Acte 14 - L’ouvrage des fenaisons Scène 1 - Le Corentin et sa Marion
Dans les années 50, tout gamin, j’assistais à l’arrivée de la première moissonneuse-batteuse-lieuse, acquise par la coopérative agricole de l’île de Batz où je passais deux mois de vacances cet été-là.
L’île de Batz, face à Roscoff.
Roscoff ? ça sonnait comme ruscoff. J’avais pourtant entendu mon grand-père Françis dire que c’est le pays de ses arrières-arrières-etc...grands-parents. C’était il y a longtemps, quand les Bretons, chassés de cette Bretagne qui deviendra la Grande-Bretagne, viendront se réfugier ici, en Armorique devenue depuis notre région de Bretagne.
Je ne connais pas le détail de l’embrouille qui opposa l’un des paysans de l’île à la collectivité qui gérait la mise à disposition de la machine selon un tour de rôle pré-établi ; Mais je me souviens que le mécontent avait, dans sa colère, décidé de faucher son champ à la faux et la faucille, comme avant, refusant toute aide de ses voisins. Qui croyait-il punir ainsi ?
Tous les mômes à l’entour venaient les narguer, lui et sa femme, les pauvres bougres à la peine sous un soleil de plomb, quand les autres découvraient le confort de la mécanisation.
Cette réminiscence fera naitre l’histoire de Corentin et sa Marion, d’autant que je découvrirai, qu’à l’époque déjà, la fabrique organisait des groupes solidaires qui, à tour de rôle, s’entraidaient aux travaux des champs.
Toutefois pour des raisons de cohérence du calendrier avec l’action révolutionnaire en cours, je situerai cette séquence à l’ouvrage des fenaisons et non pas à celle des moissons.
- Dessin d’Olivier Perrin
"Les prés seront coupés dans un ordre imposé par le hasard, bien que la fabrique fasse en sorte que personne ne piétine l’herbe d’autrui en traversant les prés voisins pour accéder chacun au sien. Nous lui saurons gré, d’avoir également guidé le sort à reconnaître les fâcheries, car, afin d’aller au plus pressé, quand nul ne peut prédire si la pluie reviendra, il faudra bien qu’au sein des groupes désignés on soit capable de s’entraider.
Mais, il n’est pas toujours facile de trouver le bon équilibre, entre le résultat du sort et les arrangements nécessaires pour permettre à chacun de tirer le bénéfice qu’on est en droit d’attendre d’un travail solidaire.
— Ah ! non, il n’en est pas question !
— Que t’arrive-t-il Corentin ?
— Une fois d’plus j’suis l’dernier désigné !
— Le hasard Corentin… Le hasard !…
— Le hasard arrange toujours certains !… C’est-ti bien l’sort qui met en tête les prés les plus bas, là où l’herbe est déjà la meilleure et les quantités les plus grandes à devoir ramasser ?…
— Qu’est-ce que tu veux laisser croire, Corentin ?
— Rien Gilles, rien du tout … Je n’veux rien laisser croire. J’dis simplement qu’il n’est pas juste que j’sois toujours l’dernier au tirement du sort. Pourquoi moi, j’suis jamais arrangé ?
— Personne n’est arrangé pour être avantagé, Corentin, personne !… Ce qui est arrangé, c’est uniquement ce qui pourrait désavantager les uns, ou empêcher les autres de pouvoir ouvrer ensemble ! Tu dois le comprendre Corentin ! Tu le dois…
— Non ! j’comprends pas que j’sois obligé d’travailler pour les autres sans rien y gagner ! Si tu comptes le nombre de jours qu’il faudra faucher dans not’groupe avant d’arriver à mon pré, c’est exactement le même nombre que celui que j’mettrais tout seul à n’faire que l’mien.
— C’est comme ça, parce que le sort te plaçant le dernier en a ainsi décidé ; si tu étais placé autrement tu serais bien gagnant…
— Je n’vois pas d’quoi j’srais gagnant ?… À la fin, j’aurais travaillé tout autant ! C’est bien simple, dans vot’système, l’vrai gagnant c’est toujours l’plus important.
— Tu n’es pas juste Corentin ! tout le monde peut-être gagnant… Plus ou moins, assurément, mais c’est le sort qui en décide, crois-moi… si tu ne veux être offensant.
— Ne comptez plus sur moi ! J’me débrouillerai tout seul."
Et plus tard, beaucoup plus tard...
"Chacun s’est mis à raconter et à chanter.
Le Corentin et la Marion étaient au cœur de nos chansons. C’était à celui qui, chacun son tour, rajouterait un couplet encore plus drôle, histoire de s’amuser du souffre-douleur du jour, Corentin dans le rôle du coquin, Marion la friponne, et même parfois la putain.
Et l’on a remis ça, sans se lasser, à toujours rigoler des malheurs de celui qui choisit de se mettre à l’écart."
Le Jeu des questions du grand Jacques
Question de l’acte 14 - Scène 1 : Mais alors, si la Bretagne n’était pas encore la Bretagne, qui occupait la région avant cette époque ? laquelle d’ailleurs ? et qui sont ces envahisseurs Bretons de ce qui deviendra la Bretagne quand l’autre Bretagne disparaitra ? N’est-ce pas clair comme... du cidre breton ? Vous trouverez la réponse la semaine prochaine dans l’acte 14 - Scène 2 Réponse à la question de l’acte 13 : Comment la Bretagne a-t-elle vécu la Grande Peur du royaume ? Revoir l’acte 13 Au moment où la quasi totalité du royaume est parcourue par les courants de panique de la Grande Peur, la municipalité rennaise prend le contrôle des jeunes milices patriotiques, les structures, en les "noyant" dans un ensemble militaire plus large et modéré, rassurant ainsi les populations bretonnes. "Nos ardentes milices citoyennes, conduites par le prévôt des étudiants, le jeune capitaine Moreau , sont parfaitement encadrées. Elles viennent d’être placées sous le contrôle de la municipalité , et leurs moyens ont été renforcés. Nous pouvons à présent nous consacrer totalement à nos ouvrages sans courir le moindre risque." Laboureurs d’espoirs Moreau : Jean Victor Marie (1763-1813), prévôt des étudiants rennais dès 1788, il deviendra général de la Révolution et d’Empire. La Grande Peur - Wikipédia La Grande Peur conduit au 4 août |
À suivre… Acte 14 - L’ouvrage des fenaisons - Scène 2 - Un moment des plus exaltant