re-re-bonjour.
Il semble vraisemblable que les deux adultes masculins soient effectivement des compagnons-couvreurs. La fierté de se montrer leurs outils à la main sur la photo semble conduire à cette hypothèse.
Deux détails vestimentaires,le port de la casquette, ( la gribelle, en argot de couvreur parisien ) et le bas des pantalons ( visible sur le personnage de droite) resséré à la cheville pour ne pas s’ accrocher me confirme dans cette opinion.
Maintenant, vous semblez faire une généralisation qui est peut-être erronée.
Tous les ouvriers qualifiés du bâtiment en général portaient autrefois, la noble qualification de Compagnon.
C’était avant que le jargon moderne n’ en fasse des "ouvriers professionnels", s’il vous plait, il semble heureux quand même qu’ ils soient désignés comme professionnels. Il est vrai que les balayeurs n’ étaient pas devenus de techniciens de surface.
L’ apprenti ( ou arpette en argot ou attrape-science ou rappointit ) était qualifié de Garçon ( quel que soit son âge ce qui aboutissait parfois à des situations cocasses : un lascar d’ une trentaine d’ années appelant son garçon qui avait l’âge d’être son père !)
Les Compagnons d’ expérience devenaient parfois, des maître-compagnon ou maître-Jacques.
Il me semble que leur carrière se déroulait le plus souvent, schématiquement, de la façon suivante :
en quittant l’ école, après le certificat d’ étude soit vers 11 ou 12 ans, le garçon pouvait être embauché et commençait son apprentissage comme garçon au " service" d’ un compagnon qualifié. Le terme de " service" semble ne pas avoir, hélas, été exagéré dans de nombreux cas. Il était souvent, au début au moins, chargé du remplacement et de l’ approvisionnement du fameux "kil de rouge" qui figure sur l’ une des photos. Son apprentissage durait souvent plusieurs années et les meilleurs sujets pouvaient devenir Compagnon , c’ est-à-dire, prendre les clous, ( les outils ) parfois juste avant le départ au service militaire, le plus souvent à leur retour. Il est à retenir, que la qualité de compagnon sous-entendait la propriété de son outillage personnel, dont les fameux marteau et enclûme faisaient partie au même titre que les mètre, niveau, cordeau, marteau, tenailles ou autre scie égoïne. Cette liste n’ était pas exaustive et il est facile d’ imaginer ce que la perte, ou le vol, de sa caisse à outils pouvait représenter pour un Compagnon.
Sans cette caisse à outils, dont la composition figurait dans les conventions collectives, la considération de compagnon ( donc la rénumération ) devenait alléatoire et laissée au bon vouloir ( ou mauvais vouloir) de l’ employeur éventuel.
En posant vos questions, vous semblez faire allusion, à une catégorie particulière de la classe ouvrière, les Compagnons du Devoir. Ces professionnels, représentant une petite minorité dans les effectifs des métiers de la construction, ont fait l’ objet de nombreux ouvrages et d’ études précises. Ils appartiennent à une organisation précise et spécifique. Certains les considèrent comme une sorte d’aristocratie ouvrière détentrice des Connaissances et du Savoir, amoureuse du bel ouvrage. D’ autres, comme membres d’ une secte égoïste et prétentieuse parfaitement inadaptée à toutes considérations économiques. Il ne m’ appartient pas de prendre ici, position dans cette affaire. Son évocation n’ a pour intérêt que de préciser la confusion à éviter quand on évoque les Compagnons.
Lorsque, en 1957, ( j’avais à peine 18 ans) j’ ai eu, ce que je considère comme un honneur de commencer mon parcours professionnel dans le Bâtiment, plus particulièrement dans la Couverture-Plomberie, j’ ai eu la chance de me " frotter" ( ce n’ est pas une litote) à des Compagnons âgés de près de 70 ans, qui étaient montés sur le tech’ ( le toît en argot) à onze ans. C’ étaient des personnages ( c’ est la moindre des considérations que l’ on puisse leur accorder) tenant leurs connaissances professionnelles de maitres qui eux-mêmes les tenaient de professionnels ayant exercé sous le Second-Empire.
L’ un de mes plus douloureux souvenirs, pour montrer leur agréable personnalité, réside dans l’ anecdote suivante : alors que, frais sorti de l’ école, j’ étais chargé chaque jour de porter sur le livre d’ ordre de l’ entreprise, les effectifs de chaque chantier et que j’ interrogeais, bien pôliment, Monsieur Léon G... sur son affectation, je m’ entendis répondre : " qu’ est-ce que çà peut te foutre ? ".
Les Compagnons, en particulier les couvreurs, ne manquaient pas de personnalité. Le fait qu’ils risquaient constamment leur peau en faisant les acrobates et la fin tragique de votre ancêtre le demontre explique sans doute celà malheureusement. Ne parait-il pas que le fait d’ avoir du caractère ne signifie pas forcément bon caractère. ( quelle vieille bourrique quand même)
Il est juste d’ ajouter que quelques années plus tard, il arrivait, au-même Monsieur Léon, de me conseiller de venir le voir sur un chantier particulier, pour m’ expliquer certaines particuliarités à découvrir.
Parfois, en région parisienne, les couvreurs étaient soupçonné de ne pratiquer cette profession que comme une " couverture " ( évidemment), leur activité réèlle pouvant les conduire à un exercice s’ apparentant plus au commerce de certains poissons. Ils possèdaient souvent dans leur caisse à outils, une paire de jumelles, le toit, constituant un observatoire de choix, vers les chambres à coucher.... Mais c’ est une autre histoire.