Mi-août 1847, Catherine Klein (1822-1899), ma bisaïeule, est à Paris, avec sa mère, Christine Greiner veuve Henri Klein (1797-1856) et sa sœur Salomé Klein (1821-1902). Elles y partagent un logement, 23 rue du Gros Chenet dans le 3e arrondissement ancien, début de l’actuelle rue du Sentier. Elles sont originaires Bouxwiller, Bas-Rhin en Alsace, mais nous ne savons pas depuis combien de temps les trois femmes sont à Paris. Depuis la mort du père de Catherine, en 1828 et d’un de ses frères, en 1829 à Bouxwiller, elles n’y figurent pas dans les recensements suivants et nous avons perdu leur trace.
En ce début de soirée d’été, la mère de Catherine, qui l’assiste, envoie Salomé chercher Louise Droit, sage-femme, rue d’Astorg. Celle-ci arrive enfin et prend le relais. À deux heures du matin un garçon vient au monde, nous sommes le 17 août 1847.
Acte de naissance Armand Klein
Deux jours plus tard, c’est la sage-femme qui présente l’enfant à l’officier d’état-civil et déclare sa naissance. L’acte ne fait pas mention du père. L’enfant portera les prénoms d’Armand, Henri, Édouard et le patronyme de sa mère, Klein. Celle-ci, alors âgée de 25 ans, est indiquée être rentière. Deux témoins sont présents, Jean-Jacques Windling, 34 ans, tabletier de profession, demeurant au 30 rue Saint-Denis et Antoine Régnier, 64 ans, cordonnier, demeurant au 45 de la rue du Faubourg Poissonnière.
Les deux témoins connaissent-ils l’accouchée ou ont-ils été commis par la sage-femme ou l’agent municipal, nous ne le savons pas. Nous avons toutefois retrouvé des informations sur Jean-Jacques Windling, né en 1813 à Niederbronn-les-Bains, en Alsace près de Bouxwiller où ont vécu des ancêtres Greiner. Connaissait-il les trois femmes, on peut le penser, mais nous n’en avons pas la certitude. Aucun élément en notre possession ne permet de rattacher le second témoin aux trois femmes ; mais rien n’empêche qu’il ait pu les connaître.
Si nous résumons, Armand Klein est né le 17 août 1847, fils de Catherine Klein et de père inconnu. C’est d’ailleurs ce que confirme, plus tard, le Livret de Garde Mobile de la Seine d’Armand qui précise « Armand Klein fils non reconnu de Catherine Klein qu’il n’a jamais connue, pas de tuteur ». Cela corrobore ce que nous savions de source orale de sa fille, Louise Klein, ma mère qui nous a toujours parlé ainsi de son père.
Nous avons bien sûr consulté les registres dits, pour reprendre la terminologie officielle de l’époque, des « enfants trouvés, abandonnés et orphelins » mais en vain. À quel moment Catherine a t-elle abandonné Armand, à quel moment exact une famille l’a-t-il pris en charge, comment la mère et la famille d’accueil ont-ils été mis en lien, par quelle autre entremise l’enfant a été placé, nos recherches sont restées vaines.
Par contre, de la bouche de ma mère, nous savons qu’Armand a été élevé par un certain « Monsieur PIEL », comme elle le désignait. Et en effet nous retrouvons Armand le 3 février 1850, pour son baptême en la paroisse Saint-François-Xavier à Paris.
Acte de baptême Armand Klein
L’acte de baptême est ainsi formulé (retranscription intégrale) « Le trois février mil huit cent cinquante a été baptisé Armand Henri Édouard Louis Ernest né le dix huit août mil huit cent quarante sept fils de Catherine Klein demeurant rue du Gros Chenet et maintenant chez M Charles Gustave Piel rue du Bac 142 de cette paroisse. Le parrain Pierre Ernest Lajoye rue des forges 3. La marraine Joséphine Tourbier, rue du Bac 144 ; Lesquels ont signé avec nous ».
Le parrain est le cousin germain de Charles « Gustave » Piel, et la marraine, mentionnée comme Joséphine Tourbier n’est autre que l’épouse dudit Piel depuis 1846.
Voilà, à partir des actes et documents en notre possession, ce que nous savons de manière certaine quant aux trois premières années d’Armand Klein.
Au-delà de ces éléments factuels, un certain nombre de points nous interrogent :
L’accouchement à domicile d’Armand
L’étude « Les accouchements hors domicile à Paris au XIXe siècle nous apprend que « certaines femmes accouchent hors de leur domicile, en raison de la misère qui ne leur permet pas de se payer les soins d’une sage-femme (et encore moins d’un médecin) à domicile ». Pourtant, Catherine, qui vit avec sa mère et sa soeur, a pu faire appel à une sage-femme, qui plus est distante de plus de deux kilomètres de chez elle, dans le 8e arrondissement. De quelles ressources disposait-elle alors ? Il est vrai que l’acte de naissance d’Armand la mentionne comme « rentière », à 25 ans, ce qui ne manque pas non plus de nous interroger. Il ne semble pas qu’elle ait pu hériter de son père, mineur de profession, décédé quand elle avait six ans, ni de ses aieux tous de conditions modestes.
L’acte de baptême
Sa formulation laisse, de notre point de vue, mais peut-être à tort, place à l’interprétation. Qui et quand demeurait rue du Gros Chenet, la mère, le fils, les deux (aucune ponctuation dans l’acte pour nous aider) ? Qui demeure le jour du baptême chez M Charles Piel, la mère, le fils, les deux, et depuis quand ? Deux ans et demi se sont, en effet, écoulés entre la naissance et le baptême…
Pourquoi la marraine, Joséphine Tourbier n’est pas mentionnée comme épouse de Charles Gustave Piel ? Pourquoi ce dernier est indiqué résidant au 142 du Bac et son épouse au 144 ? Des erreurs du rédacteur, peut-être, sûrement même… ou pas ?
Le délai entre la naissance et le baptême
Si le baptême a été célébré dans la religion catholique, Catherine était, quant à elle, de religion protestante. Nous avons en notre possession un courrier dans lequel Gustave PIEL fait référence à l’autorisation que Catherine Klein lui aurait donnée par écrit pour « le faire entrer [ l’enfant ] dans l’Église catholique ». Cet écrit de Gustave semble indiquer qu’il a été en contact avec la mère de l’enfant.
Mais quand a eu lieu cette rencontre et a été passé cet accord ? Si c’est dès la naissance, pourquoi Charles Gustave Piel, fils d’une famille lexovienne de forte tradition catholique, aurait attendu 2 ans et demi pour faire baptiser Armand ? Si c’est seulement au moment du baptême, deux ans et demi après la naissance, qui a élevé l’enfant ces deux premières années.
L’affirmation péremptoire de la fille d’Armand
Ma mère Louise Klein, fille d’Armand, affirmait que le père biologique d’Armand était ce Monsieur Piel. Sur quoi se basait-elle pour répéter cette assertion sans laisser place au doute dans ses propos ? Son père est mort quand Louise avait 14 ans, lui aurait-il fait cette confidence ? Plus sûrement, ne serait-ce pas ma grand-mère qui, le tenant de son époux, l’aurait transmise à sa fille devenue adulte. Ma grand-mère parlait facilement et librement, sans tabou.
Si rien ne nous permet d’avoir des certitudes en la matière. Pour autant, cette hypothèse ne peut être balayée d’un revers de main.
Et vous, que pensez-vous de l’ensemble de mes interrogations ?