Aujourd’hui seize du mois d’avril mil sept cent soixante et dix le lendemain du jour de pâques, à trois heures moins un quart du matin s’est écroulée l’église de Thiolières battie en l’an onze cent quarante un. quel fracas ! quel renversement ! quel danger ! mais aussi quel prodige ! je frémis, je tremble, le coeur me manque, je lève les mains au ciel pour lui rendre nos actions de grâces. tout le devant du temple les voutes de la nef du clocher, le clocher lui meme et les cloches tout tombe à la fois : les arbres quon avait mis et au dedans et au dehors pour pour l’appuyer sont cassés par le milieu. quelques heures plus tôt ou plus tard que fusse arrivée cette ruine de ce gros et matériel édifice, sur tout si ceut été le vendredi saint que l’église était toutte pleine ; quel carnage ! quelle catastrophe ! pas un n (n)eut été sauvé ; nous avions été menacés depuis plus d’un an, les croutes des voutes étaient tombées de temps à autre sans frapper jamais personne enfin tout s’est détruit sans qu’aucun ait eu le moindre dommage. les cloches elles mêmes ont été renversées et ne se sont point cassées ; le doigt du dieu et d’un dieu bon et propice y parait trop visiblement marqué. toutte ma parroisse et moi fumes en procession le jour même à ambert ; y portames notre dame de Bon Secours et offrimes à dieu dans la chapelle de notre dame du laire (Notre Dame de Laire) le sacrifice de notre rédemption en reconnaissance d’une grace si spéciale. le lendemain seconde fete de Pâques nous y portames dans l’église st jean le sacré dépot du corps et du sang si précieux de jésus christ. quoy de plus lugubre ! Thiolières sans autel sans sacrifice le lieu autrefois saint devenu profane et interdit. les chemins arrosés de larmes les habitants de la ville (celle d’Ambert, sans doute) melent leurs larmes avec les notres celles de la campagne, tout excites la piété la plus tendre et la plus affectueuse, ce que j’ai vu, ce que j’ai entendu, ce que j’ai épprouvé, je l’ateste et le certifie en foi de quoi ce dix huit avril 1770. Faididez curé.
- Registre de Thiolières (63), 6 E431/1 BMS 1569-1791, vue 161/348.
et page suivante dans le même registre :
Nota : aujourd’hui jeudy vingt six avril mil sept unt soixante et dix a été clos le choeur de l’église de Thiolières, et suivant la permission reçue de Monseigneur l’évêque en datte du dix huit avril et signée micolon de Blanval vicaire général, nous avons bénis solennellement ledit choeur avec le cimetière et en conséquence y avons célébrés le st sacrifice de la messe et faite les autres fonctions curialles. fait ce 26 avril 1770.
- Registre de Thiolières (63), 6 E431/1 BMS 1569-1791, vue 162/348.
Note : Le fait que l’effondrement de l’église soit intervenu a une heure où personne ne se trouvait à l’intérieur a dû renforcer la foi de ces paroissiens, d’autant plus que - et l’on peut s’en étonner - les cloches ne se sont même pas cassées ! Le curé manifeste une émotion sincère et semble fort affecté par la disparition du lieu saint. À le lire à la fin, on a l’impression que Dieu, pourtant si miséricordieux en cette circonstance, a déserté le village.