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Une piste viking dans mon ADN

Comment la triangulation génétique a révélé un héritage islandais

Le vendredi 17 octobre 2025, par Sébastien Bulenger

Alors que certains affirment qu’il est illusoire de retrouver la trace d’ancêtres lointains via l’ADN autosomal, une triangulation inattendue entre plusieurs Islandais et un segment du chromosome 3 relance le débat. Grâce à l’analyse fine de mes correspondances ADN et à un cas de recombinaison, je propose une hypothèse solide : un fragment de son génome pourrait bien avoir été transmis par un ancêtre d’origine viking.

Il y a quelques mois, j’ai critiqué l’article Hérédité et Généalogie : jouons aux billes... de Michel Baumgarth, publié dans cette gazette [1]. Celui-ci, par des arguments essentiellement mathématiques, essayait de démontrer qu’il était illusoire de prouver un lien génétique avec d’anciens — voire de très anciens — ancêtres, en utilisant la généalogie génétique autosomale, c’est-à-dire les données issues du séquençage des chromosomes non sexuels (chromosomes 1 à 22). J’ai alors commenté que l’approche de cet article, bien qu’intéressante dans sa vulgarisation, est en réalité trop simpliste, et néglige de nombreux mécanismes biologiques.

Voici aujourd’hui un exemple concret, fondé sur mes propres analyses, qui vient contredire cette position.

Une correspondance islandaise inattendue

D’après mes recherches généalogiques, mes parents ont tous deux une ascendance enracinée dans le Passais ornais et mayennais — une région rurale à l’écart des grands axes migratoires, et surtout éloignée des côtes. Aucune filiation directe avec des ressortissants étrangers, et encore moins nordiques, n’a été détectée dans les actes.

C’est à partir d’un pool (ou cluster) de correspondances ADN atypiques, identifié via un outil de traitement de séquences génétiques sur une plateforme en ligne, qu’un faisceau d’indices en faveur d’une ascendance nordique a commencé à émerger. Cinq individus islandais de ce pool partagent un même segment d’ADN avec ma mère et moi, sur le chromosome 3, entre les positions 56 034 000 et 62 660 000. Ces correspondances sont le plus souvent indiquées avec un "niveau de confiance faible" et une proportion d’ADN partagé inférieure à 0,3 %, ce qui reflète soit un lien génétique très ancien, soit un possible faux positif. Mais un profil ressort : celui d’un individu avec 0,4 % de correspondance, noté "confiance élevée", qui triangule parfaitement avec ma mère et moi sur cette portion.

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Cluster de correspondances ADN issues d’Islande

La puissance de la triangulation

La méthode de triangulation est ici essentielle : elle permet de valider que plusieurs personnes partagent le même segment exact d’ADN, hérité d’un même ancêtre, en comparant leurs données entre elles — et notamment avec celles d’un parent proche. L’alignement des profils islandais sur ce segment précis, combiné à leur isolement génétique connu, rend hautement improbable une coïncidence.

Mais ce n’est pas tout. À partir de ce premier groupe, j’ai identifié quatre autres individus islandais triangulant eux aussi avec ma mère et moi sur cette même région. L’un d’eux partage même un segment de 9 cM, ce qui représente une longueur significative à ce niveau de l’arbre généalogique.

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Capture d’écran montrant une triangulation

Une origine probable médiévale

Compte tenu de l’extrême stabilité génétique de la population islandaise, relativement peu brassée depuis le Moyen Âge, tout converge vers une conclusion : une portion de mon chromosome 3 a vraisemblablement été transmise par une lignée maternelle ancienne, issue d’un ou d’une ancêtre islandaise, probablement d’origine viking.

Cela démontre qu’il est bien possible de détecter des filiations très anciennes par l’ADN autosomal, en particulier lorsqu’elles sont corroborées par des regroupements régionaux solides et des segments triangulés. Ce contre-exemple met en défaut les conclusions trop catégoriques de Michel Baumgarth.

La recombinaison, grande oubliée des modèles simplistes

Un autre point affaiblit encore davantage la thèse de l’article critiqué. Celui-ci comparait les chromosomes à des « billes indivisibles », ignorant la complexité du mécanisme de recombinaison génétique. Or, juste à côté de la portion islandaise sur mon chromosome 3 se trouve une autre correspondance, avec un parent très éloigné identifié généalogiquement (Erwan). Nos ancêtres communs, issus du Passais mayennais, remontent à la fin du XVIIIe siècle. Erwan n’a aucune correspondance ADN avec les Islandais qui triangulent avec ma mère et moi : il ne possède donc pas la portion islandaise du chromosome 3 détectée auparavant. La correspondance avec Erwan, voisine mais ne recouvrant pas le segment islandais, montre qu’une recombinaison a très probablement eu lieu entre deux lignées, démontrant la plasticité des segments héréditaires à travers les générations.

