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Insolite ! Quelques remèdes anciens contre la rage et la peste

Le jeudi 13 décembre 2012, par Marie-Louise Tauzer, Thierry Sabot
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Observateur le mieux placé dans la paroisse, le seul qui sache presque tout sur tout, lorsqu’il n’est pas lui-même témoin d’un fait, le curé reçoit l’information de diverses sources :

  • l’oral : les rencontres avec ceux du village, notamment les plus anciens, mais aussi tous les gens de passage : colporteurs, pèlerins, travailleurs itinérants ou saisonniers, gens de guerre… Par ce biais, circule une information qui peut être locale ou extérieure à la région. C’est le mode de transmission privilégié des faits divers de la vie quotidienne et du bruit commun, les rumeurs, les fameux «  on-dit  ».
  • les imprimés : gazettes, brochures de colportage, almanachs, livres… L’information qui arrive par ce canal est fragmentée, aléatoire, car soumise au rythme des livraisons. On retrouve ici les informations lointaines sur la vie politique, les guerres, la diplomatie, les expérimentations scientifiques, l’astronomie, l’astrologie...

Dans les exemples ci-dessous, le curé de Seyne/Saint-Pons (04) a recopié dans le registre paroissial des remèdes contre la rage qu’il a trouvé dans la lecture d’une célèbre gazette du XVIIIe siècle : le Courrier d’Avignon. Ce dernier bénéficiait d’un contrat avantageux passé en 1740 avec la direction des postes françaises, qui permettait de le vendre à un prix moins élevé que celui des autres gazettes étrangères de langue française et lui assurait ainsi une large diffusion dans le royaume.

Les remèdes sur la peste et les points de côté semblent provenir de ouï-dires ou de la tradition populaire.

Remède contre la rage...

pris dans la feuille du courrier d’Avignon du 27 septembre 1764, ou recette d’une poudre infaillible contre la rage qui a été procurée par la Société Royale d’agriculture de la généralité de Tours.

Les accidents que cause souvent la morsure des chiens enragés sur les hommes et sur les bestiaux ont engagé cette compagnie à faire imprimer, en faveur de l’économie rurale, la recette d’une poudre infaillible contre la rage.
Comme tout ce qui interpelle l’humanité mérite d’avoir place dans cette feuille, on s’empresse de faire part de cette recette au public ; et on invite les curés, chirurgiens et autres personnes charitables à faire la préparation de cette poudre conformément au procédé ci-après, afin d’être en état de prévenir les funestes accidents qui arrivent fréquemment dans les villes et les campagnes ; et pour épargnier des voyages dispendieux et préjudiciables à de pauvres familles.
Vers la pleine lune de juin, lorsque les plantes sont en fleur, ou entre fleur et graine, on cueille chacune séparément les treize plantes suivantes : l’armoise, l’absynthe, la bétoine, la petite centaurée, la petite menthe ou pouillot, le millepertuis, la melisse ou piment, le grand plantain, le polypode de chenes avec les racines, la reine des prés, la rue [1], la verveine et la menue sauge.
Il faut faire sécher toutes ces plantes à l’ombre chacune à part et les piler ensuite aussi chacune à part. Lorsqu’elles sont pulvérisées, il faut les mêler à poids égal de chacune, et après les avoir incorporées ensemble, les mettre et les garder pour le besoin dans un pot de terre neuf, non vernissé, couvert d’un bouchon de liège avec un ou deux parchemins par dessus pour pulvériser les dites plantes avec leur brin ou tiges, fleurs et feuilles on se sert d’une pile à piler le millet, et on les passe plusieurs fois au tamis commun, faisant en sorte que la plus fine poudre ne s’évapore point.
Il faut renouveler les dites poudres tous les ans. La dose pour un homme ou une femme est d’une gros [2] et demi ; pour les enfants d’un demi-gros, et au dessus de l’enfance d’un gros.
Il faut prendre cette poudre trois jours de suite à jeun, une dose chaque jour ; On la fait infuser dès le soir dans un grand verre de vin blanc vieux ; elle doit inhiler environ douze heures. Le matin on brouille bien le tout avant que de l’avaler, afin de prendre la poudre avec la liqueur ; S’il reste de la poudre attachée au vase, il faut y passer un peu de vin, afin de tout prendre. Après que l’on a pris le remède, il faut rester au lit pendant quatre heures, le bien couvrir pour donner lieu à la sueur ; Si elle survient, il ne faut point se lever, ni boire, ni manger, et ne point changer de linge qu’elle ne soit passée.
On doit aussi avoir soin pendant sept jour d’égratigner légèrement une fois par jour la playe ou meurtrissure, s’il y en a, pour que le sang paroisse, et bien bassiner cette playe avec du bon vin blanc vieux, dans lequel on aura fait dissoudre autant de sel que le vin en pourra fondre.
On donne aussi aux animaux ces mêmes poudres infusées pendant douze heures dans le vin, et la dose en est plus ou moins forte selon leur grosseur.
On ne donne point à manger aux bestiaux huit heures avant de leur faire prendre le remède, on les laisse bien clos et fermés pendant quatre heures après qu’ils l’ont pris, et ensuite on leur donne à manger.
Comme les chiens ne peuvent souffrir le vin, on leur fait prendre les trois prises infusées aussi pendant douze heures dans du lait, que l’on a fait bouillir dès le soir, de crainte qu’il ne se caille. La dose pour les chiens est d’un gros et demi de chaque prise.

