Bonjour,
Trouvé dans Gallica, la nécrologie de Pierre Louis Joseph Marchand.
Cordialement.
Michel Guironnet
"Nécrologie. M. Marchand (Pierre-Louis-Joseph). Le Corps forestier a fait une grande perte en la personne d’un de ses membres les plus actifs et les plus sympathiques, M. Louis Marchand, ancien Conservateur des Eaux et Forêts, ancien directeur de l’Ecole des Barres, décédé le 3 février dans sa propriété de Montigny, près d’Arbois, où il s’était retiré après sa mise à la retraite.
A ses obsèques, qui eurent lieu le lendemain, dans cette localité, l’Administration des Eaux et Forêts fut représentée par MM. Bazaille, Conservateur, Bergère, Boudriot et Thiollier, Inspecteurs, Poux, Inspecteur adjoint, et un piquet de i5 préposés, commandé par M. Hubault, garde général stagiaire, rendit les honneurs.
Des discours furent prononcés par l’adjoint de Montigny, dont M. Marchand était maire, « un maire comme on ne peut en trouver de meilleur », par le Président de l’Association des anciens élèves du collège Pasteur à Arbois, et par M. l’Inspecteur Thiollier, qui, au nom du Corps forestier, s’exprima ainsi :
J’avais espéré qu’une voix plus autorisée que la mienne viendrait ici retracer la belle carrière du grand forestier qui vient de disparaître. Des empêchements indépendants de leurs volontés ont retenu ceux qui étaient qualifiés pour faire l’éloge de M. Marchand. Je vais donc dire, en quelques mots, combien fut grande et pleine d’enseignements la vie de celui que nous pleurons :
Né à Arbois en 1841, M. Marchand est entré à l’Ecole forestière à l’âge de 20 ans à peine. En sortant de Nancy, il eut l’intention de faire sa carrière dans son pays natal, si riche en belles forêts et qu’il affectionnait entre tous ; il est donc, sur sa demande, nommé, en 1863, garde général stagiaire à Poligny, d’où il va bientôt gérer, en l’absence du titulaire, le cantonnement de Gy. Mais les questions passionnantes et nouvelles, à l’époque, de la restauration des montagnes devaient tenter l’esprit élevé et l’activité si grande de ce jeune agent. Il demande donc un poste très dur, mais aussi fort instructif en la matière et on l’envoie, en i864, à Barcelonnette, dans cette vallée de l’Ubaye surnommée « la patrie des torrents ».
Il se distingue de suite dans ce nouveau service qui le captive et auquel il consacrera la plus grande partie de sa carrière. En 1870, M. Marchand est officier d’état-major ; des dépêches d’une importance capitale lui sont confiées et, déguisé, il les transporte à travers les plateaux du Jura recouverts d’une épaisse couche de neige. Sa grande connaissance du pays lui permet de mener à bien cette périlleuse mission.
En 1873, des affaires personnelles obligent M. Marchand à demander sa mise en disponibilité ; cette interruption de service, qui aurait brisé la carrière d’un agent ordinaire, ne retarde que de fort peu son avancement. On le trouve en 1876 aux reboisements de l’Ardèche, dont il devient chef de service en 1877, puis aux reboisements de l’Aude et enfin, en 188o, au même service en Savoie, puis à Embrun. C’est là qu’il est promu Inspecteur. Mais le Directeur des Forêts avait besoin, au ministère, d’un chef de section des reboisements très instruit en la matière. Nul mieux que M. Marchand ne convenait à ce poste ; il l’occupe de 1883 à 1885, puis il gère pendant 6 ans l’inspection de Beaune, où l’administration lui confère, à si juste titre, le grade de Conservateur. C’est en cette qualité qu’il occupe le poste de Besançon de 1891 à 1897.
Mais sa grande connaissance du caractère humain, l’ascendant qu’il prenait de suite sur son personnel le désignaient pour une tâche difficile entre toutes, je veux parler de l’instruction des jeunes gens qui vont devenir agents forestiers : c’est pourquoi on lui confie la direction de l’Ecole forestière des Barres où, pendant 10 ans, il prodiguera à ses élèves de précieux conseils empreints de l’extrême droiture et de la grande justesse de vues qui caractérisaient cet homme éminent.
M. Marchand était chevalier de la Légion d’honneur depuis 1896, commandeur du Mérite agricole depuis 1902 et Officier de l’Instruction publique depuis 1903. A différentes reprises, l’Administration lui a confié des missions forestières en Autriche et en Suisse. Il a écrit également plusieurs ouvrages techniques appréciés. Je n’exagérais donc pas en disant, tout à l’heure, que la carrière de M. Marchand fut une grande et belle carrière.
