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Que sont devenus les chandeliers ? (partie 1)

Suite de la demande d’aide parue le 29 juillet : "Si vous êtes de mèche avec moi, je vous devrais une belle chandelle !"

Le vendredi 13 janvier 2023, par Sébastien Bulenger

Le 29 juillet 2022, je postais sur ce site une demande d’aide pour retrouver des cousins "montés à Paris" : Louis "Prosper" Jean Thébault, fabricant de chandelle (ou chandelier) en 1860, et Anne Boutloup, coupeuse de mèche en 1860 [1]. Tous deux sont morts dans des hôpitaux parisiens, ainsi que la mère de Prosper, Rosalie Esnay/Esnart/Esnaut, qui avait rejoint son fils et sa bru à Paris après la mort de son mari et le mariage de Prosper et Anne.

Il m’avait été conseillé de consulter les archives de l’APHP (Assistance Publique des Hôpitaux de Paris) [2]. Effectivement, ces archives m’ont permis de compléter leur histoire.

Commençons par Prosper. Prosper nait le 12 février 1837 à Coulans-sur-Gée (Sarthe), de père inconnu. Il porte donc le nom de sa mère jusqu’au 4 avril 1846, où il est reconnu par ses parents, Rosalie Esnart et René "François" Thébault, suite à leur mariage au Mans (Sarthe). Son père décède le 20 mai 1856 au Mans. Est-il déjà à Paris à cette date ? Je n’ai pas pu le déterminer. En tout cas, il est parisien en 1860 puisqu’il y épouse Anne Boutloup le 28 mai dans le 13e arrondissement. Comme indiqué plus haut, il travaille alors dans la fabrication de chandelle.
Il a probablement quitté ce travail dans les années qui suivent puisque les archives de l’APHP indiquent que Prosper meurt 29 mars 1881 à l’Hôpital Saint-Antoine (Paris 12e), deux jours après y avoir été admis pour une fièvre. Cette fièvre est liée au saturnisme de Prosper. L’exposition prolongée aux vapeurs de peintures, qui contenaient du plomb à l’époque, explique probablement ce saturnisme. En effet, l’acte de décès de Prosper précise qu’il est peintre en bâtiment. Cela peut aussi expliquer l’absence d’enfants pour le couple Prosper/Anne, le saturnisme étant responsable d’une baisse de fertilité de l’homme adulte.

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Reconstitution du registre des entrées et sorties de l’Hôpital Saint-Antoine, SAT/1/Q/2/104-1881
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Reconstitution du registre des entrées et sorties de l’Hôpital Saint-Antoine, SAT/1/Q/2/104-1881 (suite)
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Reconstitution du registre des entrées et sorties de l’Hôpital Saint-Antoine, SAT/1/Q/2/104-1881 (suite)

Quant à sa mère, Rosalie Esnay, j’ai eu la surprise de découvrir qu’elle était entrée à l’Hôpital de la Salpêtrière le 1er février 1865 en tant qu’aliénée [3].
Sortant de la lecture du "Bal des folles" de Victoria Mas, j’ai tout de suite fait le rapprochement. Ce lieu souffre d’une réputation effrayante à l’époque où Rosalie y est présente. C’est un des plus grands hospices d’Europe et on y accueille, dans d’étroites chambres surpeuplées, les femmes pauvres, prostituées, aliénées et incurables.
En 1865, Jean-Martin Charcot (1825-1893), que Rosalie a peut-être rencontré, y est chef de service. Ce célèbre neurologue va contribuer à l’essor de la neurologie ainsi qu’à celui de la Salpêtrière.
Mais l’apport de Charcot à la médecine n’est pas sans controverse : homme réputé froid et insensible, il n’a pas hésité à expérimenter sur ses patientes à l’aide de flagellations, bains glacés, privations de nourriture, pressions sur les ovaires, introductions de fer chaud dans le vagin, etc [4].
Le registre des décès indique que Rosalie meurt le 5 décembre 1866 de paralysie générale [5]. Cet ancien terme médical indique en fait que Rosalie est morte des suites d’une neurosyphilis, ce qui explique l’aliénation.
La bactérie responsable de la syphilis, infection sexuellement transmissible très courante, d’origine inconnue et non soignée à cette époque, peut, lorsqu’elle n’est pas prise en charge, envahir le système nerveux 10 à 15 ans après la contamination. Le patient souffre alors de pertes de mémoire, d’attention, de raisonnement, etc, qui évoluent vers la démence, l’agitation, les troubles de l’humeur, le délire, etc [6]. Je ne préfère pas imaginer les derniers horribles moments qu’a vécu Rosalie, enfermée dans ses murs parisiens, loin de sa Sarthe natale.

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Registre des entrées et des sorties de l’Hôpital de la Salpêtrière, SLP1/Q/2/171-janvier 1863-27 octobre 1866
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Registre des entrées et des sorties de l’Hôpital de la Salpêtrière, SLP1/Q/2/171-janvier 1863-27 octobre 1866 (suite)
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Registre des entrées et des sorties de l’Hôpital de la Salpêtrière, SLP1/Q/2/171-janvier 1863-27 octobre 1866 (suite)

Les précieux registres des entrées et des sorties de l’APHP m’ont donc permis de reconstituer les dernières moments de Prosper et de sa mère Rosalie, mais aussi de ma cousine Anne Boutloup, que je détaillerai dans un prochain article (Souvenez-vous... Cette morte qui n’était pas morte...).

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