Il n’avallait avec pas moins de courage le poisson lorsqu’il se rencontrait en quelque pesche car on luy a vu avaller sans peine des poissons qui n’étaient pas plus petits comme poisson blanc, tanches, et ce qui est de plus surprenant c’est qu’il n’épargnait point les perches quelque rude que soit leurs écailles et leurs nageoires. Il était si expéditif a avaller vif le poisson qu’on avait coutume de dire que Charbonnier avait aussytôt avallé une perche qu’un oeuf frais. Un nommé Marcelot le voyant un jour à la pesche de l’étang Bemicault qu’il avallait comme pilules son poisson luy dit : M[aî]tre Charbonnier je vous donne ma pesche pourveu que vous la mangié toute, a quou il répliqua, je n’en puis manger que mon saoul, ce qu’il fit avec appetit et au grand etonnement de ceux qui me m’ont raconté. Mais ce ne fut pas sans en estre incommodé, car il fut trois jours sans pouvoir rien manger croyant mesme estre empoisonné si grande était la corruption dans son estomac qui luy causait des naussées étranges qu’il dissipa à force de vin dans la suitte, c’est la dernière fois qu’on dit qu’il mangeat du poisson en vie.
On dit de plus qu’il fit une fois frire un chapeau gras d’un nommé Claude Paleau des Bourdillion, après l’avoir couppé en rouelle et l’avoir assaisonné de beurre de sel et de poivre qu’il mangea a la vue de tous le monde sans en estre incommodé, non plus que de six verres de son vin qu’il bû consécutivement quelques jours après. Il avallait aussy et sans peine les oeufs de poule avec la coque.
Je pourrait rapporter plusieurs autres de ses actions que la charité m’oblige de passer sous silence ayant mesme été témoins de la pénitence qu’il en a fait.
Tout cela me parraitrait impossible si Charbonnier mesme et ceux qui l’ont vu ne m’avait assuré de la vérité aussy bien que la peine qu’il a pris de planter sur le cimetière les ormes, tilleuls et autres arbres plantés sur le cimetière depuis environs trente ans qui y sont présentement et qui en font l’ornement, aussy bien que ceux qui sont dans la place, en foys de quoy je me suis soubsignés avec les témoins cy bas nommés.
Source : Archives départementales de la Saône-et-Loire, B.M.S. de Saint-Martin-en-Bresse, 1708-1724, vue 39-40/197, E dépôt 492, 4 E 456/6.