Ruth Rendell, Crime par ascendance, titre original anglais : « The blood doctor », 2002 et 2004 pour la traduction française chez Calmann-Lévy et mars 2005 chez France Loisirs, 573 p.
L’amateur d’histoire et de généalogie se régalera à la lecture du roman de Ruth Rendell, « la grande dame du suspense anglais », à laquelle le Monde des livres sous la plume de Raphaëlle Rérolle consacrait, dans son édition du 27 janvier dernier, un article louangeur intitulé « Une anglaise bien tranquille ».
Si le titre français nous entraîne sur les chemins arides et souvent fort complexes de la généalogie familiale, le titre anglais, lui, nous révèle le thème du livre : l’hémophilie, en le situant dans l’histoire médicale. Dans Crime par ascendant, c’est cette terrible maladie, dont on ignorait à peu près tout au XIXe siècle qui fera le lien entre « un notable victorien peu recommandable et ses descendants ». Sujet auquel se trouvera confronté au fil des pages, le narrateur Martin Alexander, 4e Lord Nanther, né en 1955 et qui, en l’an 2000, décide de consacrer une biographie à son arrière-grand-père, Henry Alexander, 1er Lord Nanther, né en 1836 et décédé en 1909.
Cette biographie, dont la matière sera le sang, le sang « comme agent de transmission d’une maladie héréditaire » il ne l’écrira jamais mais le lecteur le suivra pas à pas, dans sa recherche. Et comme tout généalogiste aguerri le sait par expérience, Martin Alexander n’aura pas la vie facile : que d’obstacles à surmonter sur le chemin de la vérité et que de patience et de ténacité il lui faudra pour répondre aux questions pleines d’embûches semées sur la route de son enquête.
Henry, 1er Lord Nanther, médecin, spécialiste des maladies du sang, auteur de plusieurs articles sur la maladie hémorragique, médecin consultant de la reine Victoria en matière d’hémophilie, puis médecin royal, anobli enfin, a laissé derrière lui de nombreux documents, comme s’il eût voulu qu’un jour un de ses petits-enfants s’intéressât à ce qu’il fut. Mais sans l’aide de plusieurs membres de sa famille, cousins et cousines, qui lui révèleront petit à petit les chaînons manquants, Martin n’aurait jamais réussi à reconstituer le puzzle d’une vie, celle de son ancêtre.
C’est ainsi, par exemple, qu’en parlant avec l’un de ses cousins, David Croft-Jones qui, lui, ne se souciait que d’établir avec minutie l’arbre généalogique de la famille, Martin Nanther aura la réflexion suivante : « « Ces généalogistes, amateurs ou autres, finissent par transformer tous leurs rameaux, leurs liens familiaux, ces brindilles qui partent dans telle direction et ces ramifications qui partent dans telle autre, en une telle obsession qu’ils en perdent toute sensibilité sur ce qu’éprouvent réellement les membres de leur famille. » p. 175. Il n’osera pas lui en faire reproche mais n’en pensera pas moins : « Ces généalogistes n’ont pas l’air de beaucoup se soucier des personnalités, des lieux de naissance ou des singularités historiques, non, chez eux, ce qui compte, ce sont les noms et les dates, rien d’autre. » p.476-477.
Quant à la jeune épouse de Martin, Judith dite « Jude » Cleveland, elle ne pourra s’empêcher un jour de lui déclarer, elle qui carbure à l’intuition et que Martin tient au courant des résultats de ses recherches : « Odieux, cet Henry. Tu es vraiment forcé d’écrire l’histoire de sa vie ? Il est tellement épouvantable. » p. 186.
Si le généalogiste y trouve son compte, l’historien, pour sa part, se donnera un réel plaisir à suivre le jeune narrateur qui siège à la Chambre des Lords. Il va y apprendre, s’il ne le sait déjà, le fonctionnement de la pairie décrit avec humour par l’auteur. Elle même membre à vie de cette Chambre après avoir été faite baronne de l’empire par Tony Blair.
Pour ne jamais égarer son lecteur, l’auteur a pris soin d’ajouter à son récit deux arbres généalogiques : celui de la famille Nanther et celui de la famille Henderson ainsi qu’un plan détaillé de la Chambre des Lords. Il faudra s’y reporter sans cesse pour ne jamais perdre le fil de l’histoire.
Bonne lecture.