Autre remède contre la rage...

plus facile pris aussi dans le courrier d’Avignon en l’année 1764.

On apprend d’Udine ville capitale du Frioul vénitien qu’un homme qui avait été mordu d’un chien enragé s’est préservé des suites funestes de cet accident en avalant un grand verre de vinaigre ; ce qui a tellement accrédité ce remède qu’on le regarde comme un véritable spécifique contre la rage, et que la faculté de médecine de Padoue l’a adopté pour tel en prescrivant d’en faire prendre aux malades une livre à trois reprises le matin, à midi et le soir.

Remède contre la peste

Pour la peste, il faut avec un rasoir ouvrir le bubon, appliquer et frotter avec des oignons les ouvertures et y appliquer de la poix maigre.
Monsieur Bayle natif du Vernet curé de Gaubert proche de Digne avait guéri vers l’année 1721 ou 22 avec ce remède plus de vingt cinq malades pestiférés dans sa paroisse.

Remède pour le point de côté

Il faut prendre l’eau de vie camphrée, des cloux de girofle demi once, de canelle demi once, une noix muscate, du poivre entier ; il faut piler le tout, il faut faire bouillir le tout à la réduction de la moitié ; on fait de tout cela un cataplasme sur d’etouppe, on l’applique chaud, autant qu’on le peut souffrir. S’il se fait des ampoules, dans douze heures le malade est guéri, autrement il est très dangereux. Dans douze heures il faut oter l’emplatre, l’humecter de nouveau dans l’eau de vie camphrée. Le même emplatre peut servir trois fois. Ce remède est violent, si un malade étoit fort faible, il ne faudroit pas en user.

Source : Registre paroissial de Seyne/Saint-Pons (04), archives départementales des Alpes de Hautes-Provence, 1 MI5/0065BMS, 1744-1792, vues 78-79/388.

Lire l’avis des premiers lecteurs

Cet ouvrage, étude inédite, se propose de vous faire découvrir quelques-unes de ces mentions insolites et de vous en montrer la richesse historique et généalogique. Il répond à bien des questions au sujet de ces textes insolites qui parsèment les registres paroissiaux : Pourquoi certains curés notent des mentions insolites ? Que nous apprennent-elles sur la vie quotidienne de nos ancêtres ? Comment repérer, déchiffrer, transcrire et commenter ces témoignages du passé ? Comment les utiliser pour compléter notre généalogie et l’histoire de notre famille ou de notre village ?

Il s’agit du premier numéro de Théma, la nouvelle collection d’histoire et de généalogie.


[1Plante médicinale utilisée pour améliorer la circulation du sang.

[2Ancienne mesure de poids, environ 3,823 g.

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