Je fais appel à la sagacité et aux connaissances des lecteurs du magazine-web pour m’aider à résoudre cette énigme :
J’ai hérité de ces 2 tableaux sur lesquels je me pose beaucoup de questions :
- Les tableaux avant restauration
- Les tableaux après restauration
- Qui sont ces personnages ?
- A quelle classe sociale appartiennent-ils (notables, petite ou grande bourgeoisie, noblesse) ?
- Qui les a peints ?
- A quelle époque ?
- Comment sont-ils arrivés dans notre famille ?
Ces tableaux mesurent 90 cm sur 75 cm avec le cadre ; les dimensions de la toile, sans cadre, sont de 78 cm sur 60.
Je les ai fait restaurer il y a quelques mois. La restauratrice n’a retrouvé aucune inscription (date, nom du peintre ou des personnages), mais elle pense, vu la finesse de certains détails, qu’ils ont été peints par un portraitiste de qualité.
Elle m’a précisé que, selon elle, les toiles avaient dû être, à un moment donné, découpées et roulées pour être plus facilement transportées, avant d’être réencadrées.
C’est peut-être à l’occasion de ces malencontreuses manipulations, que d’éventuelles inscriptions auraient pu disparaître.
Les cadres en bois sont dorés à l’or fin.
Ces 2 tableaux seraient la propriété de ma famille (famille Chabannes) depuis plusieurs générations. Ils m’ont été légués il y a plus de 40 ans par mes grands-parents paternels.
J’ai pour mission de les transmettre à mon tour – le moment venu – à un descendant porteur du nom Chabannes.
En même temps que ces tableaux, une « légende » circulait aussi dans la famille, de génération en génération :
Il se disait en effet, que les Chabannes étaient d’anciens nobles ayant perdu leur particule à la Révolution, et qu’ils s’étaient enfuis en Belgique en 1789 en emportant « des valises pleines d’assignats et d’argenterie ».
L’existence de ces 2 tableaux, et le fait que mon grand-père soit né en Belgique en 1866 semblaient accréditer cette thèse.
De plus, mon père m’a légué 2 autres portraits réalisés en 1855 par un peintre belge (Van Erp).
Piqué par la curiosité, j’ai entrepris de faire quelques recherches généalogiques. Bien qu’incomplètes, elles ont mis fin à cette belle légende.
Cependant, j’ai découvert parmi mes ancêtres, un personnage qui, de par sa profession, a côtoyé des gens de la noblesse et la Reine Marie-Antoinette pendant près de 20 ans.
L’origine de ces tableaux pourrait peut-être se trouver là ?
Cet ancêtre, Jean Thomas Chabannes, est né à Mello (Oise) le 18-09-1745.
Il est le fils de Guillaume Chabannes, Maître chirurgien, et de Madeleine Angélique Bourgeois.
Lorsque Jean Thomas Chabannes se marie en 1771 avec Marie Anne Clotilde Morel, il possède quelques biens (dont 2 rentes dues par la Marquise de la Vallée et Mademoiselle Romagnery de Normandie !?) et est « revêtu d’une charge d’huissier au bureau de Madame la Dauphine ».
Extrait de son contrat de mariage :
les biens du lors futur époux ont été dits consister en 1. une maison sise à Paris rue de bretagne et de Bercy au marais, 2. une maison, terres labourables, prés et bois située à Mello, diocèse de Beauvais, 3. onze cent livres de rente de nature qu’ils étaient dûs par mad. la Marquise de la Vallée, demeurant en Normandie, 4. cinq cent soixante quinze livres de rente perpétuelle due par Mlle Romagnery demeurant en Normandie, 5. la charge d’huissier du bureau de mad. la Dauphine dont ledit Chabannes était revêtu, 6. et en dix huit cent livres de meubles meublants, argenterie, deniers comptants et effets mobiliers.
Dans les actes de naissance de ses 7 enfants, tous nés à Mello entre 1772 et 1795, il indique comme profession « officier du Château de Madame la Dauphine » puis après 1775 « officier de la Maison de la Reine ».
