Lors de mes recherches généalogiques dans la commune d’Allainville aux Bois (78), j’ai eu la surprise de trouver vers la fin du XVIIIe siècle dans les registres communaux d’Hattonville les observations météorologiques du curé COUDRAY.
Ce curieux curé avait pour habitude de rédiger deux ou trois pages sur la météo et sur les récoltes à la fin de chaque année dans le registre BMS. C’est en étudiant l’année 1789 que je l’ai remarqué pour la première fois, il y commentait allègrement ce qu’il appelait "la folie des hommes".
Sans y faire plus attention à l’époque, ce n’est que quelques années plus tard en regardant une émission à la télévision, que je tombais sur un reportage dont le sujet était l’éruption volcanique d’un volcan au nom imprononçable (Eyjafjallajökull) ainsi que sur de précédentes éruptions au travers des âges dans cette magnifique et perturbée région islandaise, notamment sur le Laki en 1783 qui était un ensemble d’une centaine de volcans qui explosa et répandit sur l’Europe entière un brouillard sulfuré composé de dioxyde de soufre provoquant la mort de milliers de personnes en 1783 et 1784. Il est dit que cette catastrophe fut à l’origine de famines qui furent entre autres à l’origine de la révolution française en 1789.
C’est alors que je me suis rappelé le curé COUDRAY et me suis demandé de quelle manière il avait commenté cet événement catastrophique naturel. Voici ce que j’ai trouvé dans le registre pour l’année 1783 :
"En cette année 1783, après un printemps des plus froid et humide sans avoir été trop pluvieux, il parut vers le quinze juin un brouillard des plus dense, qui fut très humide les premiers jours, et qui devint ensuite sec et dura sans aucune interruption jusque vers le vingt ou même vingt deux juillet. Ce brouillard ne paraissait pas s’élever fort haut dans l’atmosphère. Il n’obscurcissait pas entièrement le soleil qu’on pouvait aisément fixer sans blesser la vue, au milieu du jour, comme à son lever et à son coucher. Il paraissait d’un rouge mêlé d’obscurité. On eut dit qu’il était continuellement éclipsé par un rideau qui ne laissait apercevoir qu’un anneau clair et vif au bout de son disque. Ce phénomène eut lieu dans toutes les parties de l’Europe suivant les relations des journaux et mercures de l’année. Ce qui exerça beaucoup la plume de Physiciens qui veulent rendre raison de tout, même de ce qu’ils n’entendent pas mieux que le simple peuple. Les uns dirent que le soleil était encrouté d’une couche de scories qu’il avait expulsé de son centre à sa superficie, les autres prétendirent que ce brouillard épais et continu qui l’obscurcissait sans empêcher de le voir et qui donnait même à toute heure la facilité de le fixer sans gêne, n’était qu’une suite de la grande quantité de vapeur qu’avait vomi pendant plusieurs mois le mont Vésuve car ce fut en effet à cette époque qu’arriva l’affreux renversement de Messine et tout le désastre de la Sicile et surtout de la Calabre extérieure. Sans recourir à ces explications dénuées de fondement, il était bien plus simple il me semble de dire que le printemps ayant toujours été très froid, très humide, que le soleil n’ayant presque pas paru pendant toute cette saison, la Terre n’ayant par conséquent rendu jusqu’à lors rien des vapeurs et de l’excessive humidité dont elle s’était imprégnée pendant un hiver des plus pluvieux et un printemps des plus froids, elle commença à les exhaler lorsque le soleil dans son apogée dardait presque perpendiculairement ses rayons sur elle. Quoiqu’il en soit, ce phénomène eut un effet pernicieux. La moisson qui paraissait devoir être tardive, fut précoce parce que aussitôt que ce brouillard eut disparu vers le 20 ou 22 juillet, les grains qui n’étaient qu’à moitié formés, tournèrent en deux jours à maturité, ou plutôt furent échaudés et grillés. Ils avaient fleuri on ne peut mieux au commencement de juillet pendant le calme du brouillard qui était accompagné d’une chaleur douce et sourde, mais la rouille épaisse dont ils étaient couverts dès le commencement de mai, la prodigieuse quantité d’herbe dont ils étaient remplis, jointes à une chaleur ardent et subite qui ne leur donne pas le temps d’achever de prendre leur nourriture furent cause que la récolte fut des plus mineure au point que dans ce canton les meilleures terres rendirent à peine trois septiers au septier. Il y en eut même beaucoup de médiocres qui ne rendirent guère au delà de leurs semences.
Après que ce brouillard eut disparu, il fit du plus beau temps, le plus chaud et le plus sec jusqu’à la veille de Noël. Les mois de novembre et décembre également froids et secs. L’eau manquait partout excepté dans les puits. On nettoyait les mares à la fin de décembre plus facilement qu’on ne fait ordinairement dans les plus grands jours."
Source : Registre des Yvelines pour la commune de Saint Germain d’Auxerre d’Hattonville (rattaché à Allainville en l’An II) ref 1MIEC2 années 1769-1792 page 63/125.
Il n’était pas très loin de la vérité finalement notre bon curé !
Mes recherches généalogiques sont curieusement liées aux volcans car mon arrière-grand-mère, née dans cette commune d’Allainville aux Bois, a vu le jour le 29 août 1883 soit 2 jours après l’explosion du volcan Krakatoa en Indonésie dont le nuage de cendres fit plusieurs fois le tour de la Terre et fit baisser la température mondiale de 0,25°C, mais ça c’est une autre histoire !