Quatrième de couverture : Le changement de conception de la place de l’homme dans l’univers et le souci revendiqué de défendre la biodiversité ont revalorisé l’image du loup. Avec son retour dans les Alpes, le renversement de perspective crée un fossé au sein de l’opinion publique et accroît les tensions entre les acteurs des espaces pastoraux et les gestionnaires de l’environnement. Dans ce débat souvent passionné, les attaques de loups qui, des siècles durant, l’ont classé parmi les prédateurs les plus nuisibles pour l’homme sont remises en cause. Comme l’agression connotée la plus négativement, celle du loup considéré comme « mangeur d’hommes ».
Pour circonscrire les enjeux d’une question si sensible, il importait d’y voir plus clair. De quels témoignages dispose-t-on et quelle en est la validité ? Comment distinguer les attaques d’animaux anthropophages des cas de rage ? Pour quelle évolution chronologique et quelle répartition géographique ? Comment identifier les agresseurs et quelle en fut leur perception culturelle ? Quelles techniques de prédation étaient-elles mises en oeuvre ? Quel fut l’impact démographique et sociologique des attaques ? Quel risque effectif le loup fit-il peser sur l’homme ? Pour répondre à ces questions, l’ouvrage a mobilisé les témoignages et les travaux publiés sur plus de cinq siècles d’observation - de la guerre de Cent Ans à celle de 1914 - et rassemblé un corpus statistique de plus de 3000 actes de décès, de 1580 à 1830.
Aucune synthèse historique n’avait engagé jusqu’ici une enquête aussi large sur l’ensemble du territoire français. Le travail est loin d’être terminé : l’ouvrage convie à élargir la recherche et à envisager les autres aspects du rapport entre le loup et l’homme. Car finalement, au-delà de l’explication donnée à un fait qui ne va plus de soi, l’étude réalisée renseigne davantage sur l’organisation spatiale des activités humaines que sur, l’évolution biologique de l’animal. Le loup est un révélateur des choix de société.
Table des matières :
- Introduction : Une question sensible. Le loup contre l’homme.
- Chapitre 1 : Des sources imparfaites mais irréfutables.
- Chapitre 2 : Les curés de campagne : 40 000 informateurs.
- Chapitre 3 : Parcours chronologique : du Moyen Age à 1660.
- Chapitre 4 : Parcours chronologique : de 1661 à 1763.
- Chapitre 5 : La grande affaire : « la bête du Gévaudan » (1764-1767).
- Chapitre 6 : Chronique d’une mort annoncé. Quand le loup n’est plus si méchant (1768-1918).
- Chapitre 7 : L’espace des attaques. Petite esquisse géographique.
- Chapitre 8 : Le temps des attaques. Rythmes et saisons de l’anthropophagie lupine.
- Chapitre 9 : Le prédateur et son identité : désignation des agresseurs et perception culturelle.
- Chapitre 10 : Tuer et dévorer : technique de mise à mort et médecine légale.
- Chapitre 11 : Les victimes du loup prédateur. Démographie et sociologie des déshérités.
- Chapitre 12 : Agresseurs malgré eux : les loups enragés.
- Chapitre 13 : Des lendemains funestes. Impuissance médicale et tragédies humaines.
- Conclusion : Le cas français. Une histoire particulière ?
- Orientation bibliographique
- Annexe : Tableaux de données brutes.
L’auteur : Ancien élève de l’École normale supérieure, Jean-Marc Moriceau est professeur d’histoire moderne à l’université de Caen et président de l’Association d’histoire des sociétés rurales. Il est l’auteur des Fermiers de l’Île-de-France, XV°-XVIII° siècle (Fayard, 1994), d’un Guide sur la terre et les paysans, XII°-XVIII° siècles (Caen, 2000), de Terres mouvantes. Les campagnes françaises du féodalisme à la mondialisation, XII°-XIX° siècle (Fayard, 2002) et d’une Histoire et géographie de l’élevage français du Moyen Âge à la Révolution (Fayard, 2005). Directeur de la revue Histoire et Sociétés rurales, il anime, avec le géographe Philippe Madeline, le séminaire du Pôle Rural de la Maison de la recherche en sciences humaines de l’université de Caen.
Un avis : Avec cette oeuvre magistrale et passionnante, l’historien Jean-Marc Moriceau, déjà connu des généalogistes pour ses publications sur le monde rural, nous démontre l’origine et le bien-fondé de la peur ancestrale du loup. S’appuyant sur une vaste enquête bibliographique (mémoires, livres de raison, rapports administratifs, registres de comptes des hôpitaux, procès-verbaux...), avec le concours de la communauté généalogique pour des recherches dans les registres paroissiaux, l’auteur a ainsi recensé et analysé plus de 3000 attaques du prédateur sur l’homme, dans 85 départements français, de la Guerre de Cent Ans à celle de 1914-1918. Ces données lui permettent de dresser un vaste panorama, à la fois statistique, historique et géographique, des relations conflictuelles du loup et de l’homme et de distinguer notamment les attaques des « loups enragés » de celles des « loups anthropophages ». Les généalogistes et les historiens en histoire locale seront particulièrement sensibles à des thèmes comme la perception du loup par les populations rurales, les conséquences démographiques, économiques et psychologiques des attaques ou encore le rôle essentiel du curé face au fléau (voir notamment le stimulant chapitre 2). (Thierry Sabot, juin 2007) |