Certains de ses enfants, eurent pour parrains, des personnes travaillant dans l’entourage du Prince de Conty et du Prince de Condé. L’un d’eux eut pour parrain « Thomas Becquet de Cantorbery garde du corps de Monseigneur le Comte d’Artois ».
L’an mil sept cent soixante quatorze Le Dimanche sixième de février a été Baptisé un garçon né hier en Légitime Mariage De Sieur Jean Thomas Chabannes officier chez Madame La Dauphine et de Dame Marie anne Clotilde Morel Son Epouse, Ses père et mère, Lequel a été appelé Nicolas Thomas Le parrein S. Nicolas Chocart officier de son altesse sérénissime Mgr Le prince de Condé, La Mareine Dame Therese Morel Epouse de Sieur Etienne Chocart officier de son altesse sérénissime Monsgr Le prince de Conty de lisle adam y demeurant, lesquels ont signé avec nous prêtre, Bachelier de sorbone Curé de Notre Dame de Mello Doyen de Clermont
L’an mil sept cent quatre vingt quatre le mercredy vingt un janvier a été baptisée née dimanche dix neuf du present une fille du legitime mariage du Sr. Jean Thomas Chabannes officier de la Reine et de Dame Marie Clotilde Morelle son épouse ses père et mère de cette paroisse, laquelle a été appellée Louise Therese par Jean Baptiste Durussel representant Sieur Thomas Becquet de Cantorbery garde du corps de Monseigneur le Comte d’Artois, demeurant à Versaille son parrain et par Marie Louise Debuise epouse de Jean Falucle de la paroisse de Cires les Mello representant Demoiselle Louise Therese Becquet aussi de Versaille y demeurant, laquelle a déclaré ne savoir ecrire ny signer et a ledit Durussel signé avec nous nous prêtre Bachelier de Sorbonne, licencié en droit de la faculté de paris, curé de l’église et paroisse de Notre Dame de la Ville de Mello et doyen rural du doyené de Clermont en Beauvaisis tous fait leur croix
Après la mort de la Reine Marie-Antoinette, Jean Thomas Chabannes devint meunier à Mello. Il est mort à PARIS en 1817 « dans la plus grande indigence » et « a été inhumé gratuitement » comme l’indique son inventaire après décès. Il ne possédait plus alors « aucun objet mobilier susceptible de prisée ».
Son plus jeune fils, Jean Théodule Chabannes, est né à Mello en 1795 ; sa naissance sera déclarée par son père, assisté du « chanoine Joseph Marie Lançon et de Jeanne Gabrielle Justine Angélique Adélaïde Fay Latour-maubourg, 36 ans, vivant de son revenu ». Jean Théodule sera militaire dans la Légion de Haute-Marne puis douanier sur la frontière franco-belge.
En 1819, il épouse à Marville (Meuse), Marie Thérèse Evrard, fille de notables marvillois.
Il aura 3 garçons, dont des jumeaux Charles Emile et Louis joseph, nés en 1820 à Jeumont (Nord) et décèdera en 1826, à l’âge de 31 ans.
Charles Emile, l’un des jumeaux, est mon arrière-grand-père. Il est devenu doreur sur bois à Bruges (Belgique) où est né mon grand-père en 1866.
Charles Emile et sa famille reviendront en France et s’installeront à PARIS vers 1878.
Ces quelques éléments généalogiques montrent que les Chabannes ne portaient pas de particule avant la Révolution et que leur départ vers la Belgique ne date pas de 1789 mais est postérieur à 1826.
Je pense que ces portraits ne représentent pas des membres de la famille. Bien que notables aisés, avaient-ils les moyens de s’offrir les services d’un peintre portraitiste ?
Ces tableaux auraient-ils pu leur avoir été offerts par un noble à l’époque où Jean Thomas les côtoyait ?
Dans ce cas, qui sont les personnages représentés ?
Merci à tous ceux qui pourraient m’apporter quelques éclaircissements ou me faire quelques suggestions.