Ayant demandé et obtenu, en 1907, son admission à la retraite, il s’établit dans son cher Montigny, où il était revenu chaque année avec tant de plaisir passer ses heures de liberté et vous l’avez vu, jusqu’à ses derniers jours, consacrer à sa commune son intelligence et son activité.
Oserai-je maintenant parler devant sa famille et devant vous tous, qui avez eu l’honneur et le bonheur de le connaître pendant plus longtemps que moi, oserai-je, dis-je, parler du père de famille et de l’homme privé ?
Sur ce point vos souvenirs seuls suffisent : ils vous diront mieux que moi l’étendue de la perte que nous venons de faire. Monsieur le Conservateur, vos chefs vous ont porté au sommet de la hiérarchie forestière, vos subordonnés vous ont voué un attachement dont l’unanimité est bien touchante et bien rare. Tous ont admiré votre caractère et votre œuvre. Au nom de tous, je vous adresse un très respectueux et bien ému « au revoir ».
A ces paroles si vraies, qu’il me soit permis, en souvenir de la collaboration étroite qui nous unit pendant 3 années, d’ajouter quelques lignes pour adresser à mon ancien chef un dernier témoignage d’affection et de regret.
C’est aux Barres, où il avait été envoyé comme directeur, que je connus M. Marchand. Dans ce poste de confiance, que l’Administration lui avait donné comme couronnement de sa carrière, il avait su de suite s’attirer les sympathies de tous. Car là, peut-être mieux encore que partout ailleurs, s’affirma le trait dominant de son caractère, la bonté. Bon, il l’était foncièrement, d’une bonté qui s’alliait à la fine bonhomie d’un Franc-Comtois de vieille souche et qui n’excluait pas chez lui l’énergie ; loin de là. Rappellerai-je ici ce noble épisode de sa vie auquel sa modestie ne voulait pas qu’on fît allusion, alors que, en 1870, faisant bon marché des devoirs de famille les plus chers, il traversait les lignes ennemies pour porter des dépêches importantes au général Bourbaki.
D’une aimable et cordiale simplicité, très indulgent, accessible à tous, M. Marchand exerça ses délicates fonctions de directeur d’école d’une façon toute paternelle.
Dans ce beau domaine des Barres, il se trouvait heureux, car il pouvait donner libre cours à ses goûts de forestier et de terrien. Terrien, il l’était en effet dans la plus noble acception du mot. Presque au début de sa carrière, il n’avait pas hésité à quitter pendant quelque temps l’Administration pour remettre en valeur des terres ruinées par la disparition des vignes qui les couvraient, afin de conserver à ses enfants le patrimoine légué par ses ancêtres. A ces terres, à ces vignes auxquelles il avait consacré les forces vives de ses plus belles années, il devait toujours conserver un attachement profond. Avec quelle joie il reprenait, aux vacances, le chemin de son cher Montigny !
Aussi, c’est sans appréhension qu’il vit arriver le moment, si pénible pour beaucoup, de la retraite ; il retrouvait son foyer, le coin du sol qui l’avait vu naître. Et puis, à la tête d’une belle et nombreuse famille dont il était le chef aimé et respecté, que de chers intérêts il avait en mains ! Combien utiles étaient pour les siens sa présence, son activité, sa connaissance des affaires !
Mais, hélas ! il ne devait pas jouir longtemps de ce repos actif. Il avait toujours trop compté sur les forces dont il était doué. A peine installé chez lui, la maladie le terrassa. La disparition de la chère compagne de sa vie lui enleva une partie de l’énergie qui lui aurait été nécessaire pour réagir et, malgré les soins dévoués qui l’entouraient, il vient de succomber.
Mon vif regret est de n’avoir pu aller serrer une dernière fois cette main loyale qu’il me tendit si souvent.
Je viens du moins lui apporter ici, au nom de ses anciens collaborateurs et élèves de l’Ecole des Barres, l’hommage des regrets profonds qu’il laisse parmi eux. Son souvenir est de ceux qui ne s’effacent pas et une vie telle que la sienne, toute de travail, de dévouement à sa famille et à son pays, est un exemple réconfortant pour les siens comme pour tous ceux qui l’ont connu. L. Pardé. »
« Revue des eaux et forêts : économie forestière, reboisement.. » 1912 (T51,A1912, SER4).
Identifiant : ark :/12148/bpt6k97351326
Relation : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb328583731/date