Ainsi, la portion islandaise n’est pas héritée de la lignée d’Erwan, mais d’une autre branche encore muette en correspondances — un « silence génétique » dans lequel pourrait se cacher cette lignée venue du Nord.

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Schéma de recombinaisons chromosomiques
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Mon chromosome 3 maternel
En jaune, le segment partagé avec Erwan (40.10-55.07 Mb)
En bleu, la portion triangulée avec des Islandais (56.03-62.66 Mb)
La ligne pointillée indique la zone de recombinaison probable

Un haplogroupe évocateur

Enfin, un dernier indice vient renforcer cette piste : l’ADN mitochondrial de ma mère appartient à un haplogroupe également retrouvé chez des squelettes vikings. Ce seul fait ne saurait suffire à une preuve, mais il ajoute un élément supplémentaire à cette enquête, où l’analyse rigoureuse des données ADN dialogue avec l’histoire profonde des peuples.

Conclusion

Ce travail, loin des généralisations statistiques, montre que la généalogie génétique peut bel et bien remonter le fil du temps jusqu’à des origines lointaines — pour peu qu’on sache la lire avec rigueur et patience. Le passé ne se révèle pas dans les moyennes globales, mais dans les fragments ténus d’ADN qui résistent au silence des siècles.


Rappel de la loi : le séquençage ADN dit récréatif est interdit en France

Les tests ADN décrits ici ont été réalisés hors de France

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5 Messages

  • Une piste viking dans mon ADN 17 octobre 17:29, par Chantal

    Votre étude m’a beaucoup intéressée. Je suis originaire de la Marne et ma branche maternelle est originaire des Ardennes depuis 1650. Peut-être de Belgique avant cette date, je ne le saurai jamais.
    J’ai eu la surprise d’apprendre que 15.2 % de mon ADN venait d’Ecosse et d’Irlande. J’aurais donc également des ancêtres Vikings.
    C’est assez troublant de remonter brusquement jusqu’à une époque aussi lointaine.

    Répondre à ce message

  • Une piste viking dans mon ADN 17 octobre 16:00, par dervillé

    également
    par de HEIDMARK Rögnvaldr Ragnvald le Sage Eysteinsson Ier
    Sosa n° 22 683 990 668++ (G 35)
    mais je n’ai pas votre science et j’ai besoin d’apprendre
    merci encore
    michel

    Répondre à ce message

  • Une piste viking dans mon ADN 17 octobre 15:37, par Balthazar

    Ptêt’ ben que vous avez tout simplement un ancêtre Normand, ce qui ne serait guère surprenant avec des origines dans l’Orne et la Mayenne.

    L’Islande a ceci de particulier qu’étant une île très isolé, les apports génétiques d’autres populations y sont très maigres. Une enquête scientifique avait même permis de reconstituer le patrimoine génétique d’un ancien esclave africain qui, après avoir fui une colonie anglaise vers une colonie danoise, avait pu rejoindre le Danemark pour ensuite s’installer en Islande. Ses chromosomes africains avaient été assez faciles à identifier parmi ses descendants islandais.
    Mais de là à dire qu’on a une ascendance islandaise parce qu’on partage 0,3% de patrimoine génétique avec 4 d’entre eux me paraît un peu exagéré. Entre la chute de l’Empire Romain et l’an 1000, les mouvements de populations en Europe ont été très importants, et il n’y aurait rien d’étonnant à ce que certains gènes aient survécu jusqu’à aujourd’hui.

    Répondre à ce message

  • Une piste viking dans mon ADN 17 octobre 11:04, par DORIAN ELENICHT

    Intéressant travail de recherche, bravo. J’y vois là une analogie avec la ’blockchain’ utilisée entre-autre par les cryptomonnaies, ce fameux ticket-de-caisse qui contient toutes les opérations effectuées depuis sa création. Je pense que notre ADN contient en effet toutes les modifications apportées depuis sa création, générations après générations, et que le problème consiste à savoir l’interpréter finement. D’un autre côté, sera t-il judicieux dans l’avenir, de ’mettre à poil’ un individu, et par là même lui enlever sa part de mystère ?

    Répondre à ce message

  • Une piste viking dans mon ADN 17 octobre 08:05, par Jimmy GREZES

    Merci pour ces éclaircissements éblouissants et passionnants. Pourriez-vous nous partager la plateforme d’analyse ?

    Répondre à ce message

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