils étaient enfoncés sous l’ arcade proéminente d’ un front droit, élevé, large, poli par la pensée. Ses cheveux noirs, déjà un peu éclaircis par la fin de sa jeunesse, étaient ramenés sur ses tempes en mèches lisses, luisantes, collées à la peau, dont elles relevaient la blancheur.

Ils ne laissaient apercevoir aucune trace de tonsure...Tel était l’extérieur de l’homme avec lequel, malgré la distance des années, la solitude, le voisinage, la conformité de nature, l’attrait réciproque... allaient insensiblement me faire nouer une véritable et durable amitié ".

En 1813, l’abbé DUMONT a donc quarante six ans. Il est curé de Bussières depuis mars 1802.

Remy de Gourmont dans "La jeunesse de Lamartine, Promenades littéraires " raconte :

" Il eut de nombreux démêlés soit avec le gouvernement, qui l’accusait de propagande royaliste, soit avec l’évêque de Mâcon, dont le grand vicaire disait de lui : " M. Dumont est une espèce de housard. Attendu le manque d’ouvriers, il faut bien se résigner à l’employer "... En 1812, pour accentuer son opposition, il se fit affilier à la loge (de Franc Maçonnerie) la Parfaite Union, de Mâcon. Lamartine, malgré la différence de leurs sentiments, lui demeura toujours, après avoir été son élève plus ou moins docile, un ami fidèle. Même, comme l’abbé Dumont avait des goûts de luxe peu compatibles avec ses revenus, il paya souvent ses dettes, arrêtant les huissiers au seuil du presbytère de ce curé philosophe et insouciant. Il n’est presque pas une page de leur correspondance où il ne soit question d’argent. La bonté de Lamartine pour son ami fut vraiment inépuisable. Elle ne se borna pas à des dons matériels, elle lui fit part aussi de tous les trésors de son intelligence et de sa sensibilité...Rare et belle amitié où les deux hommes se respectaient assez, en s’aimant, pour ne pas, comme il arrive trop souvent, se catéchiser l’un l’autre ! Rien n’est plus vrai que le début de Jocelyn, qui est l’histoire poétique de l’abbé Dumont : " J’étais le seul ami qu’il eût sur cette terre ".

Comme le dit Lamartine dans ses Confidences : " Cette amitié s’est cimentée depuis par les années ; elle a duré jusqu’ à sa mort ". L’abbé DUMONT meurt le 22 janvier 1